Lors d’une conférence qui a fait du bruit à Dubaï, la ministre du Climat Zakia Khattabi (Ecolo) a signé une déclaration conjointe avec la France, l’Espagne, les Pays-Bas, ainsi que huit autres pays européens et le Canada, visant à mettre fin aux « subventions » pour les combustibles fossiles. Cette annonce pourrait avoir de grandes répercussions en Belgique, où ces subventions, d’après les calculs du cabinet Khattabi, s’élèvent à environ 13 milliards d’euros par an. Toutefois, le terme « subventions » est utilisé ici dans un sens large, incluant des réductions fiscales sur les taxes élevées des carburants et même sur les avantages fiscaux des voitures de société. Depuis Bruxelles, le MR critique vivement cette communication. « Elle a fait cette annonce sans l’approbation du gouvernement », affirme le vice-premier ministre David Clarinval (MR). Et le même son de cloche se fait entendre au sein du gouvernement : « Cela n’a pas été discuté ». Précédemment, le gouvernement n’était pas parvenu à un consensus sur la question des combustibles fossiles. Cet incident reflète également la tension électorale entre le MR et les écologistes. Le week-end dernier, un incident notable a eu lieu entre Georges-Louis Bouchez (MR) et Groen, concernant Petra De Sutter (Groen).
L’actualité : La COP28 se concentre sur les combustibles fossiles. La Belgique cherche à se positionner.
Les détails : Dans un contexte délicat, au sein même des Émirats arabes unis, un pays riche en pétrole, plusieurs nations poussent pour une déclaration visant à éliminer progressivement les combustibles fossiles. En coulisses, la Belgique, représentée par trois ministres d’Ecolo, exerce une pression, bien qu’ils semblent ne pas avoir de mandat officiel pour le faire.
- C’est le « money time » à Dubaï, il est temps de prendre des décisions concrètes à l’issue de la Conférence sur le Climat. Après plusieurs jours de déclarations diplomatiques importantes et de séances photo, l’heure est venue d’adopter une déclaration finale significative.
- On s’accroche désespérément à l’objectif fixé lors de la grande conférence sur le climat à Paris en 2015, qui est de limiter l’augmentation de la température mondiale à un maximum de 1,5 degré. Bien que de nombreux scientifiques avertissent que cet objectif n’est plus réaliste, et qu’un tel réchauffement pourrait devenir réalité dès l’année prochaine, les participants à Dubaï restent fermement attachés à cet objectif.
- Mais cela signifie que dans le Golfe, riche en pays producteurs de pétrole et de gaz, le débat se porte désormais sur la réduction importante ou la limitation des combustibles fossiles. Ainsi, le président Ahmed Al Jaber de la COP28, qui est aussi le CEO de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, doit travailler à la réalisation d’un tel accord.
- L’Arabie Saoudite et la Russie s’y opposent, pour des raisons évidentes. L’OPEP+, l’organisation des pays exportateurs de pétrole, cherche à tout prix à exclure toute référence aux combustibles fossiles du texte final.
- De son côté, la Chine, leader mondial de l’énergie verte, lance une offensive diplomatique pour lier la suppression progressive du pétrole, du gaz et du charbon à des investissements dans l’éolien, le solaire et l’hydroélectrique. Les États-Unis et l’UE ne s’y opposent pas.
- Cependant, l’influence des pays pétroliers pèse lourdement sur les discussions climatiques. Preuve en est, l’Azerbaïdjan a été choisi pour organiser la prochaine COP en 2024 à Bakou.
- Ceci est particulièrement frappant. Encore plus que les EAU, l’Azerbaïdjan est une dictature rigide contrôlée par la famille Aliyev. De plus, il est en conflit armé avec l’Arménie voisine, qui dure depuis des années et qui a récemment connu une escalade. Fait surprenant, l’Arménie a soutenu la candidature de l’Azerbaïdjan, permettant ainsi la validation de cette décision.
- Bakou est l’une des plus anciennes villes pétrolières du monde. Depuis plus d’un siècle, du pétrole est extrait près de la mer Caspienne. Lorsque le vent souffle depuis cette direction, une odeur pénétrante rappelant celle des stations-service envahit la ville. La région autour de Bakou est l’une des plus polluées au monde. Dans l’horizon de la ville, les trois gratte-ciel de Socar, la compagnie pétrolière nationale, dominent le paysage.
Le petit rôle de la Belgique : À Dubaï, Ecolo se distingue avec trois ministres du climat, Zakia Khattabi, Alain Maron et Philippe Henry. Khattabi tente de se placer sous les feux des projecteurs.
- « Trois ministres, trois styles différents », a tweeté Khattabi, en publiant trois photos montrant ses collègues. Henry, le ministre wallon du climat, est photographié assis à une table de pique-nique avec ses collaborateurs. Maron, le ministre bruxellois du climat, est dans une salle de réunion dans une ambiance assez formelle. Quant à Khattabi, elle apparaît décontractée, assise par terre avec des lunettes de soleil et un café, entourée de son équipe.
- Khattabi, l’ancienne coprésidente d’Ecolo, est connue pour chercher l’attention des médias avec son « style personnel ». Son approche volontariste semble une fois de plus créer des tensions au sein du gouvernement fédéral.
- Samedi, devant la presse internationale, Khattabi a rejoint une coalition de treize pays décidés à mettre fin aux « subventions des combustibles fossiles ». Cette coalition inclut, outre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, mais également la France, l’Espagne, le Canada et la Finlande.
