Jeffrey Epstein a échappé à la justice toute sa vie. Maintenant, il est enfin insaisissable

Le prétendu suicide du milliardaire américain Jeffrey Epstein et les circonstances mystérieuses dans lesquelles il s’est produit sont une mauvaise nouvelle pour l’Amérique. Ce sont de mauvaises nouvelles pour ses victimes et le cours de la justice.

Le milliardaire âgé de 66 ans est soupçonné d’avoir attiré des dizaines de filles mineures – parfois âgées de 14 ans – chez lui à New York et en Floride entre 2002 et 2005 et de les avoir payées pour avoir des rapports sexuels avec elles. Mais ce sont surtout les liens étroits d’Epstein avec des Américains « rich, powerful and famous » (‘riches, puissants et célèbres’) qui confèrent à cette affaire une dimension sans précédent.

Parmi eux, on trouve deux présidents : Bill Clinton et Donald Trump, mais aussi une série d’autres célébrités, dont le Premier ministre israélien Ehud Barak, le prince britannique Andrew, le célèbre avocat new-yorkais Alan Dershowitz et l’ancien procureur spécial Kenneth Starr, les acteurs Alec Baldwin, Kevin Spacey et Ralph Fiennes, feu Ted Kennedy, le milliardaire David Koch et la chanteuse Courtney Love. 24 heures avant sa mort, les noms de Bill Richardson, ancien gouverneur du Nouveau-Mexique, et de George Mitchell, homme politique et diplomate, dirigeant du Parti démocrate depuis de nombreuses années, avaient été ajoutés à cette liste.

Jeffrey Epstein est passé plusieurs fois à travers les mailles du filet

Epstein avait déjà été reconnu coupable de faits similaires. En 2008, il a fait des aveux pour deux accusations de prostitution. Il a ainsi pu éviter une action en justice fédérale et n’a été condamné qu’à 13 mois d’emprisonnement. Epstein a ensuite conclu un marché avec le procureur de l’État de Floride de l’époque, Alex Acosta. Ce dernier a dû démissionner le mois dernier de son poste de ministre du Travail dans le cabinet Trump sous la pression de l’affaire. Beaucoup ont été surpris par la punition légère et le régime carcéral extrêmement favorable avec lequel Epstein s’en est tiré.

Ensuite, il y a les questions auxquelles l’actuel ministre Alex Acosta a dû répondre lorsqu’il a été préparé par l’équipe de transition de Trump pour les questions que le Congrès lui poserait au sujet de sa nomination comme ministre du Travail. « L’affaire Epstein peut-elle être un problème ? », lui aurait-on demandé, selon la journaliste Vicky Ward, qui planche sur ce dossier depuis des années à Vanity Fair. « On m’a dit qu’Epstein était membre des services de renseignements (Epstein était également un bon ami du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane) et que je devais donc le laisser tranquille », a répondu Acosta aux enquêteurs.

Le chantage à ce niveau est normalement une question de sécurité nationale.

Théories du complot partout dans le monde

Immédiatement après l’annonce de la mort d’Epstein, les premières théories du complot ont fait leur apparition. Donald Trump, le président des États-Unis, était impatient de partager un message basé sur aucune preuve avec ses 63 millions de followers sur Twitter. Il a déclaré que les Clinton seraient derrière « la mort d’Epstein ». Trump n’est pas opposé aux théories du complot. Il a été à l’origine d’inventions telles que celle selon laquelle le président Barack Obama ne serait pas un Américain, ou que « des millions d’immigrés clandestins » auraient voté pour Hillary Clinton en 2016.

Trump n’est pas le seul politicien à avoir mis en ligne des théories du complot. Pour son avocat Rudi Giuliani et Alexandra Ocasio-Cortez, la prodige du Parti démocrate, de nombreuses questions restent sans réponse.

Cette affaire semble vouer à durer des années. Un ancien prisonnier qui était dans la même prison a déclaré dans le New York Post que le suicide semblait hors de question. Les personnes de l’entourage de Jeffrey Epstein se poosent également des questions. Elles considèrent qu’il n’est pas impossible que des tiers soient impliqués dans le « suicide » d’Epstein.

Jeffrey Epstein était-il sous surveillance, ou pas ?

Il est également difficile de savoir si Epstein a fait l’objet d’une surveillance particulière, ou « suicide watch« , comme on la qualifie aux Etats-Unis. Il y a deux semaines, le milliardaire avait déjà tenté de se suicider. Ou aurait été attaqué dans sa cellule. Depuis lors, il aurait été surveillé 24h/24 et 7j/7. Il serait étonnant qu’il n’ait plus été sous surveillance anti-suicide le samedi matin. Mais s’il l’était toujours, sa mort est tout simplement incompréhensible. Dans ce cas, il devrait également y avoir des images de la manière dont Epstein a trouvé la mort. En attendant, l’Associated Press a rapporté que la surveillance spécifique anti-suicide avait été suspendue plus tôt cette semaine en raison d’une pénurie de personnel carcéral.

Le ministre de la Justice, William Barr, a déjà exprimé son indignation à la suite de cet événement et a entre-temps demandé au FBI d’ouvrir une enquête.

Reste à savoir ce que les célébrités citées plus haut savaient des activités d’Epstein, et à quel moment elles l’ont découvert. Plusieurs d’entre elles sont susceptibles d’être convoquées rapidement par la justice. Elles devront alors expliquer quel genre de relations elles avaient avec Epstein, un homme qui avait acquis une mauvaise réputation des années avant sa récente arrestation. La question à laquelle elles doivent s’attendre est de savoir si elles ont fermé les yeux lorsqu’elles ont été confrontées à des situations de violation potentielle du droit. Et si, dans certains cas, elles se sont elles-mêmes rendues coupables d’actes illégaux.

En tout état de cause, Epstein lui-même ne pourra plus contredire leurs témoignages. L’affaire qui semblait en passe de devenir le plus grand scandale de l’histoire américaine ne sera donc jamais entièrement résolue.

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