L’économie de la France désormais plus performante que celle de l’Allemagne

La guerre commerciale engagée par la Chine et les Etats-Unis a une conséquence inattendue : elle a inversé les rôles entre l’Allemagne et la France. La première, qui semblait invulnérable, connait maintenant un ralentissement de son économie. La seconde, en revanche, semble tirer son épingle du jeu. 

En effet, les exportations, en particulier dans les secteurs de l’automobile et des biens d’équipement, ont toujours été le ressort de l’économie allemande, et ont largement alimenté sa prospérité. Les exportations représentent 47 % du PIB en Allemagne, contre seulement 30 % en France. Pendant des années, les entreprises allemandes ont donc largement profité de l’essor de la croissance mondiale, qui a hissé leurs exportations à des niveaux historiques. En revanche, la France, don l’économie était beaucoup centrée sur son marché intérieur, était à la traîne.

L’impact du ralentissement chinois sur les exportations allemandes

Mais la guerre commerciale a déclenché un ralentissement de la Chine, et en conséquence, les exportations allemandes à destination de ce pays se sont contractées. Le secteur allemand de l’automobile a vu sa production chuter de 12 % en un an. Or, celle-ci représente 4,6 % de la valeur ajoutée du pays, alors qu’en France, ce ratio n’est que de 0,4 %.

Ironiquement, la France n’a pas été affectée par le ralentissement de l’économie chinoise ; au contraire, les Chinois les plus aisés ont augmenté leur consommation de produits de luxe et de consommation français. La consommation des ménages s’est bien maintenue, de même que les dépenses d’investissement.

En conséquence, nos voisins du Sud ont pu maintenir une croissance de 1,3 % par an au mois d’août, alors que l’Allemagne est en récession. Au cours de la même période, l’indice français des directeurs d’achats de services IHS Markit a culminé à 53,4, son cinquième mois consécutif au-dessus du niveau de 50 points. Dans le même temps, en Allemagne, la production industrielle a reculé en juillet de 0,6 %, un chiffre encore pire que prévu. Le chômage français, bien qu’encore très élevé – il dépasse les 9 % – a chuté à son plus bas niveau en dix ans. Et alors que le nombre de start-ups françaises est en forte hausse depuis plus de trois ans, en Allemagne, ce nombre  est en baisse.

Des politiques économiques opposées

Mais selon Katharina Utermöhl, économiste senior pour l’Europe chez Allianz, c’est plus la faiblesse conjoncturelle de l’économie allemande qui est à l’oeuvre, plutôt qu’une amélioration de l’économie française. Elle rappelle que le secteur industriel pèse encore pour 23 % de la valeur ajoutée économique de l’Allemagne, contre 12 % pour la France.

En outre, les gouvernements respectifs des deux pays ont mené des politiques économiques quasiment opposées. Alors que l’Allemagne a toujours refusé de mener une politique de dépenses, le gouvernement français a consenti à ouvrir les cordons de la bourse du Trésor. Suite aux manifestations des Gilets Jaunes, il a injecté 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires et de réductions d’impôts. Ces mesures sont arrivées à point nommé, alors que le ralentissement de l’économie mondiale commençait à être manifeste.

La France ne doit pas crier victoire

Mais les Français ne doivent pas crier victoire pour autant. Rien n’indique que les bonnes performances de la France sont appelées à durer. Les analystes et les hommes d’affaires français soulignent d’ailleurs que le pays nécessite encore un grand nombre de réformes. Or, récemment, le président français Emmanuel Macron a eu tendance à renoncer à l’adoption de certaines d’entre elles, afin de ne pas mécontenter son électorat.

Il n’est pas évident non plus que la France pourra échapper encore longtemps au ralentissement de l’économie mondiale. Traditionnellement, le pays a toujours tendance à les subir avec un certain différé, observe  Michala Marcussen, Economiste en chef de Société Générale.

D’un autre côté, l’Allemagne demeure une superpuissance industrielle, dont les problèmes de nature commerciale pourraient n’être que passagers.

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