‘Il y a assez de raisons pour considérer le sucre comme une drogue’

La société doit traiter le sucre comme une drogue au même titre que l’alcool et le tabac, pense l’expert en médecine Robert Lustig de l’Université de Californie. Lustig défend cette thèse dans deux articles scientifiques (PDF) et dans une interview sur Vox.

Tout d’abord, Lustig insiste sur le fait que la capacité de l’homme à métaboliser (c’est-à-dire transformer une substance dans un organisme vivant au cours d’un métabolisme) le sucre est limitée. Une dose moyenne de 6 à 9 cuillères à café de sucre par jour ne pose aucun problème, mais consommer plus de sucre que cela (les Américains en consomment en moyenne 22 cuillères à café par jour) est une cause d’obésité, de diabète, de maladies cardiaques, de cancer, de démence, de maladies du foie et d’autres pathologies.

Les entreprises qui produisent des aliments ajoutent également des doses massives de sucre à leurs produits car ils savent que les gens consomment alors davantage. Les consommateurs, tout comme des drogués, se retrouvent ainsi face à de graves problèmes de sevrage lorsqu’ils cherchent à se défaire de leur habitude après avoir consommé du sucre de manière excessive pendant une longue période. Une consommation excessive de sucre peut donc être parfaitement comparée à une consommation abusive de drogue, estime le scientifique.

Lustig voit le sucre comme une substance addictive pouvant grandement mener à un abus que l’on peut se procurer partout et qui a une influence particulièrement néfaste sur la société. De ce fait, il pense que le sucre devrait être une substance contrôlée, taxée et dont la distribution serait soumise à des règles sans pour autant l’interdire. Pour Lustig, l’interdiction totale du sucre mènerait à des situations comparables à l’époque de la prohibition, souligne l’expert médical.

La plupart des gens pensent que le sucre peut être dangereux (selon un sondage récent du Wall Street Journal, 15% de la population américaine le considèrent plus dangereux que le tabac, l’alcool et le cannabis). Toutefois, l’idée d’une taxation plus importante du sucre ou d’une réglementation plus stricte à ce propos passe cependant très mal auprès de nombreuses personnes. A cela, Lustig répond : pratiquez la politique de la carotte et du bâton.

Par cela, il veut dire que les gens peuvent être incités à changer leur comportement si on stigmatise le caractère néfaste de leurs habitudes (le bâton) et si on les encourage à mieux se comporter (la carotte). C’est pourquoi il suggère de combiner une taxation du sucre et des subsides pour des aliments sains.

Lustig conclut : « De toutes sortes de manières, nous limitons l’abus d’autres drogues : nous augmentons leur prix et nous limitons la possibilité de s’en procurer. A propos du sucre par contre, nous ne faisons rien. Nous en donnons aux nouveau-nés et aux enfants. Nous offrons des sucreries lors des anniversaires et à l’école. Entrez dans n’importe quel supermarché et vous entendrez plein d’enfants geindre pour avoir un bonbon. Nous sommes une nation de drogués ».