“Facebook s’est livré à une surveillance de masse de ses utilisateurs”

S’agit-il de la genèse d’un nouveau scandale Facebook, ou d’un épiphénomène destiné à faire flop? Une ancienne start-up, Six4Three, a déclaré dans un tribunal californien que Facebook utilisait ses applications pour se livrer à une « surveillance de masse » de ses utilisateurs et de leurs amis, incluant ceux qui ne se sont pas inscrits sur le réseau social.

La firme aurait écouté leurs conversations téléphoniques grâce aux micros de leur smartphone, lu leurs SMS, suivi leurs déplacements en activant à distance le Bluetooth, et accédé aux photos sur leur téléphone de façon routinière et parfois sans leur consentement explicite, entre 2013 et 2015.

Facebook aurait abusé des développeurs d’applications tierces

Six4Three reproche à Facebook d’avoir trompé les développeurs d’applications en les encourageant à créer des applications sur la promesse qu’ils auraient accès aux données personnelles des utilisateurs. Facebook les aurait également obligés d’acheter des publicités coûteuses pour son application mobile, que la firme cherchait à installer sur le marché, toujours avec la même promesse. Mais en 2015, Facebook a suspendu cet accès.

Or, à cette époque, Six4Three proposait une application appelée Pikinis, qui permettait aux utilisateurs de retrouver facilement les photos de leurs ami(e)s en maillot de bain. Mais cette application n’a pas rencontré le succès escompté, et la décision de Facebook l’a achevée. C’est ce qui a motivé ses dirigeants à engager des poursuites contre Facebook dès le début de l’année 2015. D’après eux, 40.000 autres startups auraient subi le même sort.

Une surveillance de masse au travers des applications tierces

« Zuckerberg a utilisé les données personnelles d’un tiers de la population de la planète comme une arme pour masquer le fait qu’il avait échoué à effectuer la transition de l’exploitation de Facebook des ordinateurs de bureau aux publicités mobiles avant que le marché ne découvre que les projections financières de Facebook présentées dans les documents liés à son introduction en bourse en 2012 étaient fausses », indique le dossier de plainte.

Dans son dépôt de plainte, Six4Three affirme que Facebook a continué discrètement à exploiter les informations privées de ses utilisateurs, et « a exploré et mis en place des moyens pour suivre la localisation des utilisateurs, pour trouver et lire leurs textes, pour accéder et pour enregistrer les conversations sur les micros de leur téléphone, pour suivre leur utilisation des applications de la concurrence sur leur téléphone, et pour suivre et surveiller leurs appels ».

En particulier, elle affirme que Facebook mettait sur écoute les utilisateurs de téléphone Android sans avoir obtenu le consentement de certains d’entre eux. Facebook ne leur précisait pas non plus qu’elle avait la capacité de lire leurs SMS sur les téléphones Android, et se contentait d’indiquer qu’elle se connectait au journal des SMS pour faciliter leurs connexions.Selon la start-up, Facebook aurait également menti sur la manière dont elle accédait aux albums photos des iPhones, « ce qui signifie que si un utilisateur à une application Facebook installée sur son iPhone, alors Facebook peut accéder et analyser les photos que l’utilisateur prend et/ou conserve sur son iPhone ».

Des conditions générales caduques

En mars dernier, Facebook a déclaré que son application se connecte uniquement aux appels et aux SMS des utilisateurs de ses applications Messenger ou Facebook Lite. La firme a précisé qu’elle application ne consulte que les informations de contact, et non le contenu des appels ou des SMS.

Facebook aurait également commandé le développement de conditions générales caduques, avec une date d’expiration assez courte. Celle-ci n’était pas mise en évidence pour les utilisateurs, afin qu’il la laissent expirer à leur insu. Dans le dépôt de plainte, il est indiqué que « Facebook avait donné des indications partielles à cette époque concernant ses conditions générales, mais n’avait pas totalement révélé qu’elle s’était arrangée pour que certaines clauses expirent après un certain temps ».

Toujours selon la start-up, Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, supervisait lui-même ce programme de surveillance, comme le montrent des e-mails confidentiels l’impliquant, ainsi que ses plus proches collaborateurs.

Des rumeurs…

Des rumeurs circulaient déjà concernant une possible mise sur écoute des utilisateurs. En effet, certains utilisateurs de Facebook ont rapporté avoir été soumis à des publicités sur le site qui coïncidaient étrangement avec des conversations qu’ils avaient eues auparavant. Lors de son audition devant le congrès américain au mois d’avril, la question avait même été directement posée à Mark Zuckerberg, qui avait nié. 

Facebook réfute toutes ces accusations, et tente maintenant de bloquer les poursuites en invoquant une loi spécifique californienne, et en affirmant que certains détails énoncés dans le dépôt de plainte sont des secrets d’affaires qui ne doivent pas être ébruités. Elle observe également que c’est sa décision louable de « cesser de publier certains contenus générés par les utilisateurs sur sa plate-forme pour les développeurs d’applications tierces » qui est à l’origine de ces poursuites.

Nouveau scandale gigantesque ou épiphénomène ?

Reste à savoir si cette affaire a de quoi fournir la substance d’un nouveau scandale, et si les utilisateurs ne sont pas déjà totalement désabusés après le scandale Cambridge Analytica. Malgré le mouvement “Delete Facebook” (« supprimez Facebook ») qui appelait au boycott de l’application et qui a été créé par des utilisateurs indignés dans le sillage de ce scandale, Facebook a publié des résultats euphoriques le mois dernier, avec une progression de près de 50% de son chiffre d’affaires en un an.

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