La décision sur le contrat de distribution de journaux est encore reportée : bien que presque personne ne soutienne plus cette concession, des questions juridiques persistent, notamment pour le ministre Vincent Van Peteghem (CD&V), qui est mis sous pression par le monde associatif chrétien.
- Le gouvernement Vivaldi prolonge encore l’agonie du dossier sur la concession pression : aucune décision n’a été prise hier après-midi concernant les 125 millions d’euros par an d’aide de l’État. Désormais, cette aide n’ira plus à Bpost, c’est une quasi-certitude. La question demeure de savoir si cette subvention ira alors aux deux acteurs privés qui ont remporté le marché public : PPP et Proximy. Mais rien n’est moins sûr.
- Subitement, plus personne ne défend la concession qui a amené des centaines de millions d’euros, d’années en années, dans les caisses de Bpost et indirectement de la presse papier. Vooruit a été le plus loin hier, avec sa présidente Melissa Depraetere (Vooruit) affirmant devant les caméras de Villa Politica qu’il n’est plus nécessaire de subventionner ces grandes entreprises. Pour elle, « la concession presse est dorénavant un chapitre clos ». Même au sein du gouvernement, plus personne ne s’y attache, à part comme moyen de négocier d’autres mesures de soutien.
- Il semble que chaque parti du gouvernement accepte l’idée selon laquelle cette subvention visait principalement à soutenir financièrement Bpost, plutôt qu’à protéger la démocratie (via une aide à la presse). Ce point a été clairement exprimé lors du débat parlementaire, en plénière, jeudi.
- « Nous avons maintenant des propositions de PPP, qui veut livrer tous les journaux et magazines de manière plus efficace. Mais est-ce vraiment ce que nous voulons ? Voulons-nous vraiment que des flexi-jobbers et des seniors en activité complémentaire distribuent nos journaux avant huit heures du matin ? », a interrogé Jef Van den Bergh (CD&V).
- Eva Platteau (Groen) n’est pas du même avis : « Après la fermeture des distributeurs de billets et la disparition des bureaux de poste, les gens risquent désormais de perdre leurs journaux. Cela représenterait un nouveau recul d’un service essentiel. L’appel d’offres a désigné un gagnant en qui, apparemment, personne n’a confiance. Comment est-ce possible ? Le moins cher a gagné, mais personne ne sait si cette entreprise pourra réellement assurer la tâche ».
- Néanmoins, le débat au sein du gouvernement ne semble plus se concentrer sur ce point : presque tous les vice-premiers ministres (peut-être à l’exception d’Ecolo) sont convaincus que Bpost ne peut plus bénéficier de la concession presse.
- Cependant, de nombreuses questions juridiques demeurent. Le vice-premier ministre Vincent Van Peteghem (cd&v) cherche des réponses précises sur la possibilité d’annuler la concession presse et l’appel d’offres européen correspondant.
- Contrairement à d’autres membres du gouvernement, le cabinet Van Peteghem est mis sous pression par les associations et notamment par les publications chères au CD&V : Beweging.net et Kerk & Leven. Ils préféreraient éviter l’annulation totale, car cela leur ferait perdre leurs tarifs préférentiels. Les « solutions alternatives » présentent beaucoup plus d’incertitudes, y compris sur le plan juridique.
- Par ailleurs, le CD&V trouve un allié chez le petit distributeur bruxellois, PPP. Le CEO de PPP, Michel D’Alessandro, a déclaré qu’en cas d’annulation du contrat, il irait « sûrement au Conseil d’État ». « Nous avons participé honnêtement à l’appel d’offres et sommes ressortis comme les meilleurs : presque la même évaluation de qualité que Bpost, mais pour la moitié du prix. Nous devrions donc logiquement obtenir le contrat. » Il considère cela comme un affront pour les entrepreneurs et les PME, au bénéfice d’une entreprise publique. « Quel message le gouvernement souhaite-t-il transmettre avec cela ? »
- Autrement dit, PPP reste un candidat potentiel pour la distribution de journaux.
L’essentiel : Les éditeurs francophones et le monde associatif veulent tous deux obtenir une part du gâteau.
- Il est notable que seuls les Verts défendent encore vigoureusement au Parlement l’argument selon lequel « la démocratie est menacée » si la subvention annuelle de 125 millions d’euros à la presse papier cessent.
- Du côté flamand, plusieurs articles parus dans les journaux plaident clairement pour la suppression de cette subvention. Dans De Tijd (pour des raisons idéologiques, estimant que l’État ne doit pas intervenir), mais aussi dans De Morgen (pour des raisons de crédibilité, affirmant que le journalisme doit être autonome) et maintenant aussi dans Het Laatste Nieuws : « L’argument que certaines personnes seraient privées d’informations de qualité est absurde », affirme le journal.
- Sans surprise, les deux grands éditeurs flamands, DPG Media et Mediahuis, ont déjà indiqué qu’ils ne souhaitaient plus nécessairement cette subvention, ayant été accusé de « collusion » lors de l’attribution précédente.
- Chez les éditeurs francophones, la situation est très différente. Ce n’est pas un hasard si La Libre remet en cause aujourd’hui dans son éditorial la « gestion très légère » du gouvernement dans ce dossier. « L’enjeu est crucial, celui de défendre une information de qualité qui doit être correctement distribuée ». L’argument selon lequel « la démocratie est en danger » est donc encore très vivant, au sud du pays.
- En conséquence, à la table du gouvernement, le PS, le MR et bien sûr Ecolo souhaitent tous réintroduire une forme de subvention, maintenant qu’il est envisagé d’annuler la concession presse et ainsi libérer 125 millions d’euros. La question est de savoir si cela peut se faire rapidement, sans donner l’image d’une république bananière.
- Les partis francophones sont prêts à explorer toutes sortes de nouvelles méthodes, pour ne pas pénaliser les fameuses « zones blanches » rurales, y compris des réductions fiscales. Cependant, entre l’idéal et la réalité, il y a toujours des obstacles pratiques et des partenaires de coalition qui ne sont pas enclins à se lancer dans des aventures risquées.
- Du côté flamand, le CD&V semble surtout préoccupé par sa propre base et les publications ecclésiastiques. S’ils parviennent à être inclus d’une manière ou d’une autre dans le nouveau mécanisme de soutien, ils atteindront leur objectif. Les partis francophones peuvent donc trouver dans le CD&V un allié.
- Les libéraux flamands, eux, peuvent simplement observer la situation : ils ont toujours plaidé pour l’abolition de la concession presse. Le chaos entourant les mesures alternatives et l’improvisation concernant les tarifs jouent en leur faveur. Car si aucune décision n’est prise, faute de consensus, ils seront les gagnants.