L’académie chinoise des Sciences a récemment annoncé que des scientifiques avaient mené une expérience au cours de laquelle ils avaient réussi à mettre à feu des faisceaux surchauffés d’un isotope radioactif de tantale. Le tantale est un métal rare que l’on peut ajouter aux têtes nucléaires pour créer une « bombe salée ». Ce type de bombe nucléaire est conçu pour maximiser les retombées radioactives.
L’expérience a été menée à l’Institut de Physique moderne de Lanzhou, au Nord de la Chine. Selon les chercheurs, elle vise à satisfaire une demande d’importance stratégique pour la Défense nationale chinoise. Les responsables de cette expérience ont confirmé que le projet avait des applications militaires, mais n’ont pas donné plus de détails.
Une bombe salée
Le tantale fait partie d’un groupe de métaux lourds qui peuvent être ajoutés à une tête nucléaire pour augmenter la libération des retombées radioactives. La contamination durable de l’environnement qui en résulte permet de condamner l’usage ou le passage de larges zones dans un avenir proche. C’est ce que l’on appelle une bombe salée. Ce type de bombe fait appel à des éléments tels que l’or, le cobalt ou le tantale pour produire un isotope radioactif qui maximise les retombées.
A priori, aucune bombe salée de ce genre n’a jamais été construite, ni testée dans l’atmosphère. mais certains pensent que cette nouvelle recherche menée par ces scientifiques chinois pourrait être destinée à créer cette bombe ou à être utilisée pour d’autres applications militaires.
Un engin d’apocalypse nucléaire ?
En conséquence, un journal hongkongais, le South China Morning Post, a émis l’hypothèse que la Chine pourrait préparer « un engin d’apocalypse nucléaire ». En pratique, il est peu probable que cette expérience vise à produire une bombe salée, mais selon deux experts interrogés par le journal, elle pourrait conduire à concevoir un type de laser destiné à produire des dégâts très ciblés.
« En générant un puissant rayonnement d’ions de tantale, on peut observer comment le métal interagit avec les autres éléments et change de forme au cours de collisions à haute vitesse. Cela simule ce qui pourrait se produire dans une réaction nucléaire réelle », explique Han Dejun, un professeur de Sciences et de Technologie nucléaires à l’Université Normale de Pékin.
Cependant, un expert de l’Association pour le Désarmement et le Contrôle des Armes en Chine a affirmé qu’il était peu probable que ces recherches conduisent la Chine à produire des bombes salées. « Ce sont des armes extrêmement amorales », dit-il.
Des essais pendant la guerre froide
C’est le physicien americano-hongrois Leo Szilard qui a eu l’idée de la bombe salée pendant la guerre froide. Ce chercheur avait contribué avec Albert Einstein à écrire la lettre au président américain Franklin D Roosevelt pour l’inciter à lancer la construction de la bombe atomique.
En 1953, les Américains ont testé une bombe salée chargée avec 30 kg d’isotopes de tantale à ciel ouvert. En septembre 1957, les Britanniques ont eux aussi mené un essai avec une bombe salée à base de cobalt sur le site de Maralinga, en Australie. mais cette expérience s’était soldée par un échec et n’a pas été renouvelée.
La Chine améliore son arsenal nucléaire
Depuis son premier test nucléaire en 1964, la Chine a développé un arsenal nucléaire relativement modéré. Selon le dernier recensement, elle ne détiendrait que 270 têtes nucléaires, contre 6800 pour les États-Unis et 7000 pour la Russie, indiquent des chiffres de la Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires.
Toutefois, au cours des dernières années, le pays a étendu et amélioré la qualité de cet arsenal. Selon le site Science and Global Sécurity, la Chine détiendrait des réserves de 14 à 18 tonnes d’uranium hautement enrichi, et de 1,3 à 2,3 t de plutonium pour l’armement. Il y en aurait assez pour produire entre 750 et 1600 armes nucléaires.
Au mois de novembre dernier, le pays a dévoilé le Dongfeng-41, un missile balistique capable de franchir des distances de 12 000 km à 15 000 km à une vitesse de Mac 10 (plus de 30 000 km/h), et capable de transporter jusqu’à 10 têtes nucléaires.