Deal entre Moscou et Pyongyang : des ouvriers nord-coréens dans le Donbass contre des pièces de rechange

Si l’image de la Russie s’est durablement ternie en occident avec l’invasion de l’Ukraine, elle conserve des alliés, même si leurs motivations peuvent varier. La Chine maintient ainsi une neutralité de façade, tout en s’assurant surtout de ses propres intérêts. Mais Moscou semble se tourner vers un autre partenaire potentiel : le régime de Pyongyang.

Ces dernières semaines, le gouvernement russe multiplie les gestes à l’égard de la Corée du Nord, au plus grand mépris des sanctions internationales dont cette dictature particulièrement fermée est sous le coup.

Et le régime nord-coréen le lui rend bien : il a officiellement reconnu les régions d’Ukraine occupées par les Russes, Louhansk et Donetsk, comme deux républiques indépendantes. « L’Ukraine n’a pas le droit de soulever des problèmes ou de contester notre exercice légitime de la souveraineté après avoir commis un acte qui manque gravement d’équité et de justice entre les nations en se joignant activement à la politique hostile injuste et illégale des États-Unis dans le passé » a déclaré le ministère des Affaires étrangères de Corée du Nord, entrainant la fureur de Kiev, qui a coupé tout lien diplomatique dans la foulée.

Importer des ouvriers

En échange, l’ambassadeur russe à Pyongyang Alexander Matsegora a déclaré que les travailleurs nord-coréens pourraient aider à reconstruire les infrastructures détruites par la guerre dans les Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, selon le site d’information NK News, basé en Corée du Sud. Matsegora a déclaré qu’il existait potentiellement « de nombreuses opportunités » de coopération économique entre la Corée du Nord et les républiques autoproclamées de la région ukrainienne de Donbas, malgré les sanctions de l’ONU.

Ce n’est pas la première fois que la Corée du Nord utilise sa main-d’œuvre comme un bien d’exportation. De nombreux travailleurs nord-coréens ont été envoyés en Chine, en Russie, ainsi que dans certains pays d’Asie du Sud-est, malgré la condamnation de ces pratiques par les Nations Unies rappelle The Guardian, car elles offrent un appoint financier à ce pays paria, tout en plongeant en général les ouvriers concernés dans des situations plus proches de l’exploitation. « Des constructeurs coréens hautement qualifiés et travailleurs, capables de travailler dans les conditions les plus difficiles, pourraient nous aider à restaurer nos installations sociales, infrastructurelles et industrielles » présente pour sa part l’ambassadeur russe.

Et en échange, livrer des machines

Mais la Corée du Nord a beaucoup à gagner de ce genre d’accord avec les « Républiques populaires » créées par la Russie. L’ambassadeur russe a estimé que les usines et les industries de Corée du Nord, généralement basées sur une technologie d’origine soviétique, pourraient bénéficier de pièces de rechange et de nouvelles machines issues du Donbass, offrant ainsi une maintenance dont elles ont souvent bien besoin, après des dizaines d’années d’isolation internationale.

En d’autres termes, la Russie propose donc à la Corée du Nord un deal qui peut se résumer à de la main-d’œuvre obéissante contre des machines et des technologies plus récentes, issues au moins en partie du pillage des industries ukrainiennes.

Un deal qui, évidemment, ne s’attire que des critiques de la part de la communauté internationale : « Une fois que la Russie aura violé les sanctions mêmes qu’elle avait autorisées, le Conseil de sécurité sera sérieusement ébranlé » estime Go Myong-hyun, chercheur à l’Asan Institute for Policy Studies de Séoul, qui considère également que c’est là un argument en plus pour considérer la Russie comme un « État voyou ».

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