Nouveau rebondissement dans l’affaire des visas accordés à une délégation iranienne en visite à Bruxelles : on apprenait hier que « le Premier ministre avait donné son accord » selon le cabinet de la ministre des Affaires étrangères. C’est donc tout le gouvernement qui se trouve mouillé dans une histoire qui passe du champ lexical de la bévue à celui de la volonté politique de ménager l’Iran, peu de temps après la libération saluée du ressortissant belge Olivier Vandecasteele. Cette après-midi, Alexander De Croo et Hadja Lahbib ont dû faire face aux questionnements du Parlement, en commission.
Pour rappel, on reproche à la ministre d’avoir autorisé la venue de 14 Iraniens à Bruxelles, dont Alireza Zakani, le maire de Téhéran, dans le cadre du Brussels Urban Summit. Une affaire qui a entrainé la démission du secrétaire d’État bruxellois aux Relations internationales Pascal Smet (Vooruit) alors que celui-ci rejetait la faute sur la ministre fédérale des Affaires étrangères. Qui a, elle, impliqué le Premier ministre, ce dernier ayant donné son accord. Cette stratégie est-elle voulue ou subie par De Croo qui soutient maintenant sa ministre ? En tout cas, cette affaire n’en finit plus de rebondir, avec des versions différentes à chaque fois, suscitant toujours plus de questions.
Le Premier ministre se défend
Il n’est maintenant plus tellement question de pression exercée par Bruxelles et l’ancien secrétaire d’État Pascal Smet, mais de pression diplomatique.
- « Une vie humaine vaut-elle un visa ? Évidemment. Améliorer le sort des Européens innocents était notre seule priorité. […] Nous avions tout intérêt à garder un canal de communication avec le régime de Téhéran » rappelle le Premier ministre, mettant ainsi dans la balance le sauvetage réussi de Vandecasteele, qui risquait la peine de mort en Iran, mais aussi la vie des autres Occidentaux encore aux mains du régime de Téhéran.
- Hadja Lahbib a appuyé cette nouvelle version pour expliquer la livraison de visas : ”Il faut continuer à dialoguer avec tous les pays du monde, quel que soit leur État de droit, mais de manière critique […] le refus de visas aurait été vu comme une humiliation pour l’Iran, or la Belgique continue d’œuvrer pour la libération des otages européens. »
« Je ne me suis jamais sentie aussi en danger »
- Du côté de la majorité, Ecolo/Groen a pointé du doigt la communication alambiquée de la majorité fédérale, qui a dit tout et son contraire sur ce dossier. « Vous n’avez pas dit la vérité devant l’hémicycle la semaine dernière », attaque Samuel Cogolati. « D’un côté, vous utilisez des mots lourds pour qualifier l’Iran, en même temps, vous dites que la visite a été utile pour des raisons diplomatiques. »
- “Le pire, c’est qu’en délivrant ces visas, vous avez donné carte blanche aux salauds, les agents du régime iranien qui sont venus faire leur sale boulot en Belgique”, a surenchéri Malik Ben Achour pour le PS. Il accuse la ministre d’avoir volontairement omis certaines informations lors de sa dernière venue à la Chambre, jeudi dernier.
- Du côté de l’opposition, la députée N-VA Darya Safai est particulièrement impliquée dans ce dossier : elle-même d’origine iranienne, elle estime que la venue de ce genre de délégation en Belgique fait planer une menace sur les ressortissants iraniens et les Belges qui ont fui le régime : « Je ne me suis jamais sentie aussi en danger, à cause de vous. La Belgique est le terrain de jeu des terroristes. »
Les parlementaires font donc feu de tout bois sur les contradictions du gouvernement, qui multiplie les récits pour noyer les responsabilités sur cette histoire. Chaque personne impliquée a bien du mal à justifier comment cette délégation est finalement arrivée chez nous, ne parvenant pas à éclaircir les interrogations quant aux incohérences de ligne du temps. Le Premier ministre soutient sa ministre mais de nombreuses questions sont laissées sans réponses.
Les réponses de De Croo et Lahbib
Le Premier ministre est revenu sur les liens tenus entre l’affaire des prisonniers et celle des visas : « J’ai parlé de ce contexte, car une partie de l’organisation du Sommet a eu lieu pendant les semaines particulièrement sensibles de nos négociations avec l’Iran. Nous avions le sentiment qu’un accord était possible […] Expliquer ce contexte reste pour moi essentiel pour comprendre. […] Mais nous savions qu’un signal de notre part pouvait aussi être mal interprété [ et avoir un impact sur les personnes incarcérées, NDLR].
La ministre des Affaires étrangères persiste et signe : « À mes yeux, il n’y a pas de contradiction entre mes déclarations de jeudi dernier et celles d’aujourd’hui. […] Nous ne sommes pas dans des querelles à la belge, il s’agit ici de diplomatie : ces polémiques ne font qu’affaiblir notre position face à l’Iran ; une position qui a porté ses fruits. »