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La Vivaldi prolonge l’agonie de Bpost : encore aucune décision sur le contrat de distribution des journaux, les verts font obstruction

La Vivaldi prolonge l’agonie de Bpost : encore aucune décision sur le contrat de distribution des journaux, les verts font obstruction
Petra De Sutter (Groen) – Getty Images

Le dossier le plus complexe qui reste à l’agenda politique de Vivaldi peine à trouver une issue. C’est ce que confirment nos sources gouvernementales. Le gouvernement fédéral retarde la décision d’attribuer le contrat pour la distribution des journaux. Le point de blocage se trouve du côté des écologistes. Ces dernières 48 heures, la direction de Bpost a alerté sur un potentiel désastre social, évoquant plus de 4.000 emplois en jeu, un chiffre en augmentation ces derniers jours. Les éditeurs francophones, quant à eux, se plaignent de PPP, le gagnant de l’appel d’offres, qui selon eux ne réalise pas une distribution adéquate des journaux à Bruxelles. Mais au-delà, la presse papier craint la disparition totale du soutien gouvernemental. La situation actuelle, où le gouvernement fédéral envisage de subventionner deux acteurs privés en concurrence avec Bpost, semble politiquement intenable. Au sein du gouvernement, l’Open Vld a récemment suggéré d’annuler purement et simplement la subvention. Cependant, cette proposition est difficilement acceptable pour les écologistes. Petra De Sutter (Groen), ministre des Entreprises publiques, a réitéré ce matin l’importance de la distribution des journaux pour la démocratie, même si cela ne passe plus par Bpost. Elle insiste sur le principe de subvention des journaux.

À la une : La concession presse sous les projecteurs.

Les détails : Chez les libéraux, l’idée est de profiter de l’occasion pour annuler entièrement la concession. Mais cette option est inenvisageable pour les verts.

  • « Pour nous, les conditions de travail, la qualité des emplois sont primordiales. Nous devons assurer que les journaux et magazines continuent d’atteindre les citoyens ». Juste avant une réunion cruciale de la Vivaldi, à midi, le vice-premier ministre Georges Gilkinet (Ecolo) a lancé un avertissement.
  • La résistance des verts n’est pas surprenante. Lundi déjà, lors d’une précédente réunion sur ce contrat controversé, ils étaient les plus réticents à toute décision trop rapide, renvoyant le dossier à un « groupe de travail technique ».
  • Ainsi, la Vivaldi continue de repousser une décision sur un dossier extrêmement difficile, qui divise également le gouvernement sur le plan idéologique. Les libéraux rappellent subtilement « l’article 56 » des règles des appels d’offres européens : « Un appel d’offres n’implique pas d’obligation d’attribution. »
  • En d’autres termes : ils veulent annuler simplement cette concession pour la distribution de journaux, maintenant qu’elle ne revient plus à Bpost. Cela représenterait un gain budgétaire conséquent, libérant environ 125 millions d’euros par an à partir de 2024 pour un budget fédéral déjà précaire. Alexia Bertrand (Open Vld), secrétaire d’État au Budget, a souligné ce point lors de la réunion.
  • « Mais il est difficile d’obtenir le soutien d’Alexander De Croo« , indiquent également des sources libérales : le Premier ministre doit trouver un équilibre. Et pour la gauche, il est difficile d’abandonner subitement la subvention des journaux : « protéger la démocratie » a longtemps été l’argument majeur pour justifier ces subventions à Bpost. Y renoncer brusquement les laisserait en grande difficulté.
  • Parallèlement, pour de nombreux partenaires gouvernementaux, pas seulement les libéraux, mais aussi les écologistes et les socialistes flamands, il n’est plus envisageable d’intervenir dans le processus pour favoriser Bpost. « Cela ne serait pas acceptable ».
  • Cela place le gouvernement sous une pression considérable. Presque tous s’accordent sur le fait que le système actuel n’est plus viable et qu’il serait préférable de mettre fin à la subvention. « Seulement, Groen et Ecolo semblent réticents à mettre les choses au clair », d’après un initié des discussions.
  • L’Echo et La Libre rapportent que le PS aurait proposé de remplacer la concession presse par une déduction fiscale des abonnements aux journaux. Mais certains redoutent alors une discrimination par rapports aux personnes qui disposent d’un abonnement digital. En outre, cette piste ne résoud pas le problème de la perte d’emplois chez Bpost. En conséquence, aucun accord final n’est intervenu.

