L’économie russe a bien moins ralenti que ce qu’espéraient les hauts responsables européens, mais les sanctions occidentales agissent lentement et sûrement, avec de sombres perspectives pour le pays de Vladimir Poutine.
L’Europe est bel et bien en train de gagner la guerre économique avec la Russie

Pourquoi est-ce important ?
Presque un an jour pour jour après l'invasion de la Russie en Ukraine, les conséquences économiques pour Moscou semblent bien moindres que ce que l'on imaginait en février 2022. Et pourtant, l'économie russe commence bien à fléchir sous le poids de son isolement et des sanctions occidentales, qui n'ont montré leurs effets que très récemment.Zoom arrière : L’économie russe s’est contractée l’an dernier de 2,1 %, selon l’agence statistique du pays. Un chiffre largement inférieur aux prévisions qui misaient sur une chute de 12 % de son économie.
- Les analystes sont surpris par l’impressionnante résilience de l’économie russe malgré de lourdes sanctions occidentales.
Comment ? La résilience apparente de l’économie russe est due à plusieurs facteurs :
- Une composition particulière de l’économie russe, notamment la part importante du PIB générée par les entreprises d’État, qui semble la protéger à court terme des sanctions.
- La Russie a pu continuer à exporter de l’énergie – pétrole et gaz – pendant une bonne partie de 2022, les sanctions occidentales en la matière n’ayant pris effet que progressivement au cours de l’année.
- Et même après que ces sanctions sont entrées en vigueur, la Russie a trouvé des alternatives pour ses exportations, acheminant son pétrole brut bon marché vers la Chine et l’Inde.
- D’ailleurs, les prix élevés du pétrole, du gaz, des denrées alimentaires et des engrais ont également contribué à soutenir l’économie russe. Une augmentation des prix causée par la Russie elle-même, qui a diminué – voire parfois coupé – ses exportations vers l’Europe.
- Tout comme les dépenses militaires, qui ont occupé les usines du pays à fabriquer des armes plutôt que des voitures, par exemple. La sécurité militaire et l’administration publique ont ainsi connu une croissance de 4,1 % l’année dernière.
- De nombreuses multinationales se sont retirées de Russie, comme Nike, McDonald’s et Starbucks, mais des entreprises locales ont pris le relais, faisant davantage tourner l’économie russe.
- L’industrie manufacturière et le commerce de détail ont connu un déclin en 2022, mais l’agriculture, la construction et l’hôtellerie ont progressé, selon le service fédéral des statistiques de Russie.
Résultat : Selon le FMI, la Russie devrait connaître une (faible) croissance économique (+0,3 %) cette année malgré les sanctions occidentales, portée notamment par de solides exportations.
Des impacts à long terme
Sous le radar : Et pourtant, malgré les apparences, l’économie russe a entamé son déclin. Les sanctions occidentales n’ont commencé à avoir un impact sur l’économie russe que très récemment, des conséquences qui devraient s’inscrire dans le long terme.
- En janvier de cette année, les revenus russes provenant de la vente d’hydrocarbures ont dégringolé de près de 50 % par rapport à l’année dernière, résultats des sanctions sur le pétrole russe qui ne sont entrées en vigueur que depuis le 5 décembre.
- Le déficit budgétaire a atteint le chiffre record de 1.800 milliards de roubles (22,5 milliards d’euros) en janvier, les dépenses ayant augmenté de 58 % par rapport à 2022 alors que les recettes ont diminué de plus d’un tiers. Les revenus de la Russie devraient continuer leur chute libre dans les prochains mois, bien touchés par les sanctions européennes.
- Toujours en janvier, une étude du Centre for Research on Energy and Clean Air indiquait que le plafonnement du prix du pétrole russe à 60 dollars engendre des pertes de revenus de 160 millions d’euros par jour.
- De nouvelles mesures depuis le 5 février : l’Europe bloque désormais l’importation de produits pétroliers russes raffinés, impactant d’autant plus les revenus de la Russie. Le pays pourrait ici avoir des difficultés à trouver un repreneur pour ces produits. En témoigne déjà son annonce de réduction de la production de pétrole de 5 % le mois prochain.
- Et c’est sans compter sur de nouvelles sanctions occidentales, sur lesquelles Bruxelles et les États-Unis penchent pour « l’anniversaire » de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février. « Ces sanctions vont approfondir et élargir dans certaines catégories les mesures que nous avons déjà prises, tout particulièrement pour limiter le flux de technologies vers l’industrie de la défense russe », a indiqué il y a quelques jours Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe aux affaires politiques américaines. Un abaissement du plafond du prix du pétrole russe est notamment à l’étude, ce qui raboterait encore les revenus qu’en tire le pays.
- Les experts s’attendent en outre à ce que la productivité provenant des gisements de pétrole et de gaz diminue encore au fil du temps avec l’absence d’investissements, de savoir-faire et d’équipements venus de l’Ouest.
- Parmi ces conséquences, les difficultés d’accès aux technologies occidentales, telles que les puces électroniques, devraient freiner la fabrication et la chaîne d’approvisionnement russe, accentuant encore son isolement.
À noter : Preuve de ce déclin russe, la discussion en cours entre Vladimir Poutine et le patronat russe pour que ce dernier contribue « volontairement » au budget fédéral, épuisé par les énormes dépenses militaires.
- Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision Rossiya-24 qu’il s’attendait à ce que la contribution des entreprises s’élève à « environ 300 milliards de roubles », soit 3,75 milliards d’euros.
- Mais cela ne suffira sans doute pas pour sauver l’économie de la Russie, résolument sur une pente descendante, victime de son isolement et d’un exode de ses citoyens qui fuient la mobilisation de Vladimir Poutine.
En conclusion : « Les sanctions sont un poison à action lente, un peu comme l’arsenic. Cela prend du temps », a commenté Josep Borrell, responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, devant le Parlement européen ce mois-ci.
De l’autre côté, les prix de l’énergie ont commencé à baisser en flèche, l’inflation se tarit et la récession n’est plus à l’ordre du jour en Europe. Si le chemin est encore très long, l’Europe peut déjà se targuer d’avoir pu se passer des hydrocarbures russes en un temps record. Nul n’aurait pu le prédire il y a un an.