Satisfaction générale du côté de la Vivaldi : hier soir, les sept partis du gouvernement fédéral sont parvenus à un accord sur les réformes de la politique d’asile. Ces réformes sont indispensables pour faire face à la crise de l’accueil et à l’augmentation vertigineuse du nombre de demandes. Le compromis a été obtenu de haute lutte, la secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Nicole de Moor (CD&V), s’étant creusé la tête pour élaborer un ensemble de mesures que tous les partenaires de la coalition pouvaient accepter. Presque chaque partenaire a pu y trouver son compte. Mais pour le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) en particulier, il s’agit d’un solide coup de pouce, face à l’agenda compliqué qui l’attend : le contrôle du budget, la réforme fiscale et la réforme des pensions. Il voulait absolument régler la question de l’asile et de l’immigration en premier lieu, et il y est parvenu. Immédiatement, la Vivaldi se démarque donc, pour la première fois depuis longtemps, du niveau flamand. Là-bas, l’équipe de Jan Jambon sombre dans le marécage de l’azote, la N-VA et le cd&v n’ayant pas réussi à désarmer la crise. De Croo peut maintenant y répondre avec un gouvernement « qui fonctionne ».
Dans l’actualité : « Nous avons aujourd’hui un nombre historique de lieux d’accueil dans notre pays », a déclaré fermement le Premier ministre De Croo, ce matin, au 16 rue de la Loi.
Le détail : L’accord porte sur des places d’accueil structurelles supplémentaires (ce que demandaient le PS, Ecolo et Groen) en échange de règles plus strictes (ce que voulaient les autres).
- À un peu moins d’une heure du matin, la fumée blanche est finalement sortie de la Vivaldi. Après des réunions marathons vendredi et lundi au sein du kern, complété par la secrétaire d’État Nicole de Moor, un accord a finalement été trouvé sur un sujet très sensible : la politique migratoire.
- Car le mécontentement au sein de l’équipe couvait depuis des mois : l’aile gauche constituée des Verts et du PS était particulièrement mal à l’aise avec le manque d’accueil des demandeurs d’asile. Tout au long de l’automne et de l’hiver, les personnes ayant droit à un accueil ont dû dormir dans des tentes ou des squats. Les critiques à l’encontre de la secrétaire d’État du cd&v, accusée de ne pas vouloir résoudre le problème, ont été très vives.
- Mais il y avait aussi un langage fort de l’autre côté : la réticence de la gauche à s’attaquer au problème en profondeur et à oser modifier les règlements a conduit à une impasse. De plus, le fait qu’une grande partie des médias se soit fortement indignée n’a pas facilité le dossier.
- Les trois longues sessions qui se sont tenues au sein du kern en moins d’une semaine ont montré à quel point les émotions étaient vives au sein de la Vivaldi. C’est le Premier ministre lui-même qui a fait le forcing : il voulait d’abord régler ce dossier, avant que d’autres points chauds ne soient traités au sein de sa coalition. La pression est donc montée d’un cran hier soir.
- En même temps, pour une fois, le hasard a un peu joué en faveur de De Moor et de De Croo : une action préparée depuis des semaines, dans laquelle les services de De Moor, en collaboration avec l’arrondissement de Molenbeek et la Région bruxelloise (dont le PS est responsable) ont réussi à vider les camps de tentes le long du canal de Bruxelles et à donner aux gens un endroit où dormir. Cette action est tombée juste au moment où un accord fédéral devait être conclu. Le contraste avec la manière dont cela s’est passé, ordonnée et efficace, était énorme par rapport au chaos dans lequel le squat de la rue des Palais a été vidé. Cela a permis de ramener le calme.
- « De Moor a su garder son calme, tout en mettant en place un paquet de mesures qui, en fin de compte, contenait quelque chose pour tout le monde. Cela montre que c’est un avantage de mettre quelqu’un de très technique sur le dossier : l’émotionnel disparaît et les discussions se concentrent sur l’essentiel », explique un vice-premier ministre qui a participé à la conduite des négociations.
