La tentative du duo Dewael (Open VLD) – Laruelle (MR) pour former un ‘gouvernement d’urgence’ s’est écrasée devant un nouveau refus du CD&V, mais aussi du sp.a. Coupables? Possible. Ça dépend de quel point de vue on se place. En tout cas, les démocrates-chrétiens et Koen Geens contre-attaquent: une réforme de l’État est sur la table, et en conséquence le retour de la N-VA.
Pour comprendre ce qui s’est joué, il convient de revenir sur cette semaine mouvementée, après une période de mutisme. Le duo de missionnaires avait un plan en tête: faire transiter le gouvernement en affaires courantes vers un gouvernement d’urgence, sous l’égide de la Première ministre Sophie Wilmès (MR). Le but? Mettre la pression sur le CD&V qui fait partie de ce même gouvernement Wilmès.
Les signaux étaient positifs:
- Dewael et Laruelle avaient l’accord des Verts (Ecolo/Groen) et du PS. Restait à convaincre encore et toujours le CD&V.
- Un gouvernement d’urgence ou une coalition Corona avait même été évoqué par Joachim Coens, président des démocrates-chrétiens.
- Le duo ne travaillait pas sur un texte précis, un choix assumé pour ‘ne pas être coincé’ et ‘faire les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs’.
Mais rapidement, le plan parfait s’enraye.
- Ne pas parler de contenu a passablement ennuyé les socialistes flamands. Ils ont senti aussi qu’ils ne faisaient pas partie des priorités. Or le jeune président du sp.a Conner Rousseau a répété que son parti n’entrerait pas dans un gouvernement où il n’était pas nécessaire.
- Du côté du CD&V, sans avoir explicitement dit ‘non’ durant toute la semaine, ce n’était clairement pas un ‘oui’ non plus. Joachim Coens était certainement celui qui laissait le plus la porte ouverte, mais il n’est pas seul à décider. Le parti est divisé sur ce qu’il faut faire, et Hilde Crevits et Koen Geens ont un autre plan en tête.
Sentant le soufre monter, le duo de missionnaire corrige quelque peu son approche. Il est maintenant question de travailler sur un texte. À la surprise de quelques négociateurs impliqués. Une sorte de note sur le budget, les réformes socio-économiques et sur la migration. En plus d’un résumé de toutes les autres notes des précédentes tentatives. Le but était d’en discuter ce week-end, mais elle a fuité un peu partout ce vendredi. Le CD&V ne comptait pas se présenter.
- S’en suit une communication qui n’a pas plu à tout le monde à coup de GIFs impliquant des programmes TV flamands dont la Flandre a le secret. Conner Rousseau dégaine, Koen Geens réplique. Ça pourrait presque être fun si on n’était pas à plus d’un an sans gouvernement fédéral de plein pouvoir.
- Entre les lignes, le président des socialistes veut parler programme. Geens lui répond qu’il aurait pu bouger. Après tout un gouvernement d’urgence peut se faire sans le CD&V. Chacun tente d’éviter le poids de la crise.
- Tous les deux responsables? Si on se place du point de vue du duo de missionnaires, oui. Mais à leur décharge, un gouvernement d’urgence n’est qu’une Vivaldi déguisée. Au sein même de l’Open VLD, certains le reconnaissent: ‘Un gouvernement est un gouvernement, avec une majorité à la Chambre.’ Mettre le CD&V dos au mur n’a jusqu’ici pas fonctionné. Avoir quelque peu délaissé le sp.a s’est avéré aussi une erreur.
Entre-temps, le CD&V a envoyé des messages variés. Mais l’un d’entre eux a particulièrement éveillé l’attention. Le plaidoyer de Koen Geens pour une réforme de l’État.
- Pour donner un avenir à ce pays, il veut une nouvelle réforme de l’État, comme ont pu les réaliser ses prédécesseurs du CVP.
- Une sortie publique pas sans conséquence: il est presque inévitable que dans un tel processus, la N-VA, exclue du jeu, fasse son grand retour. ‘Le communautaire a toujours été à l’agenda du CD&V’, a expliqué Geens à Terzake si son point de vue n’était pas assez clair. Ce qui est tout à fait factuel.
- Une négociation est-elle en vue? Le CD&V va-t-il conditionner sa participation à un gouvernement avec des garanties institutionnelles? La RTBF a recueilli les propos d’un CD&V après l’échec du gouvernement d’urgence: ‘C’est trop tôt pour nous.’
- Pour une autre source, on suppose libérale, le CD&V est maintenant coincé: ‘Il n’y a plus aucun scénario où le CD & V ne perd pas la face. Ils auraient pu monter dans un gouvernement Vivaldi, dans une coalition ‘reboot’, se servir du prétexte coronavirus, faire un gouvernement d’urgence. Mais ils ne l’ont pas fait. Donc, peu importe ce qu’ils feront, ce sont eux qui devront mettre genou à terre: soit les élections, soit un gouvernement sans la N-VA.’
‘Pas de panique’
De l’autre côté de la frontière linguistique, un revenant est venu mettre son grain de sel: Yves Leterme (CD&V) pour qui le duo Di Rupo-Jambon, respectivement ministre-présidents de la Wallonie et de la Flandre (coucou Bruxelles) doivent prendre en main la suite des opérations.
- Un Di Rupo qui fait une sortie ce samedi dans le quotidien le plus lu de Flandre, Het Laatste Nieuws: ‘Ne dramatisons pas la situation inutilement. Bien sûr, la crise est sérieuse, mais elle n’est pas plus inquiétante qu’il y a dix ans. Pendant ces 541 jours sans gouvernement, combien de fois n’avons-nous pas lu que la fin de la Belgique était proche? Surtout en Flandre. Eh bien, cela s’est avéré assez facile après.’
- L’ancien président des socialistes, décrit comme plus modéré que son successeur, et plus à même de faire des deals, continue toutefois à jeter des ponts pour une Vivaldi: ‘Nous avons réalisé la sixième réforme de l’État avec un gouvernement de socialistes, libéraux et démocrates-chrétiens et 22 milliards épargnés. Et lors des élections de 2014, CD&V, Open Vld et sp.a ont été récompensés avec 140.000 électeurs supplémentaires. Ce que je veux juste dire: il n’y a vraiment aucune raison de désespérer. Il ne faut jamais désespérer.’
La question est maintenant de savoir ce que va faire le duo de missionnaires. Le roi n’a pas anticipé une rencontre un vendredi soir, comme il l’avait fait pour les deux précédents échecs. Officiellement, Laruelle et Dewael doivent se rendre au Palais ce lundi.
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