Ce n’est pas Emmanuel Macron, mais l’érosion de l’influence de la politique sur nos vies qui est la cause du mouvement de protestation des gilets jaunes.
Alors que dans plusieurs villes françaises les blocus des gilets jaunes se poursuivent et causent des nuisances, le Premier ministre Edouard Philippe a imposé un moratoire de six mois sur les taxes supplémentaires que son gouvernement voulait imposer sur les carburants à partir du 1er janvier. Il s’agit d’un «signe de bonne volonté» pour tenter de sortir de l’impasse, mais ce geste a déjà été mal reçu par l’opposition. Celle-ci ne veut rien savoir d’un moratoire, et exige l’abolition pure et simple.
Macron est un symptôme, et non la cause d’un phénomène global
Les politiciens ont de plus en plus de mal à accepter la diversité des exigences (souvent incohérentes) des «gilets jaunes». Ils ne protestent pas uniquement contre les taxes sur les carburants, mais exigent également la destitution du gouvernement Macron (qui pourrait être remplacé par un général d’armée…), la pension à 60 ans, etc.
Emmanuel Macron est maintenant confronté à une situation qu’il a parfaitement jugée lorsqu’il a déclaré que la France était « non réformable ». En conséquence, la société française se radicalise de plus en plus. La position affaiblie de Macron, à son tour, a des conséquences sur la réforme de la zone euro et Macron menace de devenir le troisième président français mis en échec.
Ou bien ne serait-ce pas Macron, mais l’influence déclinante de la politique sur nos vies, qui serait la cause du mouvement de protestation des gilets jaunes ?
Il y a plus d’un an, le journal français Le Figaro avait publié un article d’opinion (accès payant) dans lequel le professeur Olivier Babeau et le business angel Laurent Alexandre tentaient de répondre à cette dernière question.
Pas Paris ou Bruxelles, mais la Silicon Valley
Le duo explique que les règles qui encadrent nos existences sont désormais plus souvent issues de la Silicon Valley, plutôt que de nos parlements. Nos codes et nos législations n’ont plus qu’une influence limitée sur les médias, comparée à celle du prisme que Google et Facebook nous ont imposés. L’intelligence artificielle d’Amazon est maintenant bien plus déterminante que le code de la concurrence. Et à l’avenir, les algorithmes de Deepmind-Google et de Baïdu supplanteront le code la santé publique.
Le protectionnisme est condamné
Le protectionnisme est condamné, car dans quelques années, l’intelligence artificielle, sera encore plus précise et plus efficaces, et dans bien des domaines, elle sera définitivement meilleure que l’humain. Le médecin cancérologue, qui n’assurera encore un taux de survie que de 70 %, sera boudé au profit des algorithmes de Google, qui pourront guérir les tumeurs dans 95 % des cas.
« Les marges de manœuvre de nos politiques sont limitées. Le vote extrême [en Europe] qui prend des proportions si inquiétantes en France peut être interprété comme la réaction désespérée d’une population qui sent que le pouvoir échappe aux institutions traditionnelles. L’État sert aujourd’hui avant tout à assurer l’ordre public et à redistribuer pour compenser tant bien que mal le décrochage d’une partie de la population. Il n’indique pas de cap et ne décide pas l’avenir, mais s’efforce de jouer la voiture-balai pour les perdants de la mondialisation« , écrivent les 2 auteurs.
L’Etat doit se transformer en une machine privilégiant l’innovation
Ils n’envisagent donc qu’une seule piste possible :
« Notre État doit faire sa révolution face au numérique en pilotant l’introduction de la «cognitique» (capacité d’absorption et de traitement du savoir) de tous les secteurs essentiels, mais en particulier de l’éducation et des soins de santé. Il doit se transformer en machine à favoriser l’innovation, en créant notamment des régulations intelligentes et ouvertes qui soient autre chose que des lignes Maginot protégeant les acteurs historiques. Son fonctionnement et ses institutions sont à revoir. »