Il y a un Google de la mode, et son potentiel est énorme

Alexandra Van Houtte, une Franco-britannique de 29 ans, explique qu’elle a créé le site de mode Tagwalk pour gagner du temps. En 2016, alors qu’elle était assistante styliste, elle devait souvent chercher des looks ou les noms de nouveaux mannequins sur internet, ce qui lui prenait des heures. Elle s’est donc demandé comment elle pouvait améliorer ce travail fastidieux.

C’est ainsi qu’elle a eu l’idée de créer ce que le Figaro et le Financial Times ont surnommé “le Google de la mode”, un moteur de recherche qui permet de sonder une base de 128 000 images que les utilisateurs peuvent retrouver en employant plus de 2800 mots clés associés aux références du monde de la mode : marque, saison, ville, tendance, couleur, tissu ou style.

Une véritable startup…rapidement remarquée

Pour le financer, Van Houtte a mis son appartement en location sur AirBnb, et au début, elle “taggait” elle-même chaque image manuellement. Désormais, cette tâche est réalisée par des algorithmes d’intelligence artificielle, mais supervisée par des humains avant mise en ligne.

Tagwalk a suscité beaucoup de scepticisme, en particulier de potentiels investisseurs. Ils ne voyaient pas l’étendue du public auquel un tel outil pouvait s’adresser, réduisant son usage à des blogueurs, des assistants stylistes, ou des petites marques de la mode, le réduisant ainsi à une activité de niche.

Toutefois, Carmen Busquets, une femme d’affaires vénézuélienne qui est aussi l’investisseur providentiel (“business angel”) du site de vente en ligne de mode haut de gamme Net-a-Porter, a rapidement compris le potentiel de Tagwalk. Elle a investi des capitaux dans l’entreprise alors qu’elle n’existait que depuis deux mois.

4 sources de rémunération

L’utilisation du site est totalement gratuite, et l’entreprise n’impose pas de de frais d’abonnement à ses 25 000 utilisateurs, ni de publicité. Elle se rémunère d’abord en proposant aux marques de connaître les nouvelles tendances, en se basant sur la croissance des médias numériques et des médias sociaux. Elle offre aussi la possibilité aux visiteurs du site d’acheter des “looks” qu’elle recommande, et se fait rétribuer par ces dernières pour cette promotion (liens affiliés).

Elle permet également aux petites maisons de couture qui ne font pas de défilé d’être présentes dans sa base de données aux côtés des plus grands noms, et d’acquérir ainsi une visibilité auprès des stylistes et des éditeurs de mode. Il en coûte 150 euros pour figurer dans la base de données aux côtés de plus grandes maisons, qui elles, payent 450 euros, mais cette présence peut faire toute la différence.

Mais pour Tagwalk, c’est le minage (data mining) et la vente de l’analyse des données qui recèle le plus gros potentiel. Car même si la base des utilisateurs est relativement réduite, elle est surtout composée d’influenceurs, et l’accès à leurs habitudes est une mine d’or pour pour les entreprises du secteur qui souhaitent mieux les connaître.

Le potentiel énorme du data mining

C’est ce qu’explique Rosh Mahtani, fondatrice d’Alighieri, une marque de bijoux vendus sur Net-à-Porter : “Une semaine après m’être inscrite sur Tagwalk, j’ai reçu des demandes éditoriales d’acteurs importants d’un autre niveau du secteur, ceux qui se trouvent dans une bulle que je n’étais jamais parvenue à percer avant. Mais la partie la plus intéressante de ce partenariat est celle des données. Un aperçu des tendances de ce qui intéresse les gens sur Tagwalk, ou des mots clés populaires, m’ont aidé à définir mes prochaines étapes créatives et commerciales, du nombre de pièces à produire aux types de pierres ou de matériaux à utiliser”.

“Nous pouvons voir immédiatement, et dire à une marque, quels sont les looks les plus recherchés, par qui et dans quels pays, ainsi que la façon dont la collection d’une marque s’est comportée par rapport aux autres marques », explique Van Houtte. “Je peux par exemple alerter un client sur les tendances qui marchent le mieux au sein de sa marque”. “Nous pensons que c’est une idée simple mais avec un potentiel révolutionnaire”, conclut-elle.

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