Dé-mondialisation ? Le marché mondialisé du travail en ligne est en plein essor

Dans beaucoup de pays du monde, les politiciens nationalistes ont le vent en poupe, qui critiquent les effets pervers de la mondialisation, et prônent la « dé-mondialisation ». Mais dans leur esprit, il n’est question que des échanges de marchandises, et de la délocalisation de la production. Ce qu’ils oublient, c’est qu’une partie du marché du travail s’est elle aussi mondialisée.

Lorsque l’on évoque « l’économie des petits boulots », on pense souvent à une palette d’entreprises associant une application avec un service local (taxis, livraison de repas…). Mais cette définition est bien trop réductrice, car ce secteur recouvre également les plateformes de mise en relation des travailleurs indépendants du monde entier avec les donneurs d’ordres. Les missions proposées peuvent prendre des formes très variées : programmation informatique, saisie informatique, rédaction de pages de vente, ou encore traduction. Les travailleurs indépendants du monde entier postulent ensuite en proposant leur tarif, et le donneur d’ordre n’a plus qu’à choisir celui qui lui semble le mieux à même de le satisfaire.

Le « Cloud humain »

Ces plateformes – Upwork, Freelancer et Fiverr, pour n’en citer que quelques unes – forment ce que l’on surnomme le « human cloud », le « cloud humain », et sont actuellement en plein essor. La plus grande d’entre elles, Upwork, vient d’entrer au Nasdaq ce mois-ci, et est valorisée près de 1,9 milliards de dollars. 

Lors de son introduction en bourse, elle a fourni des documents financiers à la US Securities and Exchange Commission, le gendarme de la bourse américain, qui révèlent qu’environ 20 % de son chiffre d’affaires, qui provient d’une commission qu’elle prélève sur la rémunération versée au travailleur indépendant lors de la conclusion d’un contrat entre un donneur d’ordres et ce dernier, proviennent des Etats-Unis, 30 %, de l’Inde et des Philippines, et 50 % du reste du monde. 

Le cloud humain ouvre ainsi des opportunités à des personnes talentueuses résidant dans des économies émergentes, et leur permet de se confronter à la demande mondiale sur des spécialités pour lesquelles la demande est très faible dans leur propre pays. Il permet également d’élargir les débouchés des « freelance » habitant dans des pays riches mais confrontés à un ralentissement économique. Il offre aussi la possibilité à ces professionnels de travailler de chez eux, lorsqu’ils disposent d’une connexion internet, et de leur permettre d’échapper aux difficultés de déplacement auxquelles ils pourraient être confrontés, compte tenu des mauvaises infrastructures de leur pays, dans certains cas.

Une étude réalisée par l’Université d’Oxford sur 679 travailleurs indépendants de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique sub-Saharienne révèle qu’ils sont nombreux à apprécier la variété des missions qui leur sont proposées, et la liberté que leur offre cette manière de travailler.

Une concurrence préjudiciable pour les niveaux de revenus

Mais il y a aussi des points négatifs. Les freelances des pays riches se retrouvent ainsi en concurrence défavorable avec leurs homologues des pays pauvres, souvent moins gourmands financièrement. « Je suis sûr que 100 000 personnes à travers le monde pourraient faire exactement ce que je fais. . . pour moins cher aussi », a expliqué un travailleur indépendant aux chercheurs de l’Université d’oxford, lorsqu’ils ont mené leur enquête. 

Les freelances ont aussi rapporté qu’ils travaillaient en général plus d’heures que les salariés, et dans certains cas, qu’ils étaient contraient de travailler de nuit, en raison de l’existence d’un important décalage horaire. En outre, ils ne bénéficient d’aucune protection contre la perte de leur revenu.

Les politiciens doivent faire évoluer la législation

Des syndicats, dont l’énorme syndicat allemand de la métallurgie, IG Metall, et le syndicat suédois Unionen, conscients des défis qui se posent pour ces professionnels, ont créé un site à leur attention, Fair Crowd Work. Il compare les conditions des différentes plateformes de mise en relation avec des donneurs d’ordre, et leur fournit des informations pour les aider à défendre leurs droits.

Les politiciens ont aussi un rôle à jouer, par exemple en créant un nouveau statut pour ces travailleurs, pour accompagner cette évolution. Encore faut-il, pour cela, qu’ils aient réalisé l’existence de cette autre vague de mondialisation…

Plus