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Feu vert au pétrole en mer, freins à l’éolien sur terre : au Royaume-Uni, le « pragmatisme » climatique de Sunak à l’œuvre

Feu vert au pétrole en mer, freins à l’éolien sur terre : au Royaume-Uni, le « pragmatisme » climatique de Sunak à l’œuvre
Le Premier ministre Richard Sunak, un champ de pétrole en mer du Nord et une éolienne au Royaume-Uni. Justin Tallis – WPA Pool/Getty Images, Matt Cardy/Getty Images, Carina Johansen/Bloomberg via Getty Images

Ces dernières semaines, Rishi Sunak s’est attiré les foudres de nombreux défenseurs de l’environnement. Le Premier ministre britannique défend la mise en œuvre d’une politique plus « pragmatique » en matière d’objectifs climatiques. Cette semaine, deux événements viennent illustrer ce nouveau cap pris par le Royaume-Uni. Ils concernent l’éolien et le pétrole.

Pourquoi est-ce important ?

Le choix de Sunak est symbolique du dilemme face auquel se trouvent de nombreux pays occidentaux engagés dans une transition "verte". Certains gouvernements se disent qu'il n'est pas possible de filer à toute vitesse vers la neutralité carbone. Car cela menacerait leur sécurité d'approvisionnement. Et, car, financièrement, cela nuirait à leurs citoyens. Il faudrait donc faire preuve de davantage de mesure.

Dans l’actu :

  • Cette semaine, deux nouvelles ont rendu furax les défenseurs de la cause environnementale au Royaume-Uni :
    • L’octroi du feu vert à un grand projet de champ de pétrole en mer du Nord.
    • L’arrêt d’un des plus grands projets de parc éolien terrestre du pays.

Green light pour Rosebank

Les détails (1) : des promesses pour Rosebank.

  • Mercredi, le régulateur britannique du pétrole et du gaz a décidé d’autoriser le lancement de Rosebank. Un vaste projet pétrolier et gazier en mer du Nord soutenu par les groupes norvégien Equinor et israélien Ithaca.
  • 300 millions de barils de pétrole sont censés sortir du champ au cours de sa durée de vie. Soit l’équivalent d’environ trois jours de demande mondiale. Et à peu près deux tiers de la consommation annuelle du Royaume-Uni.
    • La production devrait démarrer en 2026-2027.
  • Pour sa défense, Equinor avait assuré avoir optimisé ses plans pour réduire les émissions de carbone du champ. Principalement grâce à une électrification du processus d’extraction, prévue pour 2030 au plus tôt. En outre, les promoteurs du projet avaient fait valoir que, comme le Royaume-Uni aurait de toute façon encore besoin de pétrole au moins jusqu’en 2050 (c’est Sunak qui l’a dit), il valait mieux qu’il en produise lui-même plutôt que d’en importer.
    • Produire soi-même « offre une plus grande sécurité énergétique, moins de CO₂ par baril, plus d’emplois et une économie plus forte », avait ainsi argumenté Gilad Myerson, d’Ithaca Energy.

Le gouvernement est ravi, l’opposition beaucoup moins

Les réactions (1) : le gouvernement applaudit, les opposants s’indignent.

  • Les arguments d’Equinor et Ithaca ont fait mouche auprès du gouvernement britannique.
    • Sunak a ainsi salué une « bonne décision à long terme pour la sécurité énergétique du Royaume-Uni ».
    • « Nous investissons dans nos énergies renouvelables », mais « nous aurons besoin de pétrole et de gaz dans la transition vers la neutralité carbone et il est donc logique d’utiliser nos propres approvisionnements » en mer du Nord, a commenté la ministre à l’Énergie, Claire Coutinho.
  • En face, les opposants sont furieux.
    • Le Premier ministre d’Écosse Humza Yousaf y voit un « déni climatique ». Il s’est aussi inquiété du fait que « la majorité de ce qui est extrait de Rosebank ira à l’étranger et ne restera pas en Écosse ou au Royaume-Uni ».
    • Pour la députée écologiste britannique Caroline Lucas, ce feu vert est « moralement obscène ». Pour la députée travailliste écossaise Monica Lennon c’est un « écocide ».
    • Plus mesurée mais peut-être plus notable encore est la position du conservateur Alok Sharma. Ancien secrétaire d’État à l’Énergie sous Boris Johnson et président de la COP26 de Glasgow, il s’est dit « préoccupé par la fracture du consensus politique britannique sur l’action climatique ». « Être à la tête d’un programme de croissance verte est bon pour l’économie, l’investissement, l’emploi et l’environnement », a-t-il rappelé, constatant que la politique de Sunak n’en était plus un. Sharma ne se présentera pas aux prochaines élections.

Coup d’arrêt pour Sanquhar II

Les détails (2) : un nouveau projet éolien arrêté.

  • Le même jour, Community Windpower a annoncé arrêter le développement de Sanquhar II. Censé devenir le quatrième plus grand parc éolien terrestre du Royaume-Uni, il devait être capable de produire suffisamment d’électricité pour alimenter environ 350.000 foyers.
    • Le parc devait être pleinement opérationnel pour 2025-2026.
  • Son développeur – l’un des plus importants du pays – a expliqué que le projet était non viable. D’une part en raison de la hausse des coûts. D’autre part à cause de la taxe sur les bénéfices exceptionnels dont il doit s’acquitter.
    • Selon les calculs de Community Windpower, les coûts sont passés de 300 à 550 millions de livres en à peine deux ans. La taxe, un « énorme obstacle », semble avoir porté le coup de grâce au projet.
    • « Compte tenu du besoin urgent de davantage de capacités renouvelables, c’est un échec politique total », a déploré Rod Wood, directeur général et propriétaire de Community Windpower, cité par le Financial Times.
  • Pour rappel, cette taxe, qui courra jusqu’à fin mars 2028, équivaut à un prélèvement de 45% sur les revenus de l’électricité vendue au-dessus de 75 livres par MWh. Le prix journalier de l’électricité au Royaume-Uni est d’environ 96 livres par MWh, note le FT. Sanquhar II, qui comptait vendre son électricité aux tarifs du marché – sans soutien gouvernemental – était donc concerné.

« Nous n’allons pas sauver la planète en ruinant notre peuple »

Contexte : le pragmatisme et le réalisme de Sunak.

  • Ces deux événements surviennent alors que Sunak a fait prendre la voie du « pragmatisme » et du « réalisme » pour atteindre la neutralité carbone pour 2050.
  • La semaine dernière, le Premier ministre britannique a annoncé le report de 2030 à 2035 de la fin de la vente des voitures à essence ou diesel. Dans le même temps, il a fait savoir que les contraintes pour remplacer les vieilles chaudières à gaz seraient assouplies. De quoi attiser la colère d’une partie de la classe politique britannique et des organisations de défense de l’environnement.
  • Cet été, Sunak avait déjà suscité un tollé en promettant des centaines de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières en mer du Nord.
  • Les deux cas exposés illustrent le nouveau leitmotiv du gouvernement conservateur, très bien résumé par sa ministre de l’Intérieur Suella Braverman : « Nous n’allons pas sauver la planète en ruinant le peuple britannique ».
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