En Chine, on s’active au déploiement d’un système de crédit social, destiné aux entreprises, cette fois-ci. Il est en effet prévu d’attribuer des scores de « crédit social » aus entreprises, comme cela se fait déjà couramment pour les citoyens de l’Empire du Milieu.
Ce projet, qui suscite une grande inquiétude au plan international, a été annoncé en 2014. La Chine avait alors indiqué qu’elle créerait d’ici 2020 un système qui permettrait de récompenser ou de sanctionner les individus et les entreprises sur base d’une note de crédit social. Celle-ci, calculée grâce à diverses technologies, serait la combinaison de différents scores obtenus dans le domaine des finances personnelles, du comportement personnel et des méfaits des entreprises. Ce système vise ultimement à renforcer le contrôle strict exercé par le Parti communiste sur la société et l’économie chinoises.
Un « instrument chirurgical pour obliger les entreprises étrangères à se conformer à la politique chinoise »
Selon certains experts, ce système pourrait être une bonne chose, dans la mesure où il permettrait de résoudre des problèmes sociaux tels que la fraude ou l’insécurité alimentaire, relativement fréquents en Chine. Il pourrait également réduire la tentation du gouvernement de réglementer les entreprises.
Mais la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine s’inquiète de cette initiative, dans laquelle elle voit « un instrument chirurgical » pour obliger les entrerprises étrangères à se conformer aux objectifs politiques de la Chine. Car pour les entreprises, il ne s’agira plus seulement de choisir entre le légal et l’illégal, il faudra désormais ajouter la nécessiter de faire le « bien » plutôt que le « mal ».
Les sociétés étrangères opérationnelles en Chine se plaignent depuis longtemps de leur accès restreint au marché local. Plus récemment, elles ont commencé à déplorer l’immixtion croissante de l’État chinois dans l’économie, sous la houlette du président Xi Jinping. Ces doléances sont également au coeur des critiques américaines sur les pratiques commerciales de la Chine, qui ont suscité la guerre commerciale que les deux puissances ont entamée récemment.
Une trentaine de critères de notation
La Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine précise que le système de crédit social chinois « corporate » (concernant les entreprises) comprendra une trentaine de critères, y compris les aspects fiscaux et douaniers, le respect de l’environnement, la qualité de la production, les transferts de donnés, la tarification, les licences et le respect de la réglementation. Des notes négatives aboutiront à terme à des sanctions. Celles-ci pourront aller de petites amendes au report sur une liste noire, en passant sur l’inégibilité aux subventions, ou aux crédits d’impôts.
Mais ce n’est pas tout. Le système sera aussi lié au système de crédit social individuel. « Être le représentant légal d’une entreprise en Chine signifie que votre évaluation individuelle du système de crédit social est directement liée à l’entreprise et inversement », précise Bjoern Conrad, CEO de Sinolytics, un cabinet de consiulatnce qui a contribué au rapport rédigé par la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine. Il en ira de même avec les partenaires de l’entreprise, et notamment ses fournisseurs. « En outre, rien ne garantira non plus que les évaluations seront conduites de manière objective », ajoute Conrad. Il précise que certaines entreprises pourront se trouver dans une situation où leurs obligations en Chine pourraient enfreindre les obligations qu’elles ont à l’égard de leur pays d’origine.
Un changement majeur du marché chinois
Un tel système implique un changement majeur pour l’accès au marché chinois. « Le gouvernement aura davantage de capacité pour peser sur le comportement des entreprises, même si le gouvernement chinois a promis de réduire certaines les restrictions qui s’appliquaient jusqu’ici », indique le rapport.
Selon Jörg Wuttke, président de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, pour le moment, le gouvernement chinois semble ne viser que les activités domestiques. Cependant, il n’est pas exclu qu’il se penche sur les opérations à l’international dans un second temps, ce qui est un autre sujet de préoccupation.
Dans le rapport, il exhorte donc les pays occidentaux à entamer des pourparlers avec la Chine sur ces questions.