Théoriquement, le secrétaire au Trésor peut faire frapper une pièce de n’importe quelle valeur. Il pourrait donc, à la demande du président, créer de toute pièce un jeton dont la valeur serait équivalente à une bonne part de la dette américaine. L’idée fait polémique, et revient à chaque fois qu’un président américain doit faire approuver son budget au Congrès.
Cela ressemble à une solution issue d’un épisode des aventures de Picsou : et si pour sauver l’économie américaine, le président décidait unilatéralement de faire frapper une pièce unique d’une valeur faramineuse ? En d’autres termes, valider un plan de relance sans dépasser le plafond de la dette en créant de facto de l’argent frais d’une manière qui ne demanderait qu’un peu de métal et à peine plus d’énergie qu’un claquement de doigts. Et pourtant, il s’agit là d’une option économique réelle, même si elle n’a jamais encore été mise en œuvre.
Une fortune pour quelques grammes de platine
L’idée refait surface à chaque crise politique, comme celle qui a lieu actuellement à Washington, entre Républicains et Démocrates, les premiers voulant empêcher les seconds de relever le plafond de la dette, un seuil que le pays ne peut pas franchir quand le doit président présenter son plan économique. Or, les dépenses nécessaires au plan de relance et de transition écologique de Joe Biden sont considérées comme trop pharaoniques pour l’opposition républicaine, qui a là un moyen tout trouvé de lui mettre des bâtons dans les roues.
L’idée est que le secrétaire au Trésor des USA a théoriquement le droit, depuis 1997, de faire frapper une pièce de la valeur de son choix, en platine. Il suffirait donc que le président le lui ordonne pour que le ministère des Finances fasse apparaître, avec un peu de métal, un jeton d’une valeur de 1000 milliards de dollars. Il faudrait juste ensuite la déposer sur le compte de la Banque centrale américaine pour rembourser une part équivalente de la dette des États-Unis. Le gouvernement se retrouverait ainsi très en dessous du plafond de la dette et aurait de nouveau la marge de manœuvre nécessaire, sans avoir à demander l’autorisation du Congrès
Digne d’un despote ?
Ce serait simplissime, et, bien sûr, cela ferait scandale, tant la faisabilité de cette manœuvre est sujette à débat depuis qu’elle a été imaginée. Certains la jugent envisageable, tandis que d’autres y voient le genre de manipulation qu’on attendrait d’un despote dans un pays ravagé par l’hyperinflation, pas du président de la première économie mondiale. Elle revient cependant régulièrement sur la table. En 2013, le Trésor a précisé par communiqué qu’il n’aurait pas recours à cette manœuvre. Mais en 2017, Obama a avoué qu’effectivement, l’idée avait été mise sur la table.
Du côté des économistes, certains trouvent le concept ridicule, ou même démocratiquement et économiquement périlleux. D’autres y voient un outil certes ambigu, mais pas inenvisageable: « C’est un moyen de contournement qui met en évidence le fait que le plafond de la dette est en soi une idée stupide » pour Randall Wray, professeur d’économie au Bard College.
Une mouvance économique qui a le vent en poupe. L’économiste très écoutée Stéphanie Kelton qui inspire de nombreux politiques de gauche, y compris ici en Europe (dont Paul Magnette) estimait récemment que « le déficit était un mythe », dans son livre du même nom. Non pas qu’un État pouvait se permettre n’importe quelle dépense, mais un État n’est par définition pas un ménage. Il ne tombera jamais en faillite tant qu’une banque centrale qui contrôle la monnaie est derrière lui.
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