Sur le fond : l’offre de PPP est bien meilleure que celle de Bpost. Et même Proximy l’emporte sur la « qualité » de l’entreprise publique.

  • Les concurrents de Bpost pour la concession des journaux présentent des offres nettement plus alléchantes : celle de PPP est beaucoup moins onéreuse, et même Proximy surclasse l’entreprise publique en termes de « qualité ».
  • Selon le rapport d’évaluation du SPF Économie sur les différentes offres pour la concession des journaux et des magazines, il ressort clairement que Bpost n’a réellement aucune chance objective de l’emporter. Ce rapport, consulté par Business AM, montre que les deux concurrents privés sont largement meilleurs.
  • Pour le contrat des journaux, désigné comme ‘lot 1’, il y a trois critères, chacun affecté d’un pourcentage.
    • Le prix, représentant 60 « points », est un critère crucial. PPP propose un tarif de seulement 17,97 cents par journal distribué, contre 32,04 cents pour Bpost et 30,06 cents pour Proximy. PPP obtient ainsi la totalité des 60 points, tandis que Bpost se retrouve avec 33,65 points et Proximy avec 35,87 points.
    • En ce qui concerne la qualité, évaluée sur 25 points, Bpost atteint “un niveau très élevé avec une qualité exceptionnelle”, obtenant ainsi 22,5 sur 25. PPP, bien que moins performant, atteint “un haut niveau de qualité” avec 20 sur 25. Proximy, lui, dépasse tout le monde avec un score parfait de 25 sur 25.
    • Enfin, pour l’heure de livraison, critère noté sur 15 points, Bpost réalise un score parfait de 15 sur 15, mais les deux nouveaux concurrents obtiennent tout de même 12 sur 15.
    • Au total, PPP remporte aisément la compétition avec 92 sur 100, contre seulement 71,15 sur 100 pour Bpost.
  • Concernant les magazines, le ‘lot 2’, Bpost subit une défaite similaire. PPP n’ayant pas soumissionné pour ce lot, c’est Proximy qui l’emporte.
    • En termes de coût, comptant pour 60 points, celui de Bpost est 30 % plus élevé que le tarif de base, identique à celui de Proximy.
    • Il est notable que sur l’aspect qualité, évalué sur 40 points, Bpost est encore devancée, malgré les arguments avancés par les responsables politiques et les éditeurs sur la « qualité » de Bpost et de ses postiers bien rémunérés. Car c’est Proximy qui gagne avec un score parfait de 40 sur 40, contre 36 sur 40 pour Bpost.
  • « Il est absolument impossible d’ignorer cette conclusion », affirment presque tous les ministres impliqués dans le dossier, ainsi que des présidents de partis. Attribuer la concession des journaux à l’entreprise publique constituerait également une infraction flagrante aux règles européennes sur les appels d’offres publics.
  • Bpost, de son côté, a officiellement réagi et exprime son mécontentement face à la situation. « Les fuites répétées dans la presse, qui révèlent maintenant les détails sur les offres et les tarifs des différents candidats, y compris Bpost, sont regrettables. » Ils émettent également une menace implicite : « Quelles conséquences ces fuites répétées dans la presse auront-elles sur la bonne poursuite de l’appel d’offres ? »
  • Une critique est aussi adressée au gouvernement. Après avoir soumis leur offre en septembre, “nous n’avons reçu aucune réaction officielle, ni question, ni information de la part des autorités belges concernant l’offre.”

