Alors que plusieurs pays occidentaux s’apprêtent à infliger de lourdes sanctions à la Russie, l’ancien conseiller du président Barack Obama et économiste à Harvard Jason Furman estime que l’économie russe est « incroyablement insignifiante dans l’économie mondiale », à l’exception de ses ressources en pétrole et en gaz. « C’est essentiellement une grande station-service », a-t-il poursuivi. Cela n’empêche que des sanctions à son encontre pourrait avoir des effets collatéraux sur le monde.
La Russie est l’un des principaux fournisseurs de gaz naturel et de pétrole de l’Union européenne. Sur les 80% d’importations en gaz naturel de l’UE, 41% viennent de Russie. Au niveau du pétrole, on se situe à 27%. Le pays est donc un partenaire crucial pour l’Union, d’autant plus à l’heure où les prix de l’énergie ne cessent de grimper. Des sanctions à l’encontre de la Russie en réaction à ses attaques contre l’Ukraine pourraient donc empirer la situation.
La Russie est le pays le plus grand du monde. Mais au niveau économique, elle est bien loin de pays comme l’Allemagne, la France et même l’Italie, alors qu’elle a le double de la population. Le PIB russe correspond plus aux PIB combinés de la Belgique et des Pays-Bas.
Alors bien sûr, la Russie, par sa taille, dispose de beaucoup de matières premières: gaz, pétrole, uranium… ces matières sont largement importées dans l’Union européenne. C’est là la première arme de dissuasion de la Russie: elle peut menacer de couper le gaz ou en tout en cas d’en limiter l’accès pour augmenter les prix. L’ancien Premier ministre Dmitri Medvedev ne s’en est d’ailleurs pas privé et a déjà menacé les pays européens dans un tweet, en réaction à la décision de l’Allemagne de suspendre le projet Nord-Stream 2.
« Bienvenue dans ce nouveau monde où les Européens payeront bientôt 2000 euros pour 1.000 mètres cubes de gaz naturel ». Soit le double d’aujourd’hui.
Mais l’arme est à double tranchant. Car si les pays européens sont dépendants du gaz et du pétrole russe, ce sont aussi les principaux clients de Moscou. On estime que les exportations russes de gaz repréntent 40% de ses recettes. C’est ce qui fait dire à Jason Furman, ancien conseiller de Barack Obama, dans le New York Times, qu’il ne faut pas trop surestimer la Russie non plus. « L’économie russe est incroyablement insignifiante à l’échelle mondiale. Il s’agit tout au plus d’une grande station-service ».
Le réel effet des sanctions
C’est sans doute un petit peu caricatural. Bien sûr, de leur côté, les Européens – avec les Américains – peuvent mettre en place des sanctions pour couper la Russie du monde occidental. La Russie n’est pas la Chine: son cloisonnement n’aurait en effet pas le même impact sur les chaines d’approvisionnement que celui de la Chine.
Mais de plus en plus de monde met en doute l’efficacité de ces sanctions. Pour rappel, des sanctions touchent déjà la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Et la Russie s’est depuis adaptée en se tournant vers l’Est. La Chine bien sûr, mais aussi le Moyen-Orient, sans oublier l’Amérique du Sud et l’Afrique.
En outre, la Russie a bien préparé son coup. La banque centrale russe a conservé une réserve de l’équivalent de 600 milliards de dollars. Et pour se protéger d’une perte de valeur du rouble, les banques russes ont importé quelque 5 milliards de dollars de devises étrangères en décembre dernier, soit le double de l’année précédente.
Enfin pour se prémunir de sanctions lourdes, Vladimir Poutine ne devrait pas adopter la guerre totale, analyse le New York Times, mais privilégier les attaques progressives. Pour voir jusqu’où vont les sanctions.
C’est aussi la volonté des Européens que de procéder étape par étape. L’une des armes ultimes étant de retirer la Russie de la messagerie bancaire Swift. D’après William Jackson, du cabinet de conseil Capital Economics, cité par le Guardian, l’économie iranienne a reculé de 7 % lorsque des mesures similaires ont été imposées à Téhéran. La cabinet estime que des sanctions sévères pourraient impacter de 4 à 5% le PIB russe, et pousser l’inflation au dessus des 10%, en forçant ainsi la banque centrale russe à augmenter les taux d’intérêt à 14%.
La guerre des nerfs peut commencer.