- Contrairement à son prédécesseur, Sammy Mahdi (cd&v), qui est aujourd’hui président du parti, de Moor ne cherche pas la controverse par une communication vigoureuse. Cela lui donne une image un peu terne, « mais au moins, nous pouvons travailler avec elle », a déclaré le PS cette semaine. « Le cd&v montre une fois de plus qu’il dispose de très bons administrateurs fédéraux, qui trouvent des solutions », se félicitent les membres du parti.
- Le fait que de Moor et le Premier ministre soient simultanément sur la même longueur d’onde lorsqu’il s’agit de politique migratoire a clairement aidé cette fois-ci : lors de la conférence de presse de ce matin, l’harmonie au sein de l’équipe a été mise en évidence : c’est assez rare pour être souligné et surligné.
- Une citation frappante du Premier ministre : « Je ne sais pas qui a envoyé cette rumeur en l’air, mais pour être clair, il n’y aura pas de régularisation collective« , a-t-il insisté encore une fois. Au cours de l’été 2021, son gouvernement s’est complètement enlisé sur ce point : le même bloc des Verts et du PS avait exigé une telle régularisation pour les sans-papiers, à la suite d’une grève de la faim. Cette régularisation groupée n’a finalement pas eu lieu non plus.
Qu’est-ce qui a vraiment été décidé ? De durcir les règles et d’ajouter 700 places d’accueil aux 34.000 existantes.
- « Nous faisons plus que notre part dans le contexte européen. Mais nous ne pouvons pas continuer à ajouter des places d’accueil à l’infini et continuer à faire le travail d’autres États membres européens », a déclaré le Premier ministre ce matin lors de la présentation de l’accord. La réalité est que son gouvernement a battu le record du nombre de places d’accueil et qu’il ajoute 700 places supplémentaires grâce à l’installation de conteneurs résidentiels fournis par la Commission européenne.
- Ces 700 places sont les chiffres sur lesquels travaille de Moor. À la gauche du gouvernement, on entend dire qu’il s’agit de beaucoup plus de places au total : jusqu’à 5.000. Mais la question est de savoir jusqu’à quel point ces places peuvent être « fixes ».
- De quoi résoudre la crise de l’accueil dans son entièreté ? Il y a encore aujourd’hui quelque 2.400 personnes ayant droit à l’asile sur la liste d’attente. Il est donc plus que probable que la question ne soit résolue que dans les semaines et les mois à venir. Mais au moins un pas a été franchi, et il a été ostensiblement célébré par la Vivaldi.
- Ce matin, de Moor a surtout insisté sur la modification de la loi sur l’accueil, qui régit la procédure. Pour toute personne dont la demande d’asile est rejetée, le droit de rester dans le centre d’accueil s’éteint, même si elle fait ensuite appel à d’autres procédures telles que la régularisation. Cela signifie qu’environ 1.000 personnes qui se trouvent actuellement dans un centre d’accueil devront le quitter. Désormais, les personnes peuvent rester dans le centre d’accueil pendant 30 jours au maximum après une décision négative. Jusqu’à présent, ce délai était de trois mois en moyenne.
- Ce faisant, de Moor a cité des exemples de demandeurs qui sont restés beaucoup plus longtemps dans le système d’accueil, jusqu’à 10 ans. « C’est-à-dire sous la période de Mahdi, mais aussi sous celle de Theo Francken (N-VA) et même sous les deux règnes de Maggie De Block (Open Vld). C’est injuste et cela ne devrait plus être possible ».
- De plus, dorénavant, toute personne sommée de quitter le territoire a un « devoir de coopération », « afin d’éviter tout risque de fuite ». Ce devoir s’applique dorénavant également aux examens médicaux. En cas d’expulsion forcée, le personnel du département de l’immigration sera aussi renforcé pour accompagner les personnes vers leur pays d’origine.
