La dette publique cachée de la Banque nationale

La dette publique cachée de la Banque nationale
Pierre Wunsch, Alexander De Croo – Getty Images

La dette publique de la Belgique est encore un peu plus imposante qu’on ne le pensait : à la Banque nationale (BNB), il y a un gouffre financier qu’il faut effectivement compter parmi les dettes de l’Etat fédéral, a confirmé la semaine dernière le gouverneur Pierre Wunsch lors d’une audition à la Chambre

Pourquoi est-ce important ?

La Banque nationale, gardienne de la stabilité financière de notre pays, va elle-même subir des pertes énormes dans les années à venir. Cela ne semble pas propice à la confiance globale ni à la réputation de l'autorité de régulation.

Le problème : les futures pertes de la BNB, qui se chiffrent en milliards.

  • Selon son propre scénario de base, les pertes cumulées atteindront 9 milliards d’euros jusqu’en 2027 inclus. C’est un mauvais effet secondaire de la politique de taux d’intérêt radicale de la Banque centrale européenne. La BNB doit, contre toute attente, payer beaucoup plus d’intérêts aux banques commerciales qui placent temporairement leur argent chez elle.
  • Les pertes successives risquent d’épuiser ses réserves financières, estimées à 6-7 milliards d’euros, selon les prévisions de la BNB à la fin de l’année dernière. La question inévitable : le gouvernement fédéral ne devrait-il pas alors injecter plusieurs milliards d’euros d’argent frais dans la banque, pour boucher le trou ?

Le parallèle : Dans le monde des affaires, une position de capital négative – ou fonds propres négatifs – est insoutenable pour une entreprise à long terme. Tôt ou tard, un actionnaire devra alors combler les déficits en injectant de l’argent frais dans le capital, sinon la faillite est imminente.

  • Mais cela vaut-il aussi pour la Banque nationale – une institution au service de l’intérêt général, sans but lucratif – et son actionnaire majoritaire, l’État belge ?
  • « Je ne pense pas qu’une recapitalisation sera nécessaire », a répondu M. Wunsch devant la commission parlementaire des finances. « Peut-être que le gouvernement aura également peu d’appétit pour le faire. Mais si le gouvernement pense toujours que ce serait mieux, pourquoi pas ? C’est une décision politique. Je dis simplement : nous pouvons continuer à fonctionner avec une position de capital négative. »
  • Wunsch faisait référence à la banque centrale de Slovaquie, qui se trouve déjà avec une position de capital négative, sans aucun problème pour la stabilité du système financier.

La réalité : En outre, les deux scénarios alternatifs – recapitalisation ou non – sont équivalents d’un point de vue purement économique, a noté le gouverneur avec délicatesse.

  • « Lorsqu’il y aura des pertes, elles seront supportées par la Banque nationale et n’entraîneront pas de déficits budgétaires. Alors que – dit entre nous – ce sont des pertes du secteur public au sens large, y compris la Banque nationale. »
  • En d’autres termes, il y aura une partie de la dette publique – ou des actifs négatifs de l’État- cachée dans le bilan de la BNB. Wunsch : « C’est la réalité comptable. D’un point de vue économique, les réserves de l’État au sens large – et donc dans une certaine mesure la dette nationale – sont impactées. »
  • La dette publique fédérale s’élève officiellement à plus de 470 milliards d’euros. Mais ça n’est pas toute l’histoire, rappelle Wunsch : « Il faut regarder le bilan global de l’État, y compris de la banque centrale, à un moment donné. »

Dividendes évaporés

Le projet de loi : Même si le gouvernement est susceptible de laisser la position de capital de la BNB en bleu, il y aura toujours des implications financières pour les caisses de l’État.

  • Le dividende de 2022, à l’exception d’une bagatelle légalement requise, a déjà été supprimé par le conseil d’administration de la BNB. Il y a de fortes chances que cette politique se poursuive jusqu’en 2027.
  • Ce n’est pas seulement une charge pour l’État belge, mais aussi pour les actionnaires privés. La BNB est presque à moitié détenue par le public par le biais du marché boursier.
  • Et même après 2028, les années de vaches maigres pour les actionnaires ne seront pas terminées. Il y a de fortes chances que l’ancienne règle du dividende – réserver 50 % du produit net et distribuer la moitié restante aux actionnaires – reste en vigueur.
  • « Il n’est pas acquis que la BNB recommence à verser des dividendes à partir de ce moment-là », a déclaré Wunsch aux députés. « Le dividende dépend de l’évaluation des risques, des bénéfices futurs et des tampons. » Il a souligné que l’incertitude entourant les prévisions est élevée et que la situation financière de la NBB « pourrait changer encore 200 fois » d’ici là. « Cela dépend beaucoup de la politique de taux d’intérêt de la BCE et de la manière dont nous gérons notre bilan », a-t-il déclaré.
  • « Même si nous faisons à nouveau des bénéfices à partir de 2028, à ce moment-là, nous n’aurons plus de tampons. Que décidera le Conseil des Régents dans tant d’années sur le niveau nécessaire pour les tampons ? Et qu’en est-il de la politique de réserve ? Devrions-nous passer à 100 % ? Je ne sais pas. »

MB

Plus d'articles Premium
Plus