Etats-Unis : un modèle économique basé sur l’appauvrissement des plus pauvres ?

Les Américains dont les revenus sont les plus bas se font « voler » de deux manières, écrit Patrick Artus, économiste en chef de la banque d’investissement française Natixis, dans une note adressée à la clientèle. Le modèle économique américain est très efficace, mais insoutenable à long terme, car l’augmentation chronique de la pauvreté dans une démocratie ne peut pas perdurer.

  1. Les 40 % d’Américains les plus pauvres ont perdu leur position de négociation sur le marché du travail. Cela a entraîné une inégalité des revenus à leur désavantage et au profit des entreprises et des Américains à revenu élevé.
  2. La concentration croissante d’entreprises américaines a créé des monopoles virtuels, ce qui a alourdi les coûts des biens et des services pour les consommateurs.

2 facteurs constituent la base du modèle économique américain

Selon Artus, ces 2 facteurs constituent la base du modèle économique américain.

1. Tous les bénéfices vont aux entreprises

  • Cela donne aux entreprises des marges bénéficiaires très élevées, ce qui conduit à un ratio d’investissement élevé et au rachat d’actions propres. Cela stimule les cours des actions (indices boursiers + 300 % depuis 2009). La demande de biens et de servicesns’en trouve accrue via ce que l’on appelle « equity wealth effect ». [Les personnes qui possèdent des actions se sentent plus riches car les cours continuent d’augmenter et elles commencent à dépenser plus, ce qui permet à ces entreprises de gagner encore plus.]

Artus défend sa position sur la base du tableau suivant émanant du US Census Bureau.

Il montre comment le revenu réel moyen des familles du quintile inférieur et et du deuxième quintile inférieur (groupe de 20 %) a augmenté de 1,5 % et de 7,5 % respectivement entre 1991 et 2017, tandis que le revenu du quintile supérieur et des 5 % de familles les mieux rémunérées ont augmenté respectivement de 40 % et de 52 %.

2. Emplois faiblement rémunérés

  • Entre-temps, les travailleurs peu qualifiés restent au travail car de nombreux emplois nouveaux mais mal rémunérés sont créés dans l’économie des services. Ces emplois ne sont créés que parce que les travailleurs peu qualifiés sont obligés de les prendre [il n’existe pas de filet de sécurité sociale pour le chômage aux États-Unis, comme dans l’UE] et d’être flexibles.

Le graphique ci-dessous illustre cette augmentation des emplois dans les secteurs de la vente au détail (employés de magasin, caissiers, etc.), de l’industrie hôtelière et du secteur des transports (Uber, Lyft, …).

Les 40 % d’Américains les plus pauvres perdent donc à la fois sur le marché du travail et lorsqu’ils achètent des biens et des services.

Le modèle ne peut pas survivre

Artus conclut en affirmant que ce modèle est très efficace, mais qu’il ne peut survivre à long terme. En 2016, un peu moins du quart (24,5 %) de la population américaine vivait sous le seuil de pauvreté (moins de 60 % du revenu médian). Mais dans une démocratie, une augmentation chronique de la pauvreté est intenable. Ou, comme l’a dit Karl Marx un jour :

« La fin du capitalisme survient lorsque la pauvreté devient le produit final d’un monde d’abondance. »

Le socialisme est en vogue parmi la jeunesse américaine

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Alexandra Ocasio-Cortez – [Rick Loomis/Getty Images]

61 % des jeunes Américains (âgés de 18 à 24 ans) ont donc un sentiment positif envers le mot «socialisme». C’est ce qui ressort d’une enquête récente menée par SurveyMonkey et Axios. C’est un taux supérieur à celui des jeunes qui éprouvent des sentiments positifs avec le mot «capitalisme». Seuls 58 % des jeunes répondants s’enthousiasment sur ce dernier. 70 % des Américains déclarent qu’ils voteront pour un candidat qui promettra de réformer l’économie en 2020.

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