Adieu Groningue : le plus grand gisement de gaz d’Europe ferme aujourd’hui

Le champ de gaz de Groningue, le plus grand d’Europe, a officiellement fermé aujourd’hui. En 2024, les puits seront démantelés : sa fermeture sera alors définitive. Mais comment le gisement de gaz a-t-il été découvert et que représentait-il pour les Néerlandais ?

Pourquoi est-ce important ?

Le champ gazier de Groningue a contribué depuis des décennies à la prospérité de nos voisins du nord. Mais à un prix très élevé : dans certaines parties de la région, l'extraction de gaz naturel a provoqué de nombreux tremblements de terre. Cela a non seulement endommagé des milliers de maisons, mais a également affecté la santé des habitants. Le gouvernement néerlandais doit débourser des dizaines de milliards pour réparer les dégâts. C’est pour cette raison qu'il a décidé de le fermer définitivement.

Initialement, on ne le pensait pas si grand

Le tout début : le gisement de gaz de Groningue a été découvert en 1959 près de la commune de Slochteren. 

  • Au départ, on pensait que la bulle de gaz n’était pas très étendue. Mais en 1960, du gaz naturel présentant des propriétés similaires a également été découvert dans la commune voisine de Delfzijl. On a alors réalisé que les possibilités étaient bien plus grandes que prévu. 
  • Le gouvernement néerlandais en a été rapidement informé, mais il a d’abord gardé la découverte secrète du grand public. De peur que des sociétés étrangères ne l’exploitent. Pourtant, plusieurs personnes, dont l’eurodéputé belge Victor Leemans , ont appris l’existence du gisement. En octobre 1960, Leemansen a parlé dans un discours prononcé devant le Parlement européen à Strasbourg. Il évoquait alors la découverte de 300 milliards de mètres cubes de gaz naturel près de Slochteren.
  • Le gouvernement néerlandais a été contraint de réagir. Mais il a d’abord minimisé la taille du gisement, en parlant d’environ 60 milliards de mètres cubes. En interne, on l’évaluait plutôt à 100 milliards. 
  • Par la suite, il s’est avéré que ces estimations avaient été finalement très prudentes. En 1963, on s’est rendu compte que le gisement atteignait déjà les 1.110 milliards de mètres cubes. Après, on a encore fait d’autres découvertes. Au final, il est apparu que le gisement de Groningue contenait pas moins de 2.700 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
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Le syndrome hollandais apparu avec le gaz de Groningue

La transformation : L’énorme taille du gisement de gaz a bouleversé l’économie néerlandaise.

  • Les revenus du gaz naturel provenant du champ de Groningue étaient répartis entre la Nederlandse Aardolie Maatschappij (NAM), une société détenue par Shell et Esso, et l’État néerlandais. Au total, plus de 400 milliards d’euros de bénéfices ont été réalisés depuis les années 1960, corrigés de l’inflation. 85% de cette somme sont allés à l’État néerlandais, le reste à la NAM. Tout cet argent a permis d’étendre considérablement l’État-providence néerlandais. 
  • Mais en même temps, la région est devenue victime de son propre succès. Alors que les dépenses publiques en 1970 représentaient encore 45% du PIB, ce chiffre est passé à 60% une décennie plus tard. Dans le même temps, aucun fonds distinct n’a été créé pour gérer les revenus du gaz naturel, comme cela a été le cas en Norvège par exemple. 
    • Ce fonds souverain, le plus important au monde, vaut aujourd’hui plus de 1,3 billion d’euros. Seul le rendement annuel est dépensé, il continue donc de croître. 
    • Cela ne s’est pas produit aux Pays-Bas : l’argent du gaz naturel s’est progressivement épuisé.
  • The Economist l’a bien résumé dans un article de 1978 : les Pays-Bas souffraient du « syndrome hollandais ». Les fortes ventes de gaz naturel ont également fait augmenter la valeur de la monnaie néerlandaise. Paradoxalement, la compétitivité et les exportations du pays ont chuté. Résultat : une production économique en baisse et une hausse du chômage. C’est pour cette raison qu’il a été décidé par la suite de créer des fonds, tels que le Fonds de renforcement de la structure économique (FES). Mais jamais à une échelle comparable à celle de la Norvège.

Tremblements de terre

Le début de la fin : le coût total du gisement de gaz commence seulement à être connu.

  • L’extraction du gaz a provoqué un affaissement du sol dans la région de Groningue. Depuis les années 1990, cela a conduit à des tremblements de terre qui ont endommagé d’innombrables maisons et la santé (mentale) de dizaines de milliers de personnes. C’est pour cette raison qu’il a été décidé en 2014 d’abandonner progressivement l’exploitation du gisement. L’État néerlandais devra verser au moins 22 milliards d’euros aux provinces de Groningue et de Drenthe pour compenser les dégâts.
  • La production a été progressivement réduite au cours des années suivantes. De plus de 50 milliards de mètres cubes par an en 2013, elle est passée à 21,6 milliards en 2016. Après un autre tremblement de terre majeur début 2018, les plans de fermeture du champ de Groningue se sont accélérés. 
  • Depuis 2022, le gisement est en veilleuse. Juste assez de gaz naturel est extrait pour maintenir les puits opérationnels. Soit environ 2,8 milliards de mètres cubes par an.
  • À partir d’aujourd’hui, le champ ne sera même plus en veilleuse. On ne produira plus de gaz à Groningue pour la première fois depuis les années 1960. Si les températures sont exceptionnellement basses cet hiver, il sera encore possible de rallumer la veilleuse dans quelques endroits. Cela ne sera plus possible l’année prochaine : les puits seront complétement démantelés.

(OD)

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