La taxe numérique sur les multinationales ne sera pas mise en place en 2024, la Vivaldi perd ainsi 100 millions d’euros, mais la grande question est de savoir si l’OCDE va mettre en œuvre son plan : la taxe minimum de 15% bloque

Qu’en est-il des taxes sur les multinationales ? Du côté de la Vivaldi, on compte depuis un certain temps sur ces importants revenus, qui doivent arriver sous l’impulsion de l’OCDE. Il s’agit d’une part de la nouvelle taxe numérique (le Pilier I) et d’autre part de la taxe minimale de 15 % sur toutes les multinationales (le Pilier II). Mais lors de sa réunion annuelle à Copenhague cette année, l’OCDE a décidé de repousser à nouveau le Pilier I, la taxe numérique : elle ne sera toujours pas d’application en 2024. La Vivaldi peut immédiatement effacer les 100 millions qui étaient prévus pour le budget de 2024. Un gros revers donc. « Le rendement ne sera effectivement pas atteint en 2024 en raison du report accordé jusqu’en 2025 », a déclaré le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v). Mais les vivaldistes restent optimistes sur l’approche internationale. La question reste de savoir si le Pilier II, la taxe mondiale de 15%, est encore réalisable pour l’année prochaine. Le gouvernement prévoit des revenus importants de 634 millions d’euros : si ceux-ci sont menacés, un bien plus gros trou devra être comblé dans le budget.

Dans l’actu : L’OCDE hésite sur sa taxe multinationale.

Les détails : La taxe numérique est reportée d’un an pour ne pas mettre en péril l’ensemble. Mais le lobbying des grands acteurs (américains) est énorme : les chances que le nouveau système passe au Sénat aux États-Unis semblent très minces.

  • I promised to lead the world to deliver a foreign policy for the middle class, and today, we are doing just that. » Il y a deux ans, un Joe Biden décidé annonçait fièrement que l’OCDE, l’organisation des pays industrialisés, avait conclu un accord historique sur la taxation des grandes entreprises.
  • « Avec une taxe minimale mondiale, les multinationales ne pourront plus opposer les pays les uns aux autres pour réduire les taux d’imposition et protéger leurs bénéfices au détriment des revenus publics. Ils ne pourront plus éviter leur juste part en cachant leurs bénéfices des États-Unis, ou de tout autre pays, dans des juridictions à faible imposition », a expliqué Biden.
  • Biden a traduit son succès diplomatique à Paris en 2021 comme « une politique pour la classe moyenne », un message idéologique clair pour le démocrate, qui avait conclu un accord avec 130 pays et 90% du poids de l’économie mondiale pour imposer une taxe minimale de 15% aux multinationales. Le résultat : plus de revenus pour les gouvernements du monde entier. L’accord de l’OCDE, auquel participent désormais 138 pays, se compose de deux grandes parties.
    • D’une part, la taxe minimale de 15% pour toutes les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros, soit plus de 8.000 multinationales. Ce deuxième pilier devrait rapporter près de 200 milliards d’euros par an au monde entier.
    • D’autre part, il était question d’une autre taxe, sur les mastodontes numériques, souvent appelée la « taxe Google » dans les couloirs. Le reste du monde l’a exigée de Biden, afin de pouvoir taxer « équitablement » le succès des grands acteurs de la Silicon Valley. Les États-Unis ont accepté une telle « taxe numérique », le premier pilier. Seules les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 20 milliards de dollars et une marge bénéficiaire de plus de 10 -% (Google, Apple, Microsoft, Meta…) seraient concernées. Et cette taxe devrait rapporter 180 milliards d’euros au monde entier.
  • Seulement : tout le processus stagne depuis deux ans, après l’annonce triomphale. Le Financial Times a rapporté cette semaine que le sommet de l’OCDE à Paris a apporté d’autres mauvaises nouvelles. Car la taxe numérique, qui devait être introduite cette année, est à nouveau repoussée : tous les pays de l’OCDE ont décidé de ne commencer la digitax qu’en 2025 au plus tôt, afin de laisser le temps d’introduire correctement la taxe de 15% pour les multinationales. La ratification de celle-ci ne se déroule pas très bien.
  • Ce report n’a pas plu à certains pays, dont le Canada. Ils veulent déjà commencer à taxer les grands acteurs numériques de leurs voisins du sud. Cela crée une forte tension entre les États-Unis et le Canada, et par extension dans toute l’OCDE.
  • Car la question cruciale reste de savoir comment Biden va faire passer un accord final au Sénat : pour les traités fiscaux, le Sénat a besoin d’une majorité des 2/3, et cela ne semble pas réalisable avec les démocrates qui n’ont que 51 des 100 sièges.

