L’affaire Lassoued continue de provoquer des remous au sein de la Vivaldi

L’affaire Lassoued continue de provoquer des remous au sein de la Vivaldi
Vincent Van Quickenborne (Open Vld) Annelies Verlinden (cd&v) – Getty Images

Le départ de Vincent Van Quickenborne du poste de ministre de la Justice n’a pas seulement provoqué un séisme au sein de l’Open Vld. C’est toute la Vivaldi qui a vacillé ce week-end.

  • Le départ de ‘Q’ n’a pas seulement ébranlé l’Open Vld : le gouvernement Vivaldi a connu des moments d’instabilité tout au long du week-end. Cela est loin d’être étonnant : les ministères de l’Intérieur et de la Justice sont souvent considérés comme des ministères jumelés.
    • En 2016, tant le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), que le ministre de la Justice, Koen Geens (cd&v), avaient présenté conjointement leur démission après les attentats. À l’époque, le Premier ministre Charles Michel (MR) l’avait refusée.
    • Plus tôt encore, en 1998, lors de l’affaire Dutroux, les ministres Johan Vande Lanotte (Vooruit) à l’Intérieur et Stefaan De Clerck (cd&v) à la Justice avaient conjointement démissionné.
  • Ce week-end, tous les regards se sont naturellement tournés vers Annelies Verlinden (cd&v), ministre en charge de la police et des affaires intérieures. Il était notable qu’au-delà des impressions initiales du cd&v, de sérieuses interrogations émanaient également des libéraux flamands concernant les interventions des forces de l’ordre, et ce, au sein même du gouvernement.
  • Dès samedi, l’attention s’est portée sur la « Red Notice » qu’Interpol avait émise en 2022 concernant Lassoued, depuis la Tunisie. Bien que Verlinden ait défendu l’idée que « la Tunisie n’avait pas sollicité son arrestation sur une base solide », puisqu’il s’agissait simplement d’une « évasion » non punissable en Belgique, la révélation qu’Interpol avait notifié cet homme pendant deux ans a interpellé l’ensemble du gouvernement Vivaldi. L’argument selon lequel Lassoued « agissait en sous-marin » et n’était « pas sur le radar » s’est ainsi grandement affaibli.
  • De surcroît, des sources judiciaires ont indiqué ce week-end que la police disposait bel et bien de l’adresse exacte de Lassoued. Ils l’avaient depuis 2021, l’ayant découvert lors d’un contrôle relatif à un potentiel mariage blanc, dans la même avenue de Schaerbeek que son adresse initiale, mais quelques maisons plus loin. Dès lors, la police connaissait véritablement sa localisation.
  • De Croo, en qualité de Premier ministre, a aussi exercé une certaine pression sur Verlinden, la mentionnant spécifiquement dans un tweet, suggérant qu’elle apporterait des clarifications au sein du kern. En effet, Verlinden a fourni une chronologie qui a fait l’objet d’une discussion approfondie. Si certains avaient des réserves, le consensus a finalement prévalu.
  • Le cd&v s’est montré particulièrement ferme : les dirigeants du parti ont informé via Het Nieuwsblad que si Verlinden devait partir, c’était potentiellement tout le gouvernement qui pourrait être renversé, une stratégie audacieuse.
  • Solide dans sa position, Verlinden s’est exprimée auprès des médias avant la réunion ministérielle, assurant qu’à sa connaissance, aucune faute n’avait été commise par la police. Elle s’est appuyée sur son expertise d’avocate pour se défendre, semblant faire fi des implications émotionnelles et politiques qui avaient conduit à la démission de son collègue, Van Quickenborne.
  • Désormais, davantage de moyens seront alloués, notamment en personnel, au parquet de Bruxelles avec l’ajout de cinq magistrats et à la police fédérale de Bruxelles, qui bénéficiera de 50 agents supplémentaires. La police des chemins de fer a également reçu 25 agents supplémentaires, un ajout que le ministre Ecolo de la Mobilité, Georges Gilkinet, appréciera.
  • Par ailleurs, une enquête sera menée par les Comités I et P sur le fonctionnement des services. De Croo a aussi évoqué la nécessité d’une « meilleure collaboration entre l’Office des Étrangers, la Justice et la police ».

Et maintenant : Le débat se recentre sur la sécurité après avoir effleuré la question migratoire.