Une preuve irréfutable : l’offre actuelle de la concession presse confirme que Bpost a toujours reçu une subvention excessive

  • Quel est le coût réel pour exécuter ce contrat de distribution de journaux ? Et quels ont été les (super)profits réalisés par Bpost dans le passé grâce à ce contrat, contribuant ainsi à soutenir l’ensemble de l’entreprise ?
  • Avant l’été, Dirk Tirez, l’ex-PDG, avait apporté des éléments en présentant un calcul détaillé dans son rapport à la Commission européenne. Selon lui, le coût ne serait que de 75 millions d’euros, alors que les éditeurs versent 105 millions, et que le gouvernement envisagerait de monter jusqu’à 125 millions d’euros par an.
  • Ce sujet a également été au cœur de l’audit externe controversé commandé par le gouvernement Vivaldi en février pour évaluer le coût du contrat de distribution de journaux. Pendant des mois, Pierre-Yves Dermagne (PS) a eu du mal à trouver un cabinet d’audit approprié pour cette tâche.
  • Lorsqu’un petit bureau d’audit a finalement été sélectionné à Bruxelles, sa conclusion fut décevante : « Des recherches supplémentaires sont nécessaires ».
  • Au sein de Bpost, on conteste fermement le chiffre de 75 millions avancé par Tirez, le qualifiant de « totalement irréaliste ». Une source interne nous indique que Tirez a déjà diffusé d’autres fausses informations.
    • Bpost argumente avec des chiffres précis : en 2021, 397,3 millions de pièces ont été distribuées, dont 183,9 millions de journaux et 213,4 millions de magazines. « Avec des coûts estimés à 75 millions, le coût par article serait de 18,8 centimes ».
    • « Mais si l’on considère la rémunération minimale récemment établie pour les livreurs de colis, une activité similaire à la distribution de courrier, à 32,77 euros de l’heure, cela signifierait que chaque facteur devrait distribuer 174 pièces par heure pour rester dans les limites des 75 millions d’euros ».
    • « Cela impliquerait la distribution d’un article en moins de 20 secondes, en incluant tous les déplacements nécessaires d’une boîte aux lettres à l’autre, y compris dans les zones peu denses. Ce qui est donc impossible. »
    • « Et cela ne prend pas en compte le tri, le transport des produits depuis le lieu de dépôt de l’éditeur jusqu’au lieu de distribution, ni les frais liés aux bâtiments, aux machines de tri, aux camions, etc., qui ne sont pas inclus dans le calcul du salaire minimum. Il reste donc encore moins de ‘temps’ pour la distribution pour rester dans les limites de coût. »
  • Cependant, cette perspective lancée par Bpost est remise en question par les calculs de Michael Freilich (N-VA), un député qui a minutieusement examiné le dossier. Il souligne que lors de la précédente concession, Bpost recevait 61 cents par journal de l’État, en plus de 25 cents des éditeurs. Ces chiffres proviennent non pas de ses calculs personnels, mais des données officielles d’IBPT, le régulateur du marché, et du SPF Économie.
    • « Ils ont donc reçu 61 cents pour chaque distribution l’année dernière, pourquoi peuvent-ils maintenant soudainement le faire pour la moitié du prix, soit 32 cents ? PPP pourrait même le faire pour 18 cents ? », interroge-t-il.
    • « Comment en est-on arrivé là ? Dans quelle mesure l’intervention politique a-t-elle joué un rôle dans l’entreprise, y a-t-il eu collusion en rédigeant l’appel d’offres sur mesure pour Bpost, pourquoi la connaissance préalable de Bpost sur le retrait d’un autre candidat n’a-t-elle jamais été divulguée ? De nombreuses questions auxquelles seule une commission d’enquête parlementaire pourrait répondre », déclare Freilich.
  • Il reste à examiner combien l’État belge a trop payé pour la précédente concession de journaux : un montant que le gouvernement doit maintenant récupérer de Bpost, ce qu’il prévoit de faire. Mais l’offre de prix soumise par l’entreprise elle-même cette fois-ci révèle déjà une grande différence par rapport aux contrats précédents. »
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