- De Moor s’attaquera par ailleurs à ce que l’on appelle les « bébés-papiers », c’est-à-dire les personnes qui fabriquent ou reconnaissent un enfant dans le seul but d’obtenir des papiers. « S’ils ne se portent pas garants de l’éducation de l’enfant, ce ne sera plus possible. »
- Mais le camp de la gauche a aussi trouvé des adoucissements. Pour les Verts, par exemple, il s’agissait d’une question importante : l’interdiction d’héberger des enfants dans des centres fermés est inscrite dans une loi. Jusqu’à présent, cette interdiction s’appliquait dans la pratique, mais Ecolo souhaitait qu’elle soit inscrite dans la loi et la brandit comme un trophée.
- Autre assouplissement : des règles plus souples pour les personnes fuyant les mutilations génitales et un regroupement familial plus aisé pour les apatrides. Ce dernier point est une bonne nouvelle, en particulier pour les Palestiniens.
L’essentiel : la Vivaldi peut en profiter pour engranger un ou plusieurs succès. Un agenda chargé l’attend.
- « Après une pression soutenue de la part des Verts, des mesures visant à résoudre la crise de l’accueil sont enfin prises. Nous considérons les milliers de places supplémentaires comme un bon pas en avant. Une politique migratoire équitable et respectueuse des droits de l’homme est essentielle », a annoncé triomphalement Nadia Naji, coprésidente de Groen.
- Au PS, le ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort (PS), s’était étonnamment attaqué à l’ensemble du dossier de l’asile et de la migration ce matin, peut-être pour détourner l’attention : « En Flandre, les gens deviennent toujours hystériques dès que l’on parle de migration », a-t-il déclaré fermement sur LN24. Dans le même temps, le socialiste avait un certain espoir : « Nous attendons une solution structurelle depuis des années, et je pense que nous allons maintenant dans la bonne direction. »
- « Si les Verts et le PS avaient été un peu moins vindicatifs, nous aurions pu régler ce problème il y a plusieurs semaines », peut-on entendre au sein du gouvernement, à propos de l’accord. « Mais depuis lundi, les choses se sont finalement bien déroulées et vous avez vu que tant le PS que Groen et Ecolo voulaient enfin conclure un accord. »
- Du côté du MR, Georges-Louis Bouchez souligne bien sûr le volet sur les nouvelles réglementations : « L’accord conclu s’inscrit dans la vision du MR : des procédures d’examen plus rapides, des exécutions de décisions de retour vers le pays d’origine plus efficaces et une meilleure lutte contre les abus liés au regroupement familial. »
- Ceux qui se sont montrés critiques, sans surprise, étaient la N-VA et le Vlaams Belang depuis l’opposition :
- « Après tout le chaos de l’accueil, de Moor va créer encore plus d’incitations : de facto, plus de retour pour les familles, l’envoi de filles/enfants dans notre pays deviendra attrayant en raison du regroupement familial, et les Palestiniens se verront accorder un droit de résidence », a déclaré Maaike De Vreese (N-VA).
- « Ce sont des sacs de sable contre le déluge et de nouvelles brèches sont même ouvertes dans la digue. Au mieux, une porte arrière se ferme ici et là, mais malheureusement la porte de devant reste grande ouverte », a déclaré Tom Van Grieken (Vlaams Belang).
- À noter également : Theo Francken (N-VA) a affirmé ce matin savoir où 400 de ces logements-conteneurs d’Europe seraient installés, à Kampenhout, sur un ancien site de la gendarmerie. Il veut y mettre un terme. « Trouvez déjà un autre endroit, Nicole ».
- Mais au sein du gouvernement fédéral, la satisfaction prévaut pour l’instant, et l’on regarde déjà vers l’avenir. Le dossier des pensions pourrait être discuté vendredi, et on commence aussi à travailler sur la réforme fiscale.
- Il est notable que l’on entend désormais des propos apaisants sur le débat des pensions. « Ce qui circule aujourd’hui dans les médias sous le nom de « proposition du PS » me semble encore être une forme d’interprétation. Nous n’avons rien reçu en tout cas, ne s’agit-il pas d’une vieille proposition, datant de quelques semaines ? En tout cas, il n’y a rien de nouveau sur la table du gouvernement », a déclaré un vice-premier ministre.
