La fusion nucléaire représente le Graal de notre éternelle quête d’énergie : la puissance du soleil contenue dans une réaction nucléaire qui ne produirait pas les encombrants déchets toxiques de nos centrales actuelles. Un rêve qui ne semble plus si loin de se concrétiser, mais dont la première application sera probablement loin au-dessus de nos têtes.
Dans l’actualité : la construction du premier grand exemplaire de moteur de fusée utilisant la fusion nucléaire comme mode de propulsion a commencé à Bletchley, au Royaume-Uni. C’est l’œuvre de la compagnie Pulsar Fusion, qui veut prouver que cette technologie – qu’on ne maitrise pas encore véritablement sur Terre – pourrait nous ouvrir toutes les portes du système solaire.
Mars en un mois, Saturne en deux ans
La fusion nucléaire consiste, comme son nom l’indique, à faire fusionner des atomes, qui libèreront ainsi des quantités phénoménales d’énergie qu’il faut ensuite canaliser à l’aide d’un plasma électrique ultra-chaud. Or générer un tel plasma demande pour l’instant une telle quantité d’énergie que la réaction n’est pas rentable. Ou presque, car certaines expériences récentes arriveraient à franchir la frontière du rendement positif.
Mais ce système de production d’énergie fonctionnerait peut-être beaucoup mieux dans l’espace, estiment des firmes telles que Pulsar Fusion et son partenaire Princeton Satellite Systems. Car si, sur Terre, les réacteurs de fusion nucléaire doivent être équipés de turbines à vapeur géantes pour convertir l’énergie générée en électricité, là-haut, au loin, ça ne sera pas nécessaire. Il « suffira » d’évacuer cette énergie directement hors du vaisseau pour propulser ce dernier. De plus, le froid de l’espace permettra de limiter le besoin de systèmes de refroidissement. On parle de moteur à fusion directe, quand c’est l’énergie de la fusion elle-même qui crée la poussée qui fait avancer la fusée, plutôt qu’une conversion en électricité – ou, plus classiquement, une réaction chimique.
800.000 km/h
Un système qui nous permettrait d’accélérer considérablement, et qui devrait permettre d’atteindre Mars en seulement 30 jours plutôt qu’en sept mois depuis la Terre, et Saturne en deux ans. Les fusées équipées de cette technologie pourront atteindre des vitesses de l’ordre de 800.000 kilomètres par heure.
Tout ceci reste bien sûr assez théorique, mais James Lambert, directeur financier de Pulsar Fusion, compte bien expérimenter la pratique : « La difficulté consiste à apprendre comment maintenir et confiner le plasma ultra-chaud à l’intérieur d’un champ électromagnétique. Le plasma se comporte comme un système météorologique, c’est-à-dire qu’il est incroyablement difficile de le prévoir à l’aide des techniques conventionnelles. »
D’où la nécessité de tester en conditions (quasiment) réelles : la firme de Bletchley a commencé la construction d’un moteur dont la chambre, d’une longueur de 8 mètres, devrait être mise à feu en 2027. Si les scientifiques parviennent à tout faire fonctionner comme prévu, elle abritera des températures de l’ordre de plusieurs centaines de millions de degrés, qu’il faudra maintenir confinées. Bien sûr, pas question de tenter ça au hasard, et c’est le rôle de Princeton Satellite Systems d’établir des modèles de deep learning grâce aux intelligences artificielles afin de simuler les scénarios possibles.
« La fusion est inévitable pour notre évolution dans l’espace »
« Il faut se demander si l’humanité peut faire de la fusion. Si nous n’y parvenons pas, tout cela n’a aucune importance. Mais si nous le pouvons – et nous le pouvons – alors la propulsion par fusion est totalement inévitable. Elle est irrésistible pour l’évolution humaine de l’espace. »
Richard Dinan, PDG de Pulsar Fusion, cité par TechCrunch
Reste à voir ce que donneront les expériences menées à Bletchley avant de rêver à des fusées parties à toute vitesse vers les confins du système solaire. Mais rappelons que c’est bien à Bletchley Park, dans la même petite ville de Grande-Bretagne, que les scientifiques alliés ont plusieurs fois changé le destin du monde durant la Seconde Guerre mondiale. C’est un patronage solide, pour les découvertes à venir dans cette petite ville du Buckinghamshire.