“L’économie des petits boulots précarise une cohorte d’indépendants”

L’expansion de la « gig economy » (« l’économie des petits boulots ») menace de contraindre de plus en plus d’indépendants de travailler dans des conditions humiliantes pour des clients trop exigeants. C’est ce qu’affirme Andrew Hill dans le Financial Times. Il compare la situation des freelances de l’économie des petits boulots à celle des actrices qui ont été harcelées par le producteur américain Harvey Weinstein.

L’expansion de la « gig economy » (« l’économie des petits boulots ») menace de contraindre de plus en plus d’indépendants de travailler dans des conditions humiliantes pour des clients trop exigeants. C’est ce qu’affirme Andrew Hill dans le Financial Times. Il compare la situation des freelances de l’économie des petits boulots à celle des actrices qui ont été harcelées par le producteur américain Harvey Weinstein.

Il donne quelques exemples : les conducteurs qui travaillent pour Uber s’abstiennent de formuler les critiques qu’ils pourraient faire à l’encontre de passagers désagréables pour s’assurer de conserver leur note de cinq étoiles. De même, on demande parfois à des photographes, des designers ou des rédacteurs de travailler gratuitement en leur promettant que leurs œuvres seront exposées et qu’ils bénéficieront de ce fait d’une meilleure visibilité.Les donneurs d’ordres seront de plus en plus tentés d’utiliser leur pouvoir et leur impunité pour exploiter les freelances qui dépendent de leurs faveurs. En quittant les entreprises, les indépendants ont aussi quitté la sécurité d’un emploi à plein temps et d’un règlement intérieur. Même si ces sécurités ne sont pas totales en réalité, la liberté conférée par le statut de freelance augmente la précarité de ces professionnels qui doivent toujours rechercher un nouveau donneur d’ordre.

D’ici  ans, les indépendants représenteront 50 % de la main d’oeuvre américaine

Une étude commandée par la Freelancers Union et Upwork, a montré que les freelances représenteront plus de la moitié de la main-d’œuvre américaine d’ici 2027. Les travailleurs sont de plus en plus nombreux à choisir cette voie de leur plein gré, plutôt que d’y être contraints par des circonstances particulières.Selon Sarah Horowitz, une fondatrice de Freelancers Union, « beaucoup de femmes et de personnes de couleur expliquent que l’une des raisons pour lesquelles elles adorent être freelances est que ce statut leur permet de claquer la porte lorsque quelqu’un commence à les harceler ou les discriminer ». La possibilité d’éviter les clients trop exigeants serait donc l’un des grands avantages de ce statut.Selon Stephane Kasriel, CEO d’Upwork, les plateformes de mise en relation des freelances avec des clients potentiels comme la sienne, sont plus transparentes que le marché du travail traditionnel. En effet, elles permettent éventuellement aux freelances de dénoncer les mauvaises pratiques d’un client abusif. Or, en pratique, les choses sont tout à fait différentes. Les freelances sont plutôt incités à laisser des notes flatteuses à leurs gros clients, pour s’assurer que ceux-ci leur redonneront du travail par la suite.

La volatilité des revenus

Car l’écueil de ce type d’emploi, c’est la volatilité du revenu. L’année dernière, une enquête du Financial Times sur les « gig consultants » de Grande-Bretagne avait montré qu’ils étaient généralement plus heureux que les consultants employés par une entreprise, sauf en ce qui concernait leur sécurité financière et leurs avantages. Les deux tiers des freelances américains rapportent qu’ils sont obligés de puiser dans leurs économies au moins une fois par mois, pour joindre les deux bouts.Pour éviter de se trouver aussi vulnérables, les indépendants doivent tenter de multiplier les clients pour éparpiller les risques. Ils peuvent également se spécialiser et aiguiser leurs compétences pour se rendre uniques.Mais selon Andrew Hill, les politiciens ont aussi un rôle à jouer. Ils devraient leur offrir une meilleure protection. À New York, le Freelance Isn’t Free Act est entré en vigueur cette année. Cette loi garantit aux travailleurs indépendants le droit d’obtenir un contrat écrit, des règlements à échéance, et les protège contre la rétorsion.Il est aussi dans l’intérêt des entreprises de développer une relation équilibrée avec les freelances. Le monde est de plus en plus difficile à prédire, et dans ce contexte, il devient de moins en moins judicieux de développer des compétences très spécialisées en interne. Les entreprises devront donc prendre l’habitude de développer des réseaux de spécialistes indépendants.