L’accord définitif avec Engie semble devoir être reporté en mars, tandis que les pensions attendent : semaine à nouveau cruciale pour De Croo, mais Paul Magnette lui permettra-t-il de réaliser quelque-chose en 2023 ?

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) tiennent leur accord avec Engie, mais il semble s’agir plutôt d’un accord partiel : « Ce n’est qu’en mars, lorsque les chiffres sur le coût des déchets seront clairs, que les Français signeront définitivement », indique une source gouvernementale. « Mais l’accord global avec Engie a été finalisé. » À 15h30, De Croo et Van der Straeten donneront des explications au gouvernement au sein du kern. Les centrales nucléaires de Doel 4 et de Tihange 3 devraient être maintenues en activité pendant 10 années supplémentaires, à partir de 2026. Mais l’accord n’est pas tout à fait conclu : les Français jouent les gros bras. Ils veulent d’abord avoir une idée claire de la facture totale des déchets. Ce n’est qu’en mars qu’ils signeront l’accord. « Une fois de plus, donc, un petit extra pour le mois de mars pour De Croo », nous souligne-t-on, sourire en coin. Car l’enjeu est de taille pour le Premier ministre, qui veut encore s’attaquer à de gros chantiers dans les trois prochains mois : le budget doit être sauvé, la réforme fiscale doit passer, et les retraites doivent à nouveau passer sur le billard. L’horloge tourne vite : d’ici la fin de la semaine, la Commission européenne veut une réponse plus claire à sa demande impérieuse de nouvelles réformes. Mais le PS peut-il avancer sur ce dossier ?

Dans l’actu : l’accord avec Engie est là, mais ce matin, il y avait encore la réunion du groupe d’experts. Un kern et une communication officielle sont encore attendues.

Les détails : La signature définitive d’Engie ne sera pas apposée avant le mois de mars, lorsque les coûts réels seront connus.

  • Un accord, mais pas définitif à 100%. Telle semble être la conclusion d’un marathon de négociations que le géant français de l’énergie Engie a mené ces dernières semaines avec le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et sa ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen).
  • Dans De Zondag, le Premier ministre a avoué qu’il avait dû y sacrifier la quasi-totalité de ses vacances de Noël : après une journée et demie de vacances au ski, il avait dû y laisser sa famille pour parler aux Français. « J’ai quelque chose à rattraper là-bas », a-t-il déclaré au journal à propos de sa famille.
  • Dans le même temps, l’échéance n’a cessé de se déplacer : là où le Premier ministre avait initialement annoncé à la Chambre vouloir un accord pour le Nouvel An, après l’échec de l’été 2022, l’échéance avait été déplacée au week-end dernier.
  • Le Premier ministre espérait annoncer son accord dimanche : une visite des studios de VTM avait soigneusement été prévue, hier après-midi. Mais ce rendez-vous a aussi été manqué, tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’accord. La nouvelle ministre de la Coopération au développement, Caroline Gennez (Vooruit), est apparue en remplacement.
  • Étonnant : ce matin encore, le Seize n’a pas voulu confirmer que l’accord avait été trouvé. Mais d’autres sources gouvernementales étaient claires : il y avait en fait un accord, mais il n’est pas vraiment élégant pour le moment.
  • Car une fois de plus, Engie refuse de plier. Ils continuent de pousser sur le point le plus sensible de toute la négociation : la facture maximale qu’ils ont négociée pour l’élimination des déchets et le démantèlement des centrales. Ce nettoyage et les coûts associés ont toujours été le véritable objectif des négociations. C’est maintenant évident une fois de plus.

L’essentiel : il s’agit du projet de loi sur les déchets nucléaires.

