Des dirigeants de prestigieuses entreprises vont travailler avec les Saoudiens alors qu’on découvre une histoire d’épouvante

Des questions se posent concernant l’annonce de la présence d’une quinzaine d’entrepreneurs américains au conseil consultatif de NEOM, une organisation saoudienne, alors qu’une histoire d’épouvante vient seulement d’être révélée.

Quinze dirigeants américains du secteur de la technologie se joignent au conseil consultatif du mégaprojet saoudien NEOM. C’est ce que rapporte le portail commercial arabe Argaam. À leurs côtés, l’ancienne commissaire européenne Neelie Smit-Kroes et l’homme d’affaires japonais Masayoshi Son.

Il y a exactement un an, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (aussi surnommé «MbS») a annoncé que le NEOM devait devenir le prototype de la nouvelle génération de villes. La ville, qui sera construite le long de la côte de la mer Rouge, devrait devenir un pionnier mondial dans des domaines tels que le développement technologique et les énergies renouvelables.

Les investisseurs recherchent de nouvelles sources de revenus maintenant que l’ère pétrolière touche à sa fin

Il n’est pas si surprenant qu’une série d’entrepreneurs renommés, y compris Travis Kalanick (ex-Uber) et Mark Andreessen, spécialiste du capital risque, associent leur nom à NEOM. Au cours de sa dernière tournée à travers les États-Unis, MbS a été reçu par toute la crème du monde entrepreneurial américain avec de grands honneurs.

Les Saoudiens veulent financer le projet NEOM en vendant 5 % de leur compagnie pétrolière, Saudi Aramco. La valeur de cette entreprise est estimée à 2 000 milliards de dollars. Mais l’argent ne sera jamais un problème. Maintenant que la fin de l’ère pétrolière touche à sa fin, les investisseurs recherchent de nouvelles sources de revenus. Des entreprises comme Facebook, Google, Y-Combinator, Uber et Softbank ne veulent pas rater cette occasion.

Mais l’annonce de NEOM intervient à un moment extrêmement délicat.

Où est Jamal Khashoggi?

La communauté internationale s’interroge sur la disparition en Turquie du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Les autorités turques envisagent maintenant l’hypothèse que le journaliste a été assassiné dans le consulat. Ankara a publié des images montrant que le journaliste est entré au consulat. Il n’en est jamais sorti.

Khashoggi est un Saoudien qui a toujours maintenu de bons liens avec la famille royale. Il était également actif en tant que journaliste. Mais il a été contraint de quitter son pays l’année dernière après avoir été menacé à plusieurs reprises, parce qu’il s’est montré critique à l’égard de Mohammed ben Salmane. Il a déménagé aux États-Unis et a écrit des articles d’opinion pour le Washington Post.

Une histoire d’épouvante

Selon le Washington Post, les services de renseignement américains auraient intercepté des appels téléphoniques semblant indiquer que ben Salmane voulait attirer Khashoggi en Arabie saoudite pour l’emprisonner. Selon le site Internet Middle East Eye, Khashoggi aurait été assommé avec un narcotique au consulat, mais il aurait fait une overdose, et serait décédé. 

Dans l’intervalle, le journal du gouvernement turc Sabah a publié les noms de 15 personnes soupçonnées d’avoir formé un commando de tueurs à la solde du gouvernement saoudien et qui étaient arrivées la veille de la visite de Khashoggi au consulat de Turquie. Les 15 personnes transportaient une scie à os dans une valise et ont été sur place en moins de 24 heures.

Elles sont maintenant soupçonnées d’avoir assassiné Khashoggi. On présume que son corps a été découpé en morceaux et que ceux-ci ont été évacués clandestinement du consulat dans diverses valises.

Trump et les Saoudiens

Le gouvernement Trump se trouve également dans une position difficile, car s’il s’avère que ben Salmane – le tout premier détenteur du pouvoir à qui M. Trump a rendu visite après avoir succédé à Obama à la présidence au début de 2017 – est effectivement derrière le meurtre, des questions seront sans doute à nouveau posées concernant les liens encore étroits que les deux pays entretiennent. [Lorsque Trump a flirté avec la faillite en 1999, les Saoudiens l’ont empêché de couler en rachetant son super yacht « Trump Princess ».] 

Surtout, Jared Kushner, le gendre de Trump, s’entend très bien avec MbS et a fait de ce dernier le pivot de la politique américaine au Moyen-Orient. Trump lui-même préfère faire profil bas aujourd’hui, avec son langage diplomatique. Mohammed ben Salmane est resté silencieux pendant neuf jours.

MbS, le réformateur qui ne supporte pas les critiques

Mohammed ben Salmane a longtemps été l’étoile montante de l’horizon saoudien et sa politique de libéralisation a été largement saluée. Depuis qu’il a pris le pouvoir à Riyad, il s’est lancé dans la lutte contre la corruption, a permis aux femmes de conduire et de créer des entreprises, a autorisé la réouverture des cinémas et il ambitionne de rendre son pays moins dépendant des recettes pétrolières. Mais l’homme ne semble pas être capable de tolérer les critiques, ce dont le Canada a récemment fait l’expérience. De plus en plus de critiques nationaux, de journalistes et de militants sont également emprisonnés.

Et maintenant ?

La question qui se pose depuis la disparition de Khashoggi est de savoir qui veut se présenter comme un partenaire ou un allié de MbS, s’il est prouvé que son gouvernement a commandité le meurtre.

Le New York Times, le Los Angeles Times et The Economist ont annulé leur participation et/ou leur parrainage à la Future Investment Initiative (FII). Cette conférence, connue sous le nom de « Davos du désert », est organisée par MbS et le fonds souverain saoudien. Ariana Huffington a également démissionné du conseil consultatif de l’événement.

Cela n’ira pas beaucoup plus loin que cela. Khashoggi n’est « qu’un » journaliste et, bien qu’il soit, comme le Canada, assez grand (1,69 million de followers sur Twitter), il ne l’est pas suffisamment pour attirer la communauté internationale… et donc, il est « insignifiant ». Bientôt, selon toute vraisemblance, tout reviendra enfin «à la normale».

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