La Grèce envisage-t-elle de vendre certains de ses sites archéologiques?

La Grèce envisagerait-elle de vendre certains de ses sites archéologiques prestigieux ? C’est en tout cas ce que semble indiquer une récente décision du gouvernement grec de reporter ces sites sur une liste qui a été transmise au Taiped, le fonds de privatisations grec. 

 Parmi les sites en questions figurent des sites antiques tels que les ruines du palais de Cnossos, en Crète, (notre photo de couverture), la tombe du roi Philippe II de Macédoine (le père d’Alexandre le Grand) à Vergina, dans le nord du pays, la Tour blanche de Thessalonique, le site préhistorique de l’Akrotiri sur l’île de Santorin, ainsi que les sites archéologiques de Sparte, de Salamine ou d’Éleusis. Un certain nombre de forts, en particulier celui de Corfou, pourtant classé au Patrimoine mondial de l’Unesco (notre photo ci-dessous), et de musées archéologiques, figurent également sur cette liste.

Le catalogue du Taiped comme garantie pour la Troïka

Tous ont connu le même sort que 10 000 autres biens publics, reportés sur décision du gouvernement du Premier ministre grec Alexis Tsipras le 19 juin dernier sur une liste de biens confiés au Taiped pour qu’il assure leur privatisation.

A cette époque, le gouvernement grec négociait en effet la sortie du plan de sauvetage de la Grèce, et la fin de sa mise sous tutelle de la troïka formé de la Commission Européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, et nul doute qu’il a voulu donner des garanties aux créanciers européens avec la perspective de recettes futures pour le pays.

Le Taiped est un fonds chargé de privatiser les biens publics grecs. Depuis le premier plan de sauvetage d du pays en 2010, la Grèce s’est en effet engagée à vendre des actifs publics pour trouver de l’argent. Ces privatisations étaient parfois imposées par la troïka elle-même. Le pays a donc vendu des fractions ou la totalité de ports, d’aéroports, ainsi que des entreprises de distribution d’électricité et d’eau.

Intégrés par erreur ?

Mais les archéologues et les maires des communes qui s’enorgueillissent de compter ces sites à leur patrimoine sont vent debout contre cette décision et ils se sont unis et mobilisés pour remettre en cause ce projet. Ils invoquent l’article 24 de la Constitution grecque, qui impose la protection de l’héritage culturel du pays, qui comprend ces sites, afin d’en assurer la protection et la transmission aux générations futures.

De son côté, le gouvernement objecte que les sites en question sont désignés par des numéros indistincts, et que c’est sans doute à la suite d’une erreur qu’ils se sont retrouvés sur la liste des biens susceptibles d’être privatisés par le Taiped. Mais en dépit de cette explication, et du tollé suscité par la présence de ces biens publics prestigieux sur cette liste, il n’a pas pris d’initiative pour corriger cette dernière en les ôtant de cet inventaire… alors que cela fait déjà plusieurs mois qu’ils y figurent désormais.

Des parcs d’attractions entre les statues pour divertir un tourisme de masse ?

Devant cet immobilisme, l’Union des archéologues et des maires a décidé de saisir le Conseil d’Etat pour violation de la Constitution. Si ce dernier n’agit pas rapidement, elle envisage également de soumettre l’affaire à la Cour de Justice européenne, arguant que la vente de ces sites uniques constitue une violation de la Convention pour la protection de l’héritage archéologique d’Europe signée à Grenade en 1985.

Tous redoutent l’inertie de ces instances, et la possibilité que ces trésors grecs n’aboutissent entre des mains privées, faute d’intervention à temps : « Ce serait une violation de l’histoire de l’humanité, surtout si des multinationales construisent des parcs d’attractions entre les statues pour divertir un tourisme de masse », déplore Georges Patoulis, président de l’Union des maires de Grèce.

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