Les prix sont redescendus, mais la consommation d’électricité de l’UE reste en chute libre : doit-on s’inquiéter ?

Les prix sont redescendus, mais la consommation d’électricité de l’UE reste en chute libre : doit-on s’inquiéter ?
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. (Getty/Moe Zoyari/Bloomberg via Getty Images)

Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, la demande d’électricité dans l’Union européenne est en train de sérieusement diminuer. Jusqu’à atteindre son plus bas niveau depuis vingt ans. Comment l’expliquer et comment l’interpréter ?

Pourquoi est-ce important ?

Une demande d'électricité qui baisse, cela peut laisser penser que c'est une société qui exploite moins les ressources de sa planète - ce qui en soit, n'est pas une mauvaise chose. Mais cela traduit aussi une industrie qui tourne au ralenti. Et quand ses rivales ne suivent pas la même logique, cela peut être inquiétant.

Dans l’actu : la demande d’électricité de l’UE en nette baisse.

  • D’après un rapport publié mercredi par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation d’électricité dans l’Union européenne atteindra, fin 2023, son niveau le plus bas depuis vingt ans.
  • Pourtant, les prix ont baissé depuis leur pic provoqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Le détail : combien et qui ?

  • Selon les estimations de l’AIE, sur l’ensemble de l’année 2023, l’UE va connaître une baisse de 3% (sur un an) de sa consommation d’électricité.
    • En 2022, c’était déjà une diminution de 3% qui avait été constatée.
      • En deux ans, la demande européenne d’électricité aura donc chuté de 6%, pour atteindre son niveau de 2002, indique l’agence.
  • L’an dernier, près de deux tiers de la baisse de la consommation européenne avaient été liés au ralentissement de l’industrie à haute intensité énergétique, provoqué par la flambée des prix. Pour cette année, c’est vers ce même secteur qu’il faut se tourner pour expliquer une majeure partie de cette nouvelle chute de la demande. Et ce malgré des prix qui sont nettement moins élevés que ceux de 2022, souligne l’AIE.
    • « Les changements de comportement dans les secteurs résidentiel et tertiaire, les économies d’énergie volontaires, les questions d’accessibilité financière et diverses améliorations de l’efficacité ont également joué un rôle important », complète l’agence.

Et ailleurs : comment ça se passe ?

  • Dans son rapport, l’AIE donne également ses estimations pour la consommation d’électricité des autres grands pays et régions du monde. Chacun ne suit pas la même trajectoire.
  • Si l’UE a été le seul bloc à voir sa consommation baisser en 2022, elle devrait être rejointe par les États-Unis et le Japon cette année.
    • La demande d’électricité aux USA devrait baisser de 2%.
    • Au Japon, de 3%.
  • La tendance est donc semblable pour ceux que l’on appelle communément les alliés occidentaux. Elle est revanche bien différente dans les autres grandes puissances, notamment asiatiques.
    • La demande d’électricité en Chine devrait augmenter de 5,3% – avec une hausse semblable déjà prévue pour 2024.
    • En Inde, elle devrait bondir de 6,5%.
L’évolution de la demande d’électricité dans les différentes grandes régions du monde. (AIE)

Conclusion : comment interpréter ces chiffres ?

  • Que la demande d’électricité dans l’UE continue de baisser malgré des prix moins élevés est inquiétant, estime l’AIE. Cela montre que l’industrie européenne n’est pas encore parvenue à se remettre du coup porté par le déclenchement de la guerre en Ukraine : sa compétitivité est désormais « sous pression ».
  • Car en plus des industries chinoise et indienne, les américaine et les japonaise lui font de l’ombre. Notamment en raison de l’Inflation Reduction Act et du Green Transformation Act récemment déployés dans ces deux pays.
  • Ces nouvelles lois ont un impact direct sur le Vieux continent, écrit l’AIE. Elles « influencent la réduction de la production, les fermetures d’usines et la suspension et le détournement des investissements ».
  • L’UE serait donc « dans un moment critique » : elle doit (rapidement) agir pour soutenir son industrie à forte intensité énergétique. L’AIE étant censée ne s’occuper « que » d’énergie – et pas forcément d’économie – elle liste une série d’options sur la table, sans réellement indiquer la plus adéquate.
    • Se résoudre à laisser filer une partie de son industrie vers l’étranger, ce qui rendrait l’UE plus vulnérable aux tensions géopolitiques.
    • Octroyer des subventions sur le prix de l’énergie dans le secteur industriel : cela sauverait des entreprises et des emplois mais cela nécessiterait un engagement sur le long terme pas forcément profitable aux contribuables.
    • Prendre des mesures ciblées pour aider des secteurs-clés.
    • Accélérer davantage la cadence pour le développement de ses capacités d’énergie renouvelable, ce qui sera profitable sur le long terme mais qui demande d’importants et rapides efforts financiers.
Plus d'articles Premium
Plus