- Il n’y a plus de date butoir pour les deux dossiers, la Vivaldi veut éviter d’empiéter sur les négociations budgétaires. Pour Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre des Finances et architecte des projets de la réforme fiscale, le danger est particulièrement grand : un certain nombre de propositions visant à augmenter les impôts pourraient bien être retirées de l’équation pour consolider le budget dès maintenant. C’est déjà ce qui s’est passé à l’automne avec les droits d’auteur.
À noter : le bonheur des uns fait le malheur des autres, dans la rue de la Loi.
- Alors que la Vivaldi se livre maintenant à une danse de la victoire autour de son accord, au niveau flamand, c’est toujours la misère absolue. Il est difficile de ne pas voir le contraste entre les deux niveaux de pouvoir : soudainement, l’image que la N-VA a véhiculée pendant des mois est complètement inversée.
- Car pour Jambon I, c’est encore un blocage complet qui se profile à l’horizon. Au sommet du cd&v, « les partisans ne donnent que des signaux positifs », et les groupes sont tout à fait d’accord avec la stratégie. Il n’est pas question de désarmement : ils maintiennent la position intransigeante, « pour les jeunes agriculteurs ».
- Mais les ténors du camp de la N-VA affichent la même fermeté. « La proposition est ce qu’elle est, nous sommes allés très loin ». Et aussi : « Si l’on veut forcer un arrêt complet de la coalition, c’est vraiment la voie à suivre. Le cd&v devrait alors l’expliquer. »
- Dans le même temps, le ministre flamand de l’Agriculture Jo Brouns (cd&v) mène des campagnes payantes sur Facebook pour gagner des adeptes, en adoptant une position stricte sur l’azote. Il n’est pas question de désescalade. De Standaard a immédiatement titré « la bravade de Brouns » à propos des publicités en ligne : un titre positif qui a suscité des commentaires cinglants de la part de ses collègues du gouvernement flamand. « La question suivante a été posée : Depuis quand peut-on faire l’éloge des campagnes Facebook alors qu’il faut conclure des accords ? »
- Il semble donc qu’un accord ne puisse être trouvé que par miracle, avant demain, date du nouveau conseil des ministres dirigé par le ministre-président Jan Jambon (N-VA).
- « Encore un délai. Pourquoi Jambon continue-t-il à s’infliger cela, alors que ce n’est pas du tout nécessaire », s’interroge-t-on dans les rangs de cd&v.
- A la N-VA, la ministre de l’Environnement, Zuhal Demir (N-VA), qui a jusqu’à présent brillé par son absence de commentaires, semble lier un certain nombre de dossiers importants à l’azote. Il s’agit notamment du plan d’action sur le fumier, sur lequel les organisations agricoles Boerenbond et ABS se sont mises d’accord avec les organisations environnementales cette semaine. Ce faisant, Demir a confirmé qu’elle conditionnait d’un tel plan d’action sur le fumier au plan sur l’azote. En tout état de cause, sans accord sur l’azote, les agriculteurs risquent certainement un gel complet des autorisations. Les dégâts pourraient alors s’aggraver.
- « L’un est lié à l’autre, cela va de soi », a-t-elle déclaré hier au Parlement flamand. Brouns et le Boerenbond ont immédiatement réagi de manière dédaigneuse : ils voient les choses différemment, ce qui n’est pas surprenant.
- Ce matin, la Commission européenne a donné son feu vert à un programme de rachat que Demir avait déjà élaboré pour les éleveurs de porcs. Ce programme devrait permettre de réaliser « une réduction globale de la population porcine et une réduction des émissions d’ammoniac d’ici à 2030 ». La décision européenne contribue donc au débat sur l’azote, selon Demir.
- Reste à savoir ce que fera le gouvernement flamand demain s’il n’y a pas de consensus autour des textes sur l’azote que Demir souhaite mettre en place. Mardi, Jambon a rappelé que le gouvernement flamand « ne peut décider qu’à trois ».