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De Croo, avec le courage du désespoir, mise tout sur « l’économie » et choisit ce thème pour affronter De Wever : les revendications communautaires de ce dernier sont perçues par l’Open Vld comme un point faible

De Croo, avec le courage du désespoir, mise tout sur « l’économie » et choisit ce thème pour affronter De Wever : les revendications communautaires de ce dernier sont perçues par l’Open Vld comme un point faible
Alexander De Croo – JONAS ROOSENS/BELGA MAG/AFP via Getty Images

« Wir haben es geschafft. Nous l’avons fait. Merci, Alexander. » Tom Ongena, président de l’Open Vld, n’a pas lésiné sur les moyens pour louer son leader, le Premier ministre. Il était déjà clair depuis longtemps que l’Open Vld gravite autour d’un seul homme, le Premier ministre De Croo. Lors de la réception du Nouvel An, le parti a de nouveau souligné son enjeu principal : l’économie. Les libéraux s’y profilent comme la garantie ultime, les protecteurs de cette prospérité. « Non pas en faisant sensation dans les journaux chaque jour avec des déclarations fracassantes, mais en obtenant des résultats et surtout en collaborant pour améliorer la situation des gens », tel est le credo de De Croo. C’est un pari risqué, car ils affrontent ainsi la N-VA sur le terrain de la « prospérité flamande », là où Bart De Wever souhaite justement les rencontrer. L’Open Vld mise sur le fait que le programme communautaire de la N-VA est son talon d’Achille, permettant une percée : « Ne nous égarons pas dans des débats interminables sur une nouvelle réforme de l’État. Cela représente une perte d’énergie et de prospérité. » Reste à savoir si De Croo et ses collègues peuvent encore rendre cela crédible.

Dans l’actualité : pour sa réception du Nouvel an, l’Open Vld n’a plus insisté sur le poste de Premier ministre, mais le parti libération flamand a tout misé sur De Croo, le leader.

Les détails : Libéraux et nationalistes flamands se concentrent tous deux sur le thème de la « prospérité ». En attaquant le « flanc communautaire » de la N-VA, De Croo et Ongena espèrent inverser la tendance des sondages. Les questions concernant une « majorité flamande » demeurent délicates.

  • « Je suis ravi que notre Premier ministre soit de retour parmi nous, de Chine. J’ai récemment lu une interview d’Alexander disant que ‘tout ce qui a deux oreilles et des pattes doit travailler’. Je prendrais cet appel au sérieux si j’étais vous. Car grâce à Alexander, les oreilles et les pattes, certes de nos porcs, peuvent à nouveau être exportées en Chine. Une excellente nouvelle pour nos éleveurs de porcs flamands. »
  • C’est avec cette plaisanterie quelque peu étrange que le président Tom Ongena a introduit Alexander De Croo : on ne sait pas si le Premier ministre apprécie de voir son voyage en Chine réduit à un simple échange diplomatique concernant des porcs, mais en réalité, c’est ce qu’il s’est passé.
  • Le Premier ministre préfère se présenter, et être vu, comme le « bâtisseur ». Comme il l’a lui-même exprimé, l’homme qui « retrousse les manches », « qui s’attaque aux problèmes et cherche des partenaires », qui « ne se perd pas en grandes théories, mais a guidé la classe moyenne à travers deux crises et l’a protégée ». Et il ajoute subtilement, « bien mieux que le reste de l’Europe ».
  • C’était cette image de « protecteurs » que Ongena a également mise en avant, en l’associant presque littéralement au Premier ministre : « Nous sommes, comme l’un des rares pays européens, sortis renforcés de cette crise. Wir haben es geschafft (on l’a fait !). Merci, Alexander. Nous, les libéraux, avons sauvegardé notre prospérité. »
  • Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris : « Quand il s’agit de notre prospérité, de l’argent des gens, c’est uniquement chez nous, les libéraux, que vous êtes à la bonne adresse. »
  • L’événement se déroulait au cœur de Bruxelles, dans la salle plus intimiste de La Madeleine, qui s’est ainsi remplie chaleureusement. Un grand escalier pailleté sur la scène ajoutait à l’ambiance : chaque tête de liste pouvait descendre cet escalier sous les applaudissements et les acclamations, un exercice d’équilibre périlleux pour certains.
  • Cela conférait à l’événement une atmosphère typiquement Open Vld : un spectacle grandiloquent pour les caméras, tandis que dans les couloirs, on s’interrogeait sur la menace existentielle posée par des sondages désastreux. « On dirait les dernières heures du Titanic. L’orchestre joue encore plus fort, apparemment », commentait cyniquement un cadre du parti hier soir.

L’essentiel : De Croo a choisi son terrain pour l’affrontement avec De Wever, et il s’agit de l’économie. La victoire des libéraux doit s’articuler en se détournant des questions communautaires.

