Vendredi après-midi, les sites de la presse économique américaine étaient en émoi. La raison ? L’inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis pour la première fois depuis 2007. Cet indicateur pointe traditionnellement vers une prochaine récession dans les 18 mois à suivre…
Cette courbe des taux se rapporte en fait à l’évolution des taux servis sur les bons du Trésor américains, des obligations émises par le gouvernement américain. Ce que l’on nomme une inversion de la courbe des taux, c’est une situation inhabituelle dans laquelle des obligations de long terme ont des taux de rendement plus faibles que des obligations de plus court terme.
Qu’est ce que la courbe des taux ?
Une obligation est un titre représentatif d’un prêt accordé à une entité (entreprise ou gouvernement, pour le cas d’espèces). Comme tout prêt, ce titre comporte un prix nominal, un taux d’intérêt et une échéance. Le porteur est donc rémunéré par ce taux d’intérêt. En théorie, plus l’échéance de ce prêt est éloignée, et plus ce dernier est important.
En général, les taux d’intérêt proposés par les émetteurs d’obligation augmentent régulièrement en fonction des échéances. On considère en effet que les risques augmentent à long terme.
En matière de bons du Trésor américains, les marchés financiers surveillent plus particulièrement le rapport entre le rendement à 10 ans et le rendement à trois mois, car les obligations ayant ces échéances sont les plus populaires. Or, vendredi dernier, le taux proposé sur 10 ans est devenu inférieur au taux sur trois mois pour la première fois depuis 2007. Ce type d’événement est très rare, et généralement, il suscite beaucoup d’inquiétude.
Que signifie une inversion de la courbe des taux ?
En effet, cette situation suggère aux investisseurs que quelque chose risque de pousser les taux d’intérêt futurs à la baisse, ce qui implique une baisse des rendements à long terme en dépit des risques. Quels types d’événements pourraient induire cette baisse ? Un effondrement futur de la demande d’investissement du secteur privé, qui aurait pour effet de baisser le coût de l’emprunt public. Ou des mesures de politique monétaire visant à faire baisser les taux d’intérêt afin de stimuler l’activité économique. En clair, des événements qui se produisent lors d’une récession. C’est ainsi qu’une inversion de la courbe des taux est généralement interprétée comme le signe avant-coureur d’une récession économique. Or, les trois dernières fois que cette situation s’est produite, une récession a suivi assez peu de temps après.
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(Le graphique ci-dessus montre l’évolution de la courbe des taux de rendement comparés des bons du Trésor à 1 an, en bleu et des bons du Trésor à 10 ans, en rouge. On voit bien les inversions de cette courbe en 1989, en 2000, et en 2007, peu avant des récessions).
Faut-il s’en inquiéter ?
Dans le sillage de cette annonce d’une inversion de la courbe des taux, certains analystes ont fait part de leur inquiétude. Les gérants de la banque Morgan Stanley ont écrit à leurs clients pour leur recommander d’adopter des positions défensives en raison « d’un indicateur clé d’une récession économique ». Mais d’autres institutions, telles la banque Goldman Sachs, se montrent bien plus sereines. Elles expliquent que l’inversion n’est pas très prononcée, et que certains facteurs indépendants d’une récession peuvent expliquer ce phénomène. Fidelity International anticipe même une reprise de la croissance dans le courant de cette année.
Ce qu’il faut garder en tête, c’est que de nos jours, les banques centrales sont beaucoup plus interventionnistes qu’elles ne l’étaient naguère, en tout cas, avant la crise de 2008. On peut donc s’attendre à ce que le président de la banque centrale américaine, la Fed, prenne d’autres mesures de nature à bloquer toute hausse des taux d’intérêt pour stimuler la croissance s’il estime qu’il y a des risques de récession.
Or, mercredi, la banque centrale américaine a annoncé une série de mesures pour stimuler une croissance qui menace de caler aux Etats-Unis. Le taux d’intérêt principal restera inchangé, et le système des banques centrales n’augmentera plus les taux d’intérêt pour le reste de l’année. La FED cessera également de réduire son bilan après septembre.
Une évolution structurelle
Néanmoins, les trois dernières fois que la courbe de rendement s’est inversée, les décideurs n’ont pas réussi à juguler l’arrivée de la récession. Mais cela ne signifie pas qu’ils échoueraient à nouveau.
En outre, les courbes de rendement semblent s’être structurellement aplaties au fil du temps dans les pays développés en raison d’un mélange d’inflation faible persistante et de taux de croissance démographique plus faibles. Des courbes plus plates sont plus susceptibles de s’inverser sans que cela signe nécessairement une récession à venir, explique Vox.