La nouvelle tactique de la Hongrie contre les demandeurs d’asile: leur refuser de la nourriture

La Hongrie semble avoir trouvé une nouvelle tactique pour inciter les demandeurs d’asile en zones de transit de renoncer à faire appel: depuis quelques jours, elle ne les nourrit plus. C’est ce qu’a constaté l’O.N.G. de défense des droits humains Human Rights Watch. L’organisation s’inquiète de la généralisation de cette pratique.

Deux frères syriens et de familles afghanes se seraient ainsi vu refuser de la nourriture après le rejet de leur demande d’asile. La Cour européenne des droits de l’homme a ordonné ce mois-ci aux autorités hongroises de recommencer à donner à manger à 5 demandeurs d’asile, après que le comité Helsinki hongrois avait soumis leur cas.

Une vidéo dans laquelle un pasteur méthodiste très célèbre dans le pays pour son engagement en faveur des sans-abri, des tziganes et des réfugiés, Gabor Ivanyi (notre photo de couverture), explique qu’il n’a pas pu apporter de la nourriture aux réfugiés au camp de réfugiés de Röszke, dans le sud du pays, parce que les gardiens lui en ont refusé l’entrée, a fait le tour des médias sociaux.

Une nouvelle tactique pour faire fuir les demandeurs d’asile

Les ONG en contact avec les réfugiés qui ont été déboutés de leur demande d’asile en Hongrie et qui attendent actuellement dans les camps le résultat de leur demande d’appel pensent que la Hongrie refuse de leur donner de la nourriture dans l’espoir qu’ils renoncent à solliciter l’asile dans le pays, et qu’ils partent pour la Serbie. Elles ont constaté à partir de la mi-août que les réfugiés qui se trouvaient dans ces camps de transit ne recevaient plus de nourriture.

Depuis 2015, les demandes d’asile des réfugiés qui sont passés en Serbie, ou dans d’autres pays jugés sûrs par la législation hongroise avant d’entrer en Hongrie sont traitées automatiquement comme étant “irrecevables”, les autorités hongroises considérant donc que c’est dans ce pays que le réfugié aurait dû faire sa demande. De ce fait, les réfugiés provenant de ces pays sont immédiatement placés en centre de transit en attendant leur expulsion. Et visiblement, lorsqu’ils font appel, on cesse désormais de les nourrir, en attendant qu’ils décident par eux-même de quitter la Hongrie vers des cieux plus cléments.

“Le Bureau de l’immigration et de l’asile informe les étrangers qu’ils ne recevront pas de nourriture dans la zone de transit, mais qu’ils peuvent décider librement de retourner en Serbie à tout moment”, a indiqué le Comité Helsinki hongrois, l’une de ces ONG.

Obligés de porter plainte individuellement

Le Bureau de l’immigration et de l’asile a lui-même déclaré qu’aucune loi hongroise n’obligeait les autorités à donner de la nourriture aux demandeurs d’asile déboutés résidant dans les zones de transit. “Mais les autorités hongroises ont des obligations contraignantes en vertu de multiples traités et normes relatifs aux droits humains qui interdisent le traitement inhumain et dégradant des personnes placées sous leur garde et exigent que ces personnes soient traitées avec humanité et dignité”, écrit de son côté Human Rights Watch, qui précise que cela implique qu’on leur donne de la nourriture, de l’eau, un accès à l’hygiène et aux soins médicaux.

Mais apparemment, le bureau de l’immigration et de l’asile ne se soumet à ses injonctions qu’au cas par cas, et les ONG redoutent que les autorités hongroises forcent ainsi les réfugiés à porter plainte individuellement pour obtenir une décision qui ne s’appliquerait qu’à eux. « Il semble que ceux qui ont sollicité une demande d’asile après le 1er juillet 2018 se trouveront tôt ou tard dans la situation suivante: ils seront déboutés de leur demande parce qu’ils ont transité par la Serbie. En conséquence, ils seront placés dans la zone de transit, dans le cadre de la politique de police pour les étrangers, en attendant leur expulsion vers la Serbie. Et pendant qu’ils seront placés dans la zone de transit dans le cadre de cette politique de police pour les étrangers, on ne leur donnera pas de nourriture », explique Andras Lederer, un membre de l’organisation du comité Helsinki hongrois.

De grands moyens pour une crise inexistante

Au mois de juin, la Hongrie a voté une loi qui pénalise l’assistance aux migrants illégaux. La nouvelle législation criminalise l’aide que des particuliers ou des associations pourraient apporter aux immigrés clandestins. Ces personnes encourent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.

Les mesures prises par la Hongrie apparaissent d’autant plus drastiques, que le pays ne peut pas réellement parler d’une crise des réfugiés sur son sol. Chaque jour, le pays ne fait entrer que 2 personnes

En avril de cette année, on recensait 3555 réfugiés pour 10 millions d’habitants. Seules, 133 personnes résidant en Hongrie ont sollicité l’asile. Ces personnes – des familles, ou des personnes malades ou handicapées – séjournent actuellement dans l’un des deux camps du pays en attente d’une décision.

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