Comment les États-Unis ont-ils détruit leurs stocks d’armes chimiques ?

Comment les États-Unis ont-ils détruit leurs stocks d’armes chimiques ?
Des armes chimiques – Remi Benali/Getty Images

La semaine dernière, le président américain Joe Biden a annoncé que les États-Unis avaient détruit leur dernier stock d’armes chimiques. Comment ont-ils procédé ?

Le 12 mars 1947, le président américain Harry Truman a demandé au Congrès de débloquer 400 millions de dollars pour aider la Grèce et la Turquie. Il estimait que l’Amérique devait aider ces pays dans leur lutte contre les régimes totalitaires (lire : l’Union soviétique), qui sapent les fondements de la paix internationale, et donc la sécurité de l’Amérique. Cette doctrine Truman est le point de départ de la guerre froide.

Pendant cette guerre de plus de 40 ans, l’Union soviétique et les États-Unis ont développé des dizaines de milliers de tonnes de gaz neurotoxiques, de défoliants et d’autres armes chimiques, et ces stocks obsolètes ont été stockés dans de grands conteneurs dans le monde entier depuis lors. Mais après plus de 30 ans, les États-Unis ont finalement détruit la totalité de leurs stocks d’armes chimiques : le dernier missile M55 rempli de sarin (un agent neurotoxique) a été désamorcé le 7 juillet dernier au Blue Grass Army Depot, dans le Kentucky. Une étape importante en matière de désarmement, selon le ministère américain de la Défense.

Convention sur les armes chimiques

La destruction des stocks d’armes résulte de la Convention sur les armes chimiques entrée en vigueur en 1997. Dans cette convention, les États-Unis et plus de 190 autres pays ont accepté de détruire leurs stocks de défoliants et de gaz neurotoxiques, entre autres, avant le 30 septembre 2023.

Largués dans les profondeurs de la mer

À la fin de la guerre froide, les États-Unis possédaient plus de 30.000 tonnes d’armes chimiques. Celles-ci étant très dangereuses à stocker, le Congrès américain a ordonné en 1986, avant même la chute du mur de Berlin, de commencer à détruire les stocks dès que possible. Mais qu’en faire? Il est plus facile de fabriquer des armes chimiques que de les détruire en toute sécurité. Le seul moyen commode d’y parvenir était de jeter tout ce bazar dans les profondeurs de la mer.

Mais en 1990, les Américains ont trouvé une autre méthode : un système d’élimination des agents chimiques a été construit sur l’atoll de Johnston, un archipel isolé et inhabité du Pacifique. Les armes y sont chargées sur un tapis roulant, puis une machine automatisée prend le relais. Cette machine enlevait l’élément explosif de l’arme et éliminait l’agent chimique. Les deux sont ensuite brûlés à très haute température. Après l’atoll de Johsnton, des armes chimiques ont également été brûlées à six endroits sur le continent américain : en Alabama, Arkansas, Indiana, Maryland, Oregon et Utah.

Neutralisation

Néanmoins, la combustion libère toujours des gaz qui ne sont pas bons pour l’environnement. C’est pourquoi la nouvelle législation a demandé au ministère de la Défense d’étudier comment détruire les armes chimiques par d’autres moyens. L’un d’entre eux est la neutralisation. Il s’agit de diluer les agents chimiques dans un réservoir avec de l’eau et de l’hydroxyde de sodium. On obtient ainsi un mélange beaucoup moins toxique qui peut ensuite être traité comme un déchet chimique ordinaire.

La plupart des gaz neurotoxiques et des défoliants ont été éliminés de cette manière. Mais les États-Unis disposaient également d’un important stock de projectiles chargés de gaz, notamment des projectiles de 155 mm remplis de gaz moutarde et des roquettes M55 contenant du sarin. Pour les détruire, l’armée américaine a eu recours à une autre méthode : la détonation statique.

Dans ce processus, le projectile à détruire est placé dans ce que l’on appelle une chambre de détonation statique. La température y est portée à 600 degrés Celsius. La munition ou le missile est alors déflagré, c’est-à-dire qu’une combustion explosive se produit, sans que le projectile n’explose. Enfin, les gaz libérés au cours de ce processus sont traités par un système d’évacuation des gaz composé d’un oxydateur thermique (qui détruit les composés organiques volatils), de laveurs de gaz (également appelés épurateurs) et d’un système de filtrage au carbone.

Plus d’armes chimiques nulle part ?

L’Amérique s’est enfin débarrassée de son stock d’armes chimiques. Qu’en est-il de la Russie, qui possédait le plus grand stock de ces armes au monde à la fin de la guerre froide ? Le pays affirme avoir tout détruit en 2017, mais ses voisins en doutent fortement.

Le Myanmar, l’Iran et la Syrie – pays également signataires de la convention sur les armes chimiques – sont également soupçonnés d’avoir gardé des stocks quelque part. Des attaques chimiques ont été menées lors de la guerre civile syrienne, par exemple. Alexeï Navalny, critique du Kremlin et ancien espion russe en Grande-Bretagne, a ainsi été empoisonné avec l’agent neurotoxique novichok en 2020.

MB

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