A l’automne dernier, la Russie aurait secrètement proposé à la Corée du Nord de démanteler son arsenal nucléaire, en échange d’une centrale nucléaire.
C’est ce que rapporte le Washington Post, qui indique qu’il tient cette information d’officiels de Washington informés de ces tractations à la fin de l’année 2018. Une telle offre aurait été faite pour débloquer les négociations entreprises par les Etats-Unis pour à propos d’une éventuelle dénucléarisation de la Corée du Nord, qui étaient tombées dans une impasse.
Un centrale nucléaire gérée par la Russie
Apparemment, selon les termes de cette proposition, la gestion de cette centrale serait confiée à la Russie, et tous les sous-produits et déchets qui en seraient issus seraient transférés en Russie. Ainsi, on réduit le risque que la Corée du Nord les exploite pour concevoir des armes nucléaires, tout en procurant une nouvelle source d’énergie au pays. Selon des spécialistes américains, une centrale russe ne pourrait produire qu’une quantité très limitée de sous-produits nucléaires utilisables dans une tête nucléaire.
Si elle consent à cette proposition, la Corée du Nord devra fournir un calendrier réaliste indiquant les délais dans lesquels le pays pourrait réaliser sa dénucléarisation.
Un projet inspiré par Bill Clinton
Selon les experts, ce plan pourrait avoir été inspiré par les pourparlers engagés en 1994 par l’ancien président américain Bill Clinton pour conclure un accord avec la Corée du Nord, « The Agreed Framwork ». Dans le cadre de ce dernier, le président américain de l’époque avait également tenté de proposer de répondre aux besoins énergétiques nord-coréens. Pyongyang avait alors accepté d’adhérer au Traité de non-prolifération des armes nucléaires, et se soulettre aux contrôles de l’Agence pour l’Energie atomique.
Mais l’administration Bush n’avait pas vu les choses de la même manière, et refusé que la Corée du Nord ne se dote d’une centrale nucléaire, quelle que soit sa forme.
Une Russie de plus en plus interventionniste dans les situations de blocage
Cette initiative montre également que la Russie est de plus en plus opportuniste sur les questions nord-coréennes, et ce n’est pas la première fois qu’elle s’intéresse à la question de l’énergie dans le pays ermite. D’une manière générale, elle se montre désireuse d’intervenir dans les situations de blocage géopolitiques. On ignore l’opinion du président américain Trump au sujet de cette intervention russe. Habituellement, Washington n’apprécie guère ces interférences, mais l’actuel locataire de la Maison-Blanche a démontré à maintes reprises qu’il avait une attitude radicalement différente de ses prédécesseurs.
On ne sait pas non plus si ces négociations ont joué un rôle dans le récent réchauffement de relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, et la décision d’organiser une nouvelle rencontre entre les chefs d’Etat des deux pays. Le président Trump s’est déjà manifesté très optimiste à propos de cette nouvelle rencontre. Néanmoins, mardi dernier, les agences de renseignement américaines ont indiqué au Congrès américain qu’ils jugeaient particulièrement préoccupante la situation en Corée du Nord, compte tenu que le pays minimise ses activités nucléaires, et qu’il n’a réalisé aucun progrès au cours de l’année dernière en termes de dénucléarisation, en dépit de ses promesses.
Des intérêts économiques et sécuritaires russes en Corée du Nord
Les spécialistes soulignent que la Russie