- Ils veulent donner une forme plus concrète à la promesse vague émise lors de la COP27, il y a deux ans à Glasgow, où tous les pays s’étaient engagés à réduire les « subventions inefficaces aux combustibles fossiles ». Cette intention n’a pas encore été concrétisée.
- La nouvelle coalition, menée par le ministre néerlandais du climat Rob Jetten, souhaite aller plus loin. L’administration de Jetten a calculé le montant des « subsides » accordés par les Pays-Bas au pétrole, au gaz et au charbon, sous forme d’aides à la consommation ou d’exploitation. Selon les Néerlandais, ce montant s’élève à plus de 40 milliards d’euros pour leur pays, dont la moitié résulte d’accords internationaux. La première étape, selon eux, est de définir clairement tous ces « subsides ».
- C’est donc sur ce point qu’ils les différents pays se sont accordés : mieux contrôler la situation. « Cet accord porte sur la transparence afin de lever les blocages internationaux par le dialogue », nous précise le cabinet de Khattabi. « L’élimination progressive des subventions aux énergies fossiles de manière socialement et économiquement responsable est acquise depuis la COP26 », rappellent-ils. Selon eux, l’autorisation de signer cet accord a aussi été donnée par le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v) : « Il est question de réaliser le calcul correct. »
- Une analyse réalisée par le cabinet estime à 13 milliards d’euros le montant pour la Belgique. Mais ici, le terme « subsides » englobe non seulement le soutien étatique pur, mais aussi des réductions fiscales sur les taxes élevées des combustibles fossiles en Belgique.
- Cela inclut 11 milliards d’euros de réductions directes, y compris la déduction fiscale sur le diesel professionnel et d’autres exemptions de droits d’accise.
- Les tarifs sociaux, qui offrent d’importantes réductions aux personnes à faibles revenus sur leur facture énergétique, sont également pris en compte.
- En outre, 2 milliards d’euros de « subsides indirects » sont comptabilisés, comme les avantages fiscaux sur les voitures de société et les taxes réduites sur les billets d’avion. Il est à noter que les Verts de la coalition Vivaldi ont récemment accepté, lors de la crise énergétique, d’élargir ces exemptions fiscales sur les combustibles fossiles en étendant largement le tarif social.
- Cependant, en s’inscrivant publiquement dans cette coalition, Khattabi s’engage notamment à abolir le régime favorable aux voitures de société. Cela suscite une forte sensibilité : de nombreux partenaires de la coalition sont réticents à suivre cette direction.
- Le vice-premier ministre Clarinval a réagi vivement à la « déclaration problématique » de sa collègue Ecolo : « Khattabi a fait cette déclaration à Dubaï sans le soutien du gouvernement. Le gouvernement fédéral ne mettra pas fin au soutien aux combustibles fossiles« . Il a ajouté : « Cela signifierait la fin du tarif social pour des centaines de milliers de Belges, l’abolition des voitures de société (y compris électriques) et la suppression du diesel professionnel pour des milliers de créateurs d’emplois. »
- « Il n’y a pas d’accord sur ce sujet », confirme un membre du gouvernement. Diverses sources au sein de la coalition Vivaldi affirment que cette question a été abordée lors du dernier budget, « mais il n’y a pas eu d’accord ». Les socialistes et les verts y étaient favorables, mais pas les autres.
- Ainsi, la ministre Ecolo Khattabi s’est mise dans une situation délicate à Dubaï : elle a pris des initiatives diplomatiques qui ne sont pas soutenues par son équipe.
À noter : Bouchez se heurte (à nouveau) aux Verts.
- « J’exige des excuses de la part de notre ‘partenaire gouvernemental’ fédéral, le MR, pour avoir toléré et partagé ce genre de haine envers Petra, et envers toute la communauté. Ici, le président Bouchez a franchi la ligne rouge de la transphobie ». Samedi, la chef de file de Groen et ministre bruxelloise Elke Van den Brandt s’est emportée de manière particulièrement féroce.
- La raison était un retweet que Bouchez a effectué, auprès d’un compte Twitter qui ne parlait pas de Petra mais de « Peter De Sutter ». La vice-première ministre fédérale de Groen, Petra De Sutter, est, comme tout le monde le sait, transgenre. Ce retweet de Bouchez a suscité une vive indignation au sein de Groen et d’Ecolo, le président du MR ayant supprimé son retweet quelques instants plus tard.
- Dans le même temps, Bouchez a répondu dans son style habituel à la demande d’excuses de Van den Brandt. « Arrêtez votre cinéma pathétique. J’ai lu Petra et non Peter par habitude. Dès que j’en ai pris connaissance, j’ai supprimé mon retweet, il y a déjà plusieurs heures. Mais vous créez délibérément une polémique pour vous cacher derrière votre bilan ridicule. Instrumentaliser une telle affaire est indigne ».
- C’est révélateur de l’atmosphère entre les bleus et les verts, qui est tombée en dessous de zéro depuis longtemps. On passe ainsi d’un incident à l’autre : de la pollution aux PFAS en Wallonie à la question du voile à Anderlecht.
- Ce week-end également, Bouchez a ouvertement remis en cause le choix de Céline Tellier (Ecolo), ministre wallonne de l’Environnement, comme tête de liste dans le Brabant wallon pour les prochaines élections : « Après avoir menti, avoir totalement failli et mis en danger la santé de milliers de personnes, Céline Tellier est récompensée par Ecolo en devenant tête de liste. Vraiment la politique autrement… totalement pire. »