La fuite des cerveaux en Grèce : comment une classe politique corrompue a sacrifié une génération complète sur l’autel de l’euro

Entre 2008 et 2018, plus de 500 000 Grecs âgés de 25 à 39 ans ont quitté leur pays. La plupart d’entre eux sont des diplômés universitaires. Un nombre considérable dans un pays vieillissant avec une population de 10,7 millions d’habitants, qui devrait être réduite à entre 8,3 et 10 millions de personnes en 2050. Un véritable exode de personnes hautement qualifiées, dont l’absence constitue aussi une bombe pour le système de pension daté.

Selon les statistiques, la plus grande crise économique en temps de paix dans un pays européen
touche à sa fin, mais la pyramide de la population grecque n’augure rien de bon. Aujourd’hui, 21 % des Grecs ont déjà plus de 65 ans, mais d’ici 2050, ce chiffre passera à 35 %. Nombre d’entre eux ont été acculés à la pauvreté en raison des conditions strictes imposées par la troïka de la BCE, de l’UE et du FMI qui ont octroyé trois prêts d’urgence à leur pays. L’avenir semble encore plus noir : aujourd’hui, le pays ne compte plus que 1,3 travailleur actif par retraité, contre 2,5 pour l’OCDE. La Grèce emploie donc 3,6 millions de personnes travaillant pour 2,8 millions de retraités. Le taux de natalité de 1,4 % du pays figure également parmi les plus bas de l’UE.

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La crise économique n’est pas la raison principale du départ d’un demi-million de diplômés

Mais c’est la fuite colossale des jeunes talents qui risque de porter le coup de grâce au pays dans les décennies à venir. Selon McKinsey, cette fuite des cerveaux coûte aujourd’hui au pays 9,1 milliards d’euros par an en recettes fiscales et autres contributions, alors que 8 milliards d’euros ont été investis dans la formation de ceux qui sont partis. À l’autre extrémité du spectre, les expatriés grecs contribuent annuellement à hauteur de 12,9 milliards d’euros au PIB des pays où ils vivent actuellement.

Pourtant, remarquablement, ce n’est pas la crise brutale que ces jeunes donnent comme raison principale de leur départ. C’est la corruption généralisée  – qui a été à peine jugulée par les mesures de la troïka – et le manque de méritocratie qui poussent les jeunes les plus prometteurs hors du pays. Un jeune sur trois habitant à l’étranger n’a pas l’intention de retourner en Grèce de façon permanente.

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Mettre l’accent sur «l’économie verte» et d’autres initiatives à petite échelle

La classe politique est consciente du problème et propose lentement de nouvelles initiatives, axées principalement sur «l’économie verte». L’île de Tilos, par exemple, est la première en Méditerranée à fonctionner entièrement à l’énergie renouvelable. Mais ces initiatives sont lentes et à petite échelle.

C’est donc plutôt hors du marché du travail que de nouvelles initiatives sont prises. Des efforts sont déployés pour mettre un terme à la fuite des cerveaux dans les universités en garantissant des emplois diplômés dans l’économie réelle. En 2016, 1 400 jeunes ont trouvé du travail de cette façon.

Une autre initiative assez remarquable se concentre sur les expatriés eux-mêmes. S’ils ne prévoient pas de rentrer, des travaux seront menés pour identifier leurs expériences à l’étranger afin d’optimiser les conditions de travail en Grèce. On tient compte de leurs commentaires, de leurs idées et de leurs propositions.

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Les politiciens peuvent mentir et tromper, mais ils ne peuvent pas faire plier les lois de l’économie

Mais les chiffres restent décevants. En 2008, 7 854 enseignants et chercheurs grecs étaient actifs dans des universités étrangères. Aujourd’hui, ils sont 150 000. La Suède et les Pays-Bas ne comptent aucun hôpital où l’on ne recense pas au moins un médecin grec actif. Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour en comprendre la raison : en Grèce, le financement des hôpitaux a plus que diminué de moitié entre 2009 et 2015, selon une étude de la revue The Lancet. 

Un pays qui a été admis dans la zone euro sur la base de chiffres truqués paie maintenant un prix énorme pour cette fraude. Les politiciens peuvent temporairement gonfler les chiffres pour cacher les cadeaux électoraux, la corruption et d’autres formes de participation aux bénéfices, avec des mensonges et des dissimulations. Mais ils ne peuvent pas faire plier les lois de l’économie.

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