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Les désirs paradoxaux du Japon : le champion de la déflation lance un plan à 106 milliards pour faire face à une petite inflation

Les désirs paradoxaux du Japon : le champion de la déflation lance un plan à 106 milliards pour faire face à une petite inflation
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida. (Yuichi Yamazaki/Getty Images)

Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a annoncé que le gouvernement mettra à disposition un budget de 17 billions de yens (106 milliards d’euros) pour contrer les chocs économiques provoqués par l’inflation. Un plan qui peut sembler paradoxal, mais qui s’explique par la peur de la déflation : le pire ennemi du Japon.

Pourquoi est-ce important ?

Dans presque toutes les économies développées, nous avons vu l'inflation augmenter dès que les mesures mises en place durant la pandémie ont été levées. Les gens étaient impatients de recommencer à consommer, tous en même temps. Au Japon, pays de la déflation, le choc inflationniste a été beaucoup plus limité que chez nous, à 2,5% en 2022. La prévision pour 2023 a été revue à la hausse, passant de 2,5% à 2,8% : un signal d'alarme. L'objectif de la Banque du Japon est, comme en Europe, de la limiter à 2%. Le gouvernement manille la carotte et le bâton.

Dans l’actualité : 106 milliards d’euros pour lutter contre l’inflation, 136 milliards si l’on prend en compte les emprunts gouvernementaux.

  • « La société japonaise voit une grande opportunité d’entrer dans une nouvelle phase pour la première fois en trois décennies », a déclaré le Premier ministre japonais Kishida. « C’est pourquoi nous devons aider les entreprises à augmenter leur rentabilité et à générer des revenus pour augmenter les salaires », cite CNBC.
  • Parmi les mesures de stimulation figurent notamment des réductions temporaires de l’impôt sur le revenu, ainsi que de l’impôt foncier. Des subventions seront également accordées pour faire face à la hausse des prix de l’essence et de l’énergie.
  • Pour financer cette proposition, le gouvernement table sur un budget supplémentaire de 82 milliards d’euros. Cet argent provient en partie des recettes fiscales plus élevées que le gouvernement a obtenues grâce à la croissance économique.

Une bonne idée ?

Avec un taux d’inflation estimé à 2,8% pour cette année, la dépréciation monétaire est certes supérieure à l’objectif de 2%. Cependant, cet objectif n’a rien d’inatteignable. Le Japon est en fait coincé entre son désir de sortir de décennies de déflation et sa volonté de contenir l’inflation.

  • Dans la zone euro, l’inflation était de 2,9% lors de la dernière mesure, celle d’octobre. Aux États-Unis, elle est de 3,7%. Après avoir atteint des sommets cette année.
  • La différence réside dans les prévisions. Dans la zone euro et aux États-Unis, une baisse de l’inflation est attendue, alors qu’au Japon, elle est encore estimée à 2,8% pour 2024.
  • La question de savoir si ces mesures sont les meilleures fait débat. Takahide Kiuchi, ancien membre du conseil d’administration de la Banque du Japon, a déclaré à CNBC que cette politique n’était pas adéquate. « Maintenant que l’écart de production (la différence entre la production potentielle et réelle d’une économie) du Japon est devenu positif entre avril et juin, l’économie n’a pas besoin d’un plan de relance. »
  • Chez nous, les plans de relance ont contribué à alimenter l’inflation et pas l’inverse. Mais le Japon a encore beaucoup de marge de manœuvre sur les taux, qui sont nettement inférieurs à ceux mis en place par la BCE ou la Fed. La BoJ a d’ailleurs resserré un petit peu sa politique, il y a quelques jours. Le Japon redoute sans doute encore plus la déflation que l’inflation.
  • Le Premier ministre s’est justifié : « Dans la situation actuelle où la hausse des salaires ne suit pas celle des prix, il est nécessaire de soutenir temporairement le revenu disponible des Japonais afin d’éviter un retour à la déflation. »
  • Mais il n’y a aucune garantie que les Japonais utiliseront effectivement leurs avantages fiscaux pour consommer. Kiuchi, qui travaille maintenant comme économiste à l’Institut de recherche Nomura, estime que l’effet sur le PIB japonais sera limité à 0,19%.

MB

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