  • La manière dont les ténors de la coalition ont évoqué le cas Verlinden, lors de l’émission « De Zevende Dag« , était notable. Nadia Naji, co-présidente du parti Groen, a souligné qu’un « débat inapproprié a dominé toute la semaine ». Une grande frustration se fait ressentir chez les Verts face à la rapidité avec laquelle les partenaires de la coalition ont détourné la question de la sécurité pour se concentrer sur la migration, en particulier sur la question des sans-papiers.
  • Van Quickenborne a promptement évoqué les « criminels sans papiers, que les pays nord-africains refusent d’accueillir ». Ce choix de mots lui a été préjudiciable, notamment quand il a été révélé que la Tunisie avait bel et bien sollicité l’extradition du coupable depuis plus d’une année.
  • Cette volonté de recentrer le débat sur la sécurité n’est pas uniquement présente chez les Verts. L’opposition, flairant une opportunité, exige des éclaircissements suite aux événements du week-end. Vooruit et le PS ont également manifesté leur soutien, quoique modéré, à Verlinden.
    • « À la lumière des informations actuelles, aucune faute grave ou inexcusable n’a été commise. Verlinden jouit toujours de la pleine confiance du gouvernement », a affirmé Thomas Dermine, représentant du PS.
    • « Je ne peux prédire ce qui sera débattu cette semaine… On ne peut jamais être totalement sûr. Mais à ma connaissance, les procédures policières ont été respectées », a commenté Conner Rousseau, président du Vooruit.
  • Il est devenu évident, lors d’interventions télévisées, à quel point le renforcement des mesures contre les sans-papiers est un sujet épineux au sein de la Vivaldi. Si Vooruit semble désormais ouvert aux visites domiciliaires et est prêt à lier l’aide de la Coopération au développement avec les politiques de retours, tant Naji que Dermine s’y opposent fermement. Ces propositions semblent donc vouées à l’échec.
  • Cette semaine, l’attention, y compris politique, se portera sur les manquements des services de sécurité. Verlinden et le nouveau venu, Van Tigchelt, devront s’expliquer devant la Chambre. Theo Francken (N-VA) a étonnamment pris la défense de Nicole de Moor (cd&v), secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration : « Elle est la seule à avoir dit la vérité », selon le député de l’opposition, qui s’est senti trahi par Van Quickenborne et Verlinden.
  • Nicole de Moor a déjà présenté une chronologie des faits à la Chambre mercredi dernier. Il est désormais attendu que Verlinden en fasse autant avec les services de police, un exercice qu’elle a déjà entrepris en interne samedi dernier. Face à cette situation, l’opposition est sur ses gardes, prête à l’offensive.

En détail : Tout tournera autour de la question de savoir si la police savait où Lassoued habitait et si elle pouvait l’arrêter.

  • Alors que Het Nieuwsblad a demandé ce week-end la démission de Verlinden, celle-ci a vigoureusement défendu sa position dans une « interview exclusive » pour Het Laatste Nieuws ce matin.
  • Un fait embarrassant surgit inévitablement : en septembre 2021, la police s’est effectivement rendue chez Lassoued pour un contrôle de domiciliation. Ils le cherchaient et l’ont finalement trouvé quelques maisons plus loin dans la même allée à Schaerbeek. Il voulait faire reconnaître son mariage avec une Belge. Problématique, car cela contredit la déclaration selon laquelle « il était sous les radars », car la police connaissait alors son adresse.
  • Verlinden se défend en disant :
    • « Je n’ai pas dit que nous ne savions pas où il habitait, seulement que l’Office des Étrangers n’avait plus son adresse connue. Le fait que la police détienne l’adresse de quelqu’un ne signifie pas qu’elle peut intervenir immédiatement », précise-t-elle.
    • Elle explique : « Un magistrat doit toujours autoriser la police à procéder à une arrestation. Ici, ce n’était pas le cas ; la police locale réalisait simplement un contrôle de routine ». De plus, « la police rencontre fréquemment des individus en situation irrégulière. Lorsqu’une telle situation est identifiée, la personne est retenue pendant 24 heures maximum. La police contacte alors l’Office des Étrangers, mais leur capacité d’accueil est souvent limitée, obligeant la police à relâcher ces individus. »
  • L’opposition a pointé ce matin plusieurs incohérences dans ces déclarations. La spécialiste de la migration, Maaike De Vreese (N-VA), a commenté : « En tant que ministre de l’Intérieur, Verlinden devrait distinguer une interpellation judiciaire d’une interpellation administrative et leurs suivis respectifs. Il aurait été tout à fait envisageable de l’interpeller administrativement ou même de l’attendre devant sa porte, étant donné que nous n’avons pas l’autorisation d’entrer chez lui. Il aurait pu être placé en centre fermé. »
  • Elle ajoute : « Après l’enquête sur son mariage blanc et la prise de connaissance de son adresse par la police, tant d’opportunités ont été manquées. En juin 2022, suite à un renseignement et à des discussions au sein d’une taskforce locale, après la réception de la ‘Red Notice’ internationale d’Interpol et suite à une plainte déposée l’été dernier concernant des menaces proférées par un autre Tunisien : tant d’occasions d’interpellation administrative ont été ratées. C’est pourtant bien dans le champ de compétence du ministre de l’Intérieur et de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration. »
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