Mark Zuckerberg, le CEO du média social Facebook, a déclaré dans une interview podcast de 90 minutes avec le Techblog américain Recode que les négationnistes de l’Holocauste ne devraient pas être bannis de son réseau parce qu’il pense que « des gens différents comprennent mal”.
Zuckerberg a utilisé l’Holocauste comme un exemple pour justifier que la page du blog conspirationniste Infowars sur Facebook puisse continuer d’exister. Infowars est bien connu des Américains parce qu’en 2012, ce le blog a diffusé l’information selon laquelle le massacre de Sandy Hook avait été mis en scène par l’administration Obama pour priver les Américains de leurs armes, et que des acteurs avaient été déployés pour cela. Les pages Facebook d’Infowars et de son CEO Alex Jones (photo ci-dessous) comptent plus de 1 million d’abonnés sur Facebook.
“Je pense que différentes personnes comprennent mal [l’Holocauste]”, a déclaré Zuckerberg. “Mais je ne pense pas qu’ils le comprennent mal délibérément. […] Je pense que la réalité, c’est que je dis aussi parfois des choses incorrectes, quand je parle publiquement. Je suis sûr que vous aussi, tout comme beaucoup de dirigeants et de personnalités publiques que nous respectons. (…) Donc, ce que nous faisons, c’est dire : “D’accord, vous avez votre page et tant que vous n’appelez pas à agresser quelqu’un d’autre, vous pouvez mettre votre contenu sur cette page, même si les autres ne sont pas d’accord ou peuvent le trouver offensant. Cela ne signifie pas, cependant, que nous avons la responsabilité de le diffuser largement dans le fil d’actualités.”
Ce n’est pas le travail de Facebook d’empêcher les gens de dire des choses qui sont fausses
Aux États-Unis, il y a eu une forte controverse au sujet de ces déclarations, ce qui a motivé Zuckerberg à adresser un courrier à Cara Swisher, la journaliste qui l’avait interviewé, pour clarifier ses positions.
“Personnellement, je trouve le déni de l’Holocauste profondément choquant, et je n’avais absolument pas l’intention de défendre l’objectif des gens qui le nient”, dit Zuckerberg, qui est lui-même d’origine juive. Mais selon lui, ce n’est pas le travail de Facebook d’empêcher les gens de dire quelque chose qui n’est pas vrai. “Mais d’un autre côté, je pense que nous avons aussi la responsabilité de reconnaître que les outils ne seront pas toujours utilisés pour de bonnes choses et que nous devons être là et être prêts à atténuer toutes les utilisations négatives, que ce soit le terrorisme ou les gens qui pensent à se faire du mal, ou au suicide et qui nécessitent une assistance rapidement, ou le harcèlement, ou l’interférence électorale, ou les fausses nouvelles”, selon la troisième personne la plus riche du monde. Selon Zuckerberg, l’une des principales tâches de Facebook est de “donner une voix aux gens”.
Zuckerberg recueille le soutien d’une série de journalistes qui défendent la liberté d’expression pour cette position. Ils soulignent que les personnes qui ont pu faire entendre leur voix sur Facebook et Twitter ont été à la base du printemps arabe. Donner à Facebook le pouvoir de décider ce qui est vrai et faux créerait un monde absolument ingérable.
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Facebook ne se place pas tant dans une position de censeur, que dans celle d’un pouvoir absolu
Le monde a poussé Facebook dans une impasse en confiant l’Internet à des entreprises qui vendent de l’attention aux annonceurs. Cela signifie que tout espoir d’un débat social sain a disparu des radars, parce que c’est le nivellement par le bas qui est devenu la règle, et non l’exception.
Facebook ne se place pas tant dans une position de censeur, que dans celle d’un pouvoir absolu. Cela donne à Zuckerberg & co la possibilité de supprimer totalement l’accès au canal de distribution le plus important à de nombreuses publications à tout moment.
“Garder la communauté en sécurité”
Le fait que Facebook veuille défendre la liberté d’expression honore la société, mais cette affirmation va à l’encontre d’une autre mission essentielle de l’entreprise : “préserver la sécurité de la communauté” (‘to keep the community safe’). Quoi qu’on en dise, Infowars et les négationnistes de l’Holocauste répandent la haine et cette haine s’est souvent traduite par de la violence.
Une solution à ce dilemme ne semble donc pas être pour demain, ni pour après-demain. Il reste que Facebook démontre une tolérance beaucoup plus grande pour les négationnistes de l’Holocauste que pour les crypto-monnaies.
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Mieux vaut pactiser avec le diable que l’on connaît qu’avec la Chine
Dans la même interview, on a demandé à Zuckerberg s’il ne serait pas préférable de démanteler sa société (Facebook est également propriétaire d’Instagram, Whatsapp, Messenger, …). L’homme a clairement eu le temps d’y réfléchir, compte tenu qu’on lui avait déjà posé la même question en mai au Parlement européen. Sa réponse a dû plaire à de nombreux d’Américains et à leur président :
“Je pense que vous posez cette question d’un point de vue politique, c’est-à-dire, voulons-nous que les entreprises américaines exportent à travers le monde ? (…) Si nous adoptons une position qui est la suivante : ‘D’accord, nous allons, en tant que pays, décider que nous voulons couper les ailes de ces entreprises et faire en sorte qu’il leur soit plus difficile d’opérer dans des endroits différents, où elles devraient être plus petites’, alors il y a beaucoup d’autres entreprises qui sont disposées et capables de reprendre le travail que nous faisons”, ou, plus clairement : “ Parce que je pense que l’alternative, franchement, ce sera les entreprises chinoises.”