L’essentiel : Une fois de plus, ce n’est pas une bonne nouvelle pour le budget du gouvernement fédéral.

  • La Vivaldi n’a pas traduit l’accord historique de 2021 comme « un succès pour la classe moyenne » en Belgique : il était surtout très utile pour le gouvernement fédéral de renforcer un budget bancal avec des revenus supplémentaires.
  • Lors du discours sur l’état de l’Union en 2022, le Premier ministre Alexander De Croo s’est vu riche un peu trop vite : pour 2023 et 2024, 100 millions d’euros ont été inscrits dans le budget avec cette digitax. Et 300 millions supplémentaires ont été prévus pour 2023 et 2024 avec la taxe minimale de 15%. Dès la fin 2022, il était devenu clair que ce calcul était trop optimiste : le gouvernement a alors plutôt parlé de 268 millions pour ce Pilier II.
  • En mars de cette année, lors du contrôle du budget, le montant pour le ‘Pilier II’ a finalement été ramené à 0 euro cette année : la taxe n’était pas prête. Mais pour 2024, un montant très important est toujours prévu dans le budget :
    • En plus des 300 millions d’euros déjà prévus pour la taxe de 15%, 334 millions supplémentaires ont été ajoutés lors du contrôle du budget en mars. Au total, on compte sur pas moins de 634 millions d’euros de nouveaux revenus.
    • Et il y avait à nouveau cette digitax, qui devait rapporter à elle seule 100 millions d’euros l’année prochaine.
  • Le fait que le gouvernement la Vivaldi se soit vue si riche a également été noté par la Cour des comptes qui l’a écrit dans son dernier rapport pour les taxes.
  • La Vivaldi doit maintenant reconnaître que cette digitax n’apparaîtra pas l’année prochaine. « Le rendement ne sera effectivement pas atteint en 2024 en raison du report accordé jusqu’en 2025 », réagit le cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v). Ailleurs au sein du gouvernement, on confirme aussi que « la taxe devra être supprimée, car tout est repoussé d’un an avec l’OCDE ».
  • Mais la vraie question reste de savoir si ces revenus de la taxe de 15% seront obtenus en 2024. Pour cela, la Vivaldi doit faire passer la législation à temps dans son propre pays et compter sur un accord fiscal international. Ou le trou dans le budget belge sera bien plus important.

D’autres mauvaises nouvelles pour les finances publiques : Le récent choc inflationniste augmente les déficits publics et constitue un problème à long terme pour le taux d’endettement. C’est ce que révèlent les simulations effectuées par la Banque nationale.

  • Une forte inflation est parfois perçue comme une chose positive pour les finances publiques, car certaines taxes sur les produits comme la TVA augmentent en conséquence et le taux d’endettement diminue à court terme. Cependant, l’étude de la Banque nationale éclate cette bulle : si l’on prend en compte tous les effets, les récentes augmentations de prix sont une mauvaise chose pour le Trésor public.
  • Les simulations montrent que l’inflation élevée aggrave de façon permanente le déficit public belge par rapport à un scénario sans choc inflationniste. Les effets négatifs l’emportent sur les positifs.
  • Les effets positifs pour le Trésor public passent notamment par la TVA : des prix plus élevés entraînent des recettes fiscales plus élevées. L’inflation fait également baisser le taux d’endettement – la dette publique par rapport au produit intérieur brut (PIB) – car les prix en hausse augmentent le dénominateur de la fraction.
  • Mais il y a des effets négatifs plus importants, comme l’a calculé la Banque nationale.
    • « Les dépenses publiques augmentent, surtout si l’indexation des dépenses se fait automatiquement, comme c’est le cas en Belgique pour les salaires des fonctionnaires et les prestations sociales », écrit la BNB.
    • « De plus, l’inflation fait également augmenter le taux d’intérêt nominal, d’autant plus que la banque centrale durcit sa politique, ce qui entraîne une augmentation des paiements d’intérêts sur la dette publique. » Cela finira par faire augmenter le taux d’endettement à long terme.
  • Les mesures de pouvoir d’achat du gouvernement Vivaldi ont atténué le choc économique à court terme, mais elles ne sont en grande partie pas financées. L’État belge doit encore payer cette facture.
  • « Si nous ajoutons l’impact sur tous les postes budgétaires, il ressort des simulations que le choc inflationniste affaiblit immédiatement et de manière permanente le solde budgétaire belge d’ici 2025 », conclut clairement la Banque nationale. La BNB donne également un chiffre : un effet négatif de 1,4 % du PIB en 2025. Ou comment les finances publiques déjà exsangues deviennent encore plus moroses à cause de l’inflation élevée.

BL

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