  • Le principe sacré du « pollueur-payeur » a déjà fait l’objet de grandes déclarations de la part de presque tous les partis au pouvoir, avec l’idée que l’opérateur Engie-Electrabel, qui a siphonné pendant des années des millions de bénéfices de la Belgique vers son siège parisien, finirait par payer la facture des déchets nucléaires. Pour Groen et Ecolo, c’était certainement gravé dans le marbre.
  • Mais entre-temps, beaucoup de choses se sont passées : le gouvernement belge entre désormais dans le capital de Doel 4 et de Tihange 3, dont il devient copropriétaire. Cela signifie que les contribuables devront bientôt payer la moitié de la facture pour tous les déchets produits par ces deux centrales au cours de la prochaine décennie (ou plus).
  • En même temps, Engie a présenté une demande encore plus punitive : l’énergéticien a exigé une certitude sur la facture totale de l’assainissement. En fait, dès le démarrage de ces centrales nucléaires, Engie a été obligé de créer un fonds pour garantir financièrement l’assainissement : le fonds Synatom. Entre-temps, ce fonds a engrangé près de 15 milliards d’euros, bien que jusqu’à présent, Engie ait bénéficié d’une grande liberté quant à la manière de placer et d’investir ces milliards. Cela a poussé la Vivaldi à réagir pour contraindre l’énergéticien à remettre ces milliards dans le même panier, sans plus y toucher. Mais Engie a riposté, en exigeant un plafond maximal. Si ce plafond devait être dépassé à l’avenir, ce serait, là encore, à la charge du contribuable belge. Des sources françaises ont parlé d’un plafond de 20 milliards d’euros sur BFM TV.
  • Ce montant a été refusé au sein de la Vivaldi, mais pas le principe : Engie obtiendrait son plafond maximum. Seul le montant n’est pas encore fixé. Engie et la Vivaldi sont d’accord pour dire qu’une fois qu’il y aura un accord de base, on pourra demander au chien de garde de l’AFCN de faire une étude sur le coût.
  • Mais ce rapport ne sera pas prêt avant le mois de mars. Il contiendra alors les estimations les plus récentes sur les déchets et les coûts. « Et ce n’est que lorsqu’Engie et le sommet du gouvernement se seront finalement mis d’accord sur les chiffres que les Français voudront signer. C’est donc un accord sans signature de leur part, pour le moment », nous dit un haut dirigeant de la Vivaldi. En contrepartie, le gouvernement exige qu’Engie soit prêt avec les deux réacteurs d’ici 2026, sinon ce plafond pourrait à nouveau tomber.
  • Cela explique pourquoi l’accord n’est pas encore définitif : Engie veut une certitude absolue sur la facture totale. Le duo De Croo-Van der Straeten semble donc se diriger vers un nouvel accord partiel, grâce auquel des travaux peuvent déjà commencer sur Doel 4 et Tihange 3, afin d’être prêts à rouvrir le plus rapidement possible, pour passer au mieux les hivers à venir.
  • Mais les choses s’annoncent intenses pour l’hiver 2025 : on se dirige vers un hiver sans centrales nucléaires en Belgique. À moins que le MR, l’Open Vld et le cd&v n’enfoncent la porte : ils sont favorables au maintien en activité de Doel 1 et 2 et de Tihange 1, les réacteurs les plus anciens. Une fois que les grandes lignes de l’accord concernant Doel 4 et Tihange 3 auront été finalisées, cette question reviendra inévitablement sur la table, selon nos sources gouvernementales.

La vue d’ensemble : 2023 ne doit pas être une année pour rien pour De Croo.

  • Un accord avec Engie serait un premier coup de pouce pour le gouvernement fédéral, et en particulier pour le Premier ministre Alexander De Croo, même s’il n’est pas encore signé dans tous ses détails. Car le Premier ministre a encore quelques cailloux dans sa chaussure : l’affaire du licenciement de sa secrétaire d’État et collègue de parti, Eva De Bleeker (Open Vld), a des répercussions.
  • Pour la première fois, De Croo, qui, en tant que Premier ministre, avait réussi à faire mieux que son parti pendant les deux premières années de la Vivaldi, a commis une « faute directe », comme on l’appelle au tennis : une erreur dont il est entièrement responsable. Lui et son parti ont abordé la sortie de De Bleeker de manière si maladroite que le cabinet de l’ancienne secrétaire d’État s’est retourné contre le Premier ministre, qui était dans une situation très délicate ces dernières semaines.
  • De Bleeker a refait surface pendant les vacances de Noël, dans une interview plutôt prudente sur la VRT : il n’était pas question de donner des coups. De Bleeker semble viser la tête de liste dans le Brabant flamand en 2024, aux côtés de Gwendolyn Rutten pour l’Open Vld. Ainsi, l’hémorragie bleue semble déjà cicatrisée. Mais le mal auprès de l’opinion publique flamande est fait, surtout pour le Premier ministre.
  • La critique selon laquelle la Vivaldi est hors d’usage, financièrement parlant, sonne comme du plomb. Car en parallèle, on observe que l’équipe ne parvient pas à faire passer une série de réformes nécessaires : des réformes qui sont principalement demandées par le côté flamand de la coalition.
    • Par exemple, le trophée du cd&v : la réforme fiscale que le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), a annoncé un nombre incalculable de fois. Mais aussi le budget en lui-même, à propos duquel Alexia Bertrand (Open Vld), en tant que nouvelle secrétaire d’État au budget, s’est déjà prononcée, mais qui va encore susciter de nombreuses discussions.
    • La réforme des retraites y est également liée. Une réforme ambitieuse a échoué cet été à la suite d’une confrontation entre les socialistes et les libéraux. Les socialistes, avec le relèvement de la pension minimum, avait déjà obtenu ce qu’ils voulaient, et n’était plus vraiment demandeur.
  • En coulisse, l’accord qui en est finalement ressorti a créé des tensions entre le Premier ministre et son propre parti, l’Open Vld. La raison ? Les réformes ne devaient pas alourdir les finances publiques, mais permettre de réaliser des économies. C’est également ce que demandait la Commission européenne. Or, la réforme des pensions pèsera encore plus sur le système, d’après les premières estimations.
  • C’est en tout cas l’analyse de la Commission qui a brandi la menace de ne pas verser une tranche de 900 millions d’euros d’aide. Avant les vacances, De Croo a formulé une série de propositions pour faire avancer la réforme des pensions. Les socialistes étaient rouges de colère.
  • Mais le dossier n’a pas disparu pour autant. D’ici la fin de la semaine, le 13 janvier, la Commission souhaite obtenir des éclaircissements sur les projets de réforme, selon des sources gouvernementales libérales. Le temps presse pour la Vivaldi cette semaine, qui constitue le premier grand test de ce « programme de réformes » pour 2023.

