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L’Allemagne éteint ses centrales nucléaires ce samedi et fait un saut dans le vide : comment va réagir le prix de l’électricité ?

L’Allemagne éteint ses centrales nucléaires ce samedi et fait un saut dans le vide : comment va réagir le prix de l’électricité ?
Manifestants anti-nucléaires devant une centrale. (Photo by Christoph Schmidt/picture alliance via Getty Images)

La baisse des prix de l’énergie va-t-elle pouvoir continuer son chemin ou faut-il s’attendre à une hausse des prix, à courte et à long terme ? La réponse est loin de faire l’unanimité en Allemagne, tout comme la sortie du nucléaire.

Pourquoi est-ce important ?

Un problème d'approvisionnement en énergie en Allemagne, c'est en réalité aussi le problème de toute l'Europe. Si le pays manque d'énergie, il devra en importer davantage, ce qui peut faire augmenter les prix ailleurs. Cela pourrait aussi plomber son économie, qui est la première force du continent.

Dans l’actu : ce samedi, l’Allemagne débranchera ses trois dernières centrales nucléaires. Elles représentent une capacité de production de 4 GW, selon la base de données Electrictymaps. Ce n’est pas rien.

  • La sortie a été actée après Fukushima, en 2011 (le pays comptait alors 17 réacteurs actifs), et devait se clôturer en 2022. Dans le contexte de crise énergétique, les derniers réacteurs ont été prolongés de trois mois et demi. L’idée était de les remplacer par des centrales au gaz, avec le gaz bon marché de Moscou.
  • Mais cette sortie ne fait pas l’unanimité. Certains pensent qu’il aurait fallu attendre au moins le printemps prochain, surtout qu’il y a encore assez de combustible pour passer l’hiver prochain.

Quel impact sur le prix de l’électricité ?

Baisse continue du prix ?

  • L’évolution du prix de l’électricité ne fait pas non plus l’unanimité. La vice-présidente du Parlement, l’écologiste Katrin Göring-Eckardt (son parti est membre du gouvernement), estime que le prix devrait baisser. À long terme, cela dit.
    • « Le prix de l’électricité sera bien sûr d’autant plus avantageux que nous aurons plus d’énergies renouvelables », explique-t-elle mardi à la chaîne MDR Aktuell. « Le vent et le soleil, nous les obtenons toujours gratuitement. C’est là que nous avons besoin des installations et des réseaux, et c’est donc ce qui est décisif ».
    • Elle ajoute que l’énergie nucléaire serait « plus chère, que ce soit lors de la fabrication, de la production ou après », c’est-à-dire à l’avenir, à cause de la gestion des déchets nucléaires.
  • Elle ne se prononce pas sur l’évolution du prix dans les semaines ou mois à venir. Mais entre les lignes, on comprend qu’elle ne s’attend pas à une explosion du prix. Elle se justifie en se basant sur l’hiver passé, où l’atome n’a plus « joué un rôle significatif » avec une « quantité marginale d’énergie produite ». Sous-entendu : sans le nucléaire, ça ne changerait donc pas grandement.
    • Nuançons que l’hiver passé, le vent a soufflé fort, qu’il a fait plus chaud que d’habitude et le pays a fait des économies d’énergie.

Ou vers une hausse considérable ?

  • Peter Adrian, président de la Chambre allemande de l’Industrie et du Commerce (DIHK), n’est pas d’accord avec la politicienne écologiste. On pourrait devoir s’attendre à des pénuries d’électricité, ou du moins à des situations tendues, explique-t-il à la Rheinische Post. À court et à moyen-long terme. Une situation qui ferait augmenter les prix, selon les lois de l’offre et de la demande.
    • « Nous devons donc continuer à tout faire pour élargir l’offre d’énergie et en aucun cas la restreindre davantage », avertit Adrian, plaidant pour une prolongation du nucléaire jusqu’à la fin de la crise. « C’est la seule façon d’éviter, ou du moins d’atténuer, les pénuries d’approvisionnement et une nouvelle hausse massive des prix de l’énergie dans les mois à venir ».
    • Et d’ajouter : « Le risque, jusqu’ici inconnu en Allemagne, de pannes ou de restrictions de l’approvisionnement énergétique est un désavantage selon l’emplacement, que rien ne peut compenser dans un pays industrialisé ».
    • Il y a de grosses disparités dans la production énergétique. Le Nord compte de nombreuses éoliennes, mais la Bavière (qui perd un réacteur, Isar) par exemple n’en a que peu, et a commencé l’installation d’infrastructure d’énergie renouvelable que plus tard. Il n’y aurait en plus pas assez de connexions qui peuvent supporter de grosses charges entre le nord et le sud du pays. Certaines régions seraient ainsi touchées plus lourdement.

Approvisionnement : transition assez rapide ?

  • Le facteur déterminant semble être la rapidité de la transition vers d’autres sources d’énergie. Or, elle pourrait poser problème. « Jusqu’à présent, le marché ne fixe pas les conditions nécessaires à la construction indispensable de centrales capables de produire de l’électricité à tout moment et indépendamment des conditions météorologiques », explique Kerstin Andreae, présidente de la Fédération allemande de l’industrie de l’énergie et de l’eau (BDEW), à la Rheinische Post.
    • Elle entend par là que les conditions actuelles ne garantissent pas le développement assez rapide d’une puissance garantie suffisante, pour répondre au problème d’approvisionnement, à terme.
    • Elle craint aussi une augmentation des émissions de CO2 et une longévité prolongée pour les centrales au charbon (37,5 GW de capacité). Leur activité a déjà augmenté en 2022.

Bref, l’Allemagne fait un saut dans l’inconnu. Il est certain que l’enfant malade de l’énergie en Europe n’a pas encore fini de faire parler de lui et de ses problèmes en matière d’électricité.

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