  • Il reste cependant un fait indéniable : l’Open Vld se dirige vers un désastre électoral si l’on en croit les sondages, avec un risque de ne pas franchir le seuil électoral dans de nombreuses provinces. Mais sur scène, ni De Croo, ni Ongena, ni d’autres ténors enthousiastes n’ont montré la moindre hésitation. Au contraire, ils affichent une confiance inébranlable.
  • La stratégie est nettement définie. De Croo et Ongena ont clairement choisi d’affronter la N-VA et Bart De Wever. Pour les libéraux et leurs conseillers stratégiques, le combat se jouera au centre, sur le terrain de la prospérité, de l’économie et du portefeuille, un terrain également choisi par la N-VA comme axe de campagne.
  • Dans son discours, De Croo a particulièrement insisté sur son désir de vaincre la N-VA. Il cible ce que l’Open Vld perçoit comme le point faible de De Wever : les questions communautaires et le catalogue incessant de revendications de la N-VA sur ce sujet. « Certains ont une obsession aveugle pour qualifier tout dans notre pays de ‘pourri’. Pendant ce temps, nous nous engageons pour la croissance, l’innovation et l’emploi », a-t-il lancé, visant De Wever sans le nommer directement.
  • Il poursuit : « Si vous voulez une économie prospère, un seul parti est digne de confiance : les libéraux. » Sur la N-VA, il ajoute : « Ne nous perdons pas dans des discussions sans fin sur une nouvelle réforme de l’État. Ce serait une perte d’énergie et de prospérité. » Et il poursuit sur ce thème : « Nous ne devons pas, en ce moment crucial, nous lancer dans des aventures qui mettraient en péril notre avenir. Les entrepreneurs n’attendent pas d’aventures institutionnelles. »
  • Enfin, De Croo conclut : « Le choix du 9 juin est donc évident : entre le blocage et l’action, entre les protestataires et les acteurs, entre rejeter la faute sur les autres et chercher à s’améliorer soi-même. Nous ne sommes pas le parti des excuses, mais celui des solutions. »
  • En optant pour la confrontation, notamment sur le plan économique, De Croo et Ongena prennent un pari audacieux. La question centrale reste la crédibilité : qui, entre eux et leurs adversaires, sera le plus à même de gagner la confiance de l’électorat sur les questions financières ?
  • Face au discours de De Croo sur les performances économiques supérieures à celles des pays voisins et la création d’emplois, se dresse un bilan précaire en matière de budget et un manque de réformes concrètes, notamment sur le marché du travail et les retraites. La N-VA a durement critiqué ces points depuis l’opposition, et il semble difficile pour De Croo de renverser cette perception.
  • Parallèlement, la N-VA montre une certaine vulnérabilité sur le front communautaire : en vingt ans, De Wever n’a pas réussi à imposer une réforme de l’État. La stratégie de mettre les exigences « au frigo », adoptée en 2014 pour former le gouvernement suédois, n’est pas répétable. Ainsi, les deux camps cherchent à exploiter les faiblesses de l’autre.

À noter : Le débat sur la nécessité d’une « majorité flamande » continue de revenir régulièrement sur le tapis. De Croo lui-même a fait allusion à ce sujet dans son discours.

  • « J’ai interpellé l’Open Vld et le cd&v : allez-vous persister à sacrifier les intérêts de vos électeurs pour des postes ministériels ? Je leur ai demandé s’ils s’engageraient au moins à ne plus jamais former un gouvernement sans majorité flamande. Mais en vain. Bien au contraire, ils fantasment ouvertement sur une Vivaldi II« , a déclaré De Wever dans son discours de samedi, critiquant les autres partis centristes pour l’absence d’une majorité de sièges flamands dans le gouvernement Vivaldi.
  • De Croo a répondu. Il a évoqué la formation d’un « véritable gouvernement », « appuyé par une majorité parlementaire », « doté d’un budget complet soumis à temps à l’Europe » et « porteur d’un projet concret pour renforcer la Belgique ».
  • Il ne s’agit donc pas d’une « majorité flamande », mais plutôt d’une « majorité parlementaire », que le gouvernement Vivaldi possède effectivement, grâce notamment à un surplus de sièges francophones au Parlement. Plus tard, face aux caméras de Terzake, De Croo a défendu cette position de manière particulièrement affirmée : « Le gouvernement précédent, celui de Michel, n’avait pas de majorité en Wallonie. Bart De Wever considérait-il cela comme un problème ? Je ne le pense pas. C’est un argument opportun, utilisé selon les convenances, et ignoré lorsqu’il ne l’est pas. »
  • « Je formerai un gouvernement axé sur la croissance économique. Je formerai un gouvernement qui aura des priorités claires », a poursuivi De Croo, indiquant manifestement qu’il se voit jouer un rôle clé à nouveau. « Et sans majorité flamande, donc ? », a demandé Terzake. « Ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur la véritable priorité ? Cette priorité, c’est d’avoir une majorité dans notre pays, c’est d’avoir un gouvernement qui privilégie l’économie. Cela profitera à tous les Belges, y compris aux Flamands », a insisté le Premier ministre.
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