Le Brésil déchiré: Bolsonaro a remporté 97% des villes les plus riches, Haddad, 98% des plus pauvres

Un sondage local jette une lumière intéressante sur les résultats des élections au Brésil. Mais comparer Jaïr Bolsonaro à Donald Trump n’est pas pertinent.

Alors que la moitié des Brésiliens et une grande partie du monde doivent encore se remettre de la victoire électorale du candidat de l’extrême droite Jaïr Bolsonaro (à droite de la photo), le journal brésilien Estadão publie une étude intéressante qui jette un éclairage différent sur ce qui se passe dans la quatrième plus grande démocratie du monde.

Les riches ont voté pour l’extrême droite

Le journal a analysé les résultats des élections dans les 1 000 villes/municipalités ayant le revenu moyen le plus élevé et a découvert que dans 967 d’entre elles, Bolsonaro était arrivé vainqueur. L’opposant socialiste de Bolsonaro, Fernando Haddad (à gauche sur la photo), a dû se contenter de 33 victoires.

Dans les 1 000 villes/municipalités ayant le revenu moyen le plus faible, c’est exactement la situation inverse qui s’est produite. Haddad a été couronné vainqueur dans 975 d’entre elles, alors que la préférence n’est allée à Bolsonaro que dans 25 municipalités.

Les moins éduqués ont voté pour Haddad

Les territoires où l’indice de développement humain (IDH) est faible – une mesure de l’éducation, de l’espérance de vie et du revenu – ont également opté pour le candidat socialiste. Un phénomène qui est mieux illustré par 2 exemples. À São Caetano do Sul, la ville affichant le score IDH le plus élevé du pays, Bolsonaro a recueilli plus de 75,1 % des voix. De l’autre côté du spectre, se trouve la ville de Melgaço, avec le score IDH le plus bas du Brésil. Dans ce territoire, 75,6 % des électeurs ont voté pour Haddad.

Selon le journal, la corrélation est similaire à celle qui avait été mesurée en 2006, après la victoire électorale du candidat de l’extrême gauche Lula da Silva, simplement, maintenant, elle pèse en faveur du candidat d’extrême droite.

Bolsonaro a gagné dans moins de villes et municipalités que Haddad – 2 760 contre 2 810 – mais parce qu’il a gagné dans les grandes villes (Rio de Janeiro par exemple, mais surtout dans la métropole de Sao Paulo, où vivent 22 millions de personnes), il a recueilli un total de 10 millions de suffrages de plus que son adversaire.

Le « Trump des tropiques » ? Pas vraiment …

Dans les principaux médias, Bolsonaro est souvent surnommé «lLe Trump des tropiques». Cette comparaison n’est pas entièrement pertinente. Tous deux sont des « outsiders » qui ont réussi à utiliser un langage politiquement incorrect pour exploiter les frustrations suscitées par la classe politique traditionnelle. Tous deux favorisent la polarisation, inspirent la controverse sur la question des femmes et des minorités, et respirent l’authenticité. Les deux ont su se créer une base solide en évitant les principaux médias – jugés partiaux- et en pariant sur les médias sociaux

Comme Trump, Bolsonaro n’a que peu de respect pour l’environnement et veut réformer complètement la politique étrangère de son pays en dupliquant l’approche transactionnelle, affirmée et nationaliste du président américain. Comme le New-Yorkais, on s’attend à ce qu’il passe à l’action très rapidement. 

© EPA

Brésil: métropole du meurtre

Mais le Brésil n’est pas l’Amérique. Dans la plus grande économie d’Amérique latine, 64 000 personnes ont été tuées l’an dernier. Cela signifie 175 … par jour. En proportion, c’est 6 fois plus qu’aux États-Unis. 7 des 20 villes les plus meurtrières au monde se trouvent au Brésil. 

Le peuple a été trompé par une classe politique corrompue pendant des années . L’ancien président Lula est en prison pour corruption, son successeur Dilma Rousseff a dû démissionner en raison de son implication dans un scandale de corruption. Lors de la législature précédente, plus de 100 hommes politiques ont été inculpés. Douze d’entre eux ont été condamnés, y compris Lula. 

L’économie américaine est florissante … Le Brésil est un cimetière économique

Alors que l’économie américaine est en crise , le Brésil connaît toujours la récession la plus profonde de son histoire. Depuis 2014, le PIB du pays a chuté de plus de 10 % et des millions de Brésiliens ayant accédé à la classe moyenne sous Lula sont retombés dans la pauvreté. 56 % de l’argent dépensé par le gouvernement va aux retraites et ce montant croît chaque année 4 % plus vite que le PIB.

Le  ras-le-bol  de la population locale avec les belles paroles de politiciens peu fiables

Trump a pris son premier mandat avec une défaite lors du vote populaire, mais avec le Congrès et le Sénat aux mains des républicains. Bolsonaro a remporté le vote populaire avec plus de 10 millions de voix, mais ne pourra pas compter sur une grande sympathie de la classe politique brésilienne (pour la plupart corrompue). 

Bien que Bolsonaro et Trump fassent certainement partie d’une vaste coalition contre la politique traditionnelle qui a dominé les démocraties occidentales pendant des décennies, le Brésilien arrive au pouvoir dans des circonstances totalement différentes de celles de son homologue américain.

La situation au Brésil est donc incomparable avec celle des États-Unis en termes de corruption, de chiffres économiques et de meurtres, mais elle est similaire en ce qui concerne le ras-le-bol de la population locale à l’égard des belles paroles de politiciens peu fiables. 

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