La clé ? C’est sûrement Paul Magnette (PS) qui la détient.

  • « Chers amis francophones, si nous continuons comme ça, si nous ne réformons pas le pays et si nous ne laissons pas d’autres personnes accéder au pouvoir, à qui voulez-vous parler en 2024 ? Il est possible que ce ne soit même plus Bart De Wever (N-VA), mais Tom Van Grieken (Vlaams Belang). Alors, nous vous souhaiterons bonne chance. » C’est ce qu’a déclaré Egbert Lachaert, le président d’Open Vld, juste avant la fin de l’année à BusinessAM.
  • Il donne un aperçu de la pression que les libéraux flamands essaient d’exercer sur Paul Magnette, le président du PS, pour qu’il suive le programme de réformes que De Croo veut toujours réaliser. Seulement, le patron du PS a également répondu dans Het Laatste Nieuws, avec un argument cinglant.
  • « Je l’ai déjà dit, mais je le dis fermement maintenant : il y a un problème de méthode de travail dans ce gouvernement. Et la situation s’est aggravée ces dernières semaines. Je suis très en colère contre Alexander De Croo. Il a agi de manière tout à fait incorrecte en mettant récemment sur la table une proposition de pension sans consultation. Nous avons réformé les retraites en juillet. Nous avons établi un budget difficile. Nous avons conclu un accord salarial. C’est difficile, mais nous avons tout fait », a déclaré Magnette, qui a poursuivi en expliquant pourquoi, selon lui, le Premier ministre est désormais si désireux d’imposer un autre grand programme de réformes.
  • « De Croo a des problèmes avec ses Whatsapps ? Nous sommes restés silencieux. Nous défendons le budget. Et que fait-il pour nous remercier ? Il nous attaque d’une manière que je n’ai jamais vue auparavant. J’ai l’expérience de quatre Premiers ministres. Je n’ai jamais vu un Premier ministre agir de la sorte. »
  • Les mots choisis sont plus qu’un signe des choses à venir. Lui et De Croo, dans la dernière ligne droite des négociations gouvernementales, ont formé le duo de formateurs qui a conclu la Vivaldi. Mais ce faisant, le rapport de force n’était, et n’est, pas égal : le PS est le parti qui a le plus de sièges après la N-VA, clairement le plus grand au sein de la Vivaldi, et le numéro un incontesté en Belgique francophone. L’Open Vld n’est que le septième parti à la Chambre.
  • Le fait qu’après Charles Michel (MR) en 2014, ils aient à nouveau nommé un Premier ministre libéral en 2020, avec De Croo, dont le poids électoral ne correspondait pas au Seize, est un problème que tout le monde connaissait, mais que tout le monde voulait ignorer au tout dernier moment de la formation du gouvernement.
  • Magnette, comme Bart De Wever (N-VA) dans le gouvernement suédois, plane sur la coalition comme une sorte de Premier ministre fantôme. Lorsque ce dernier critique aussi ouvertement la « méthode » du vrai Premier ministre, il y a plus que cela. Si De Croo n’obtient pas le soutien de son principal partenaire de coalition, son programme de réforme ne donnera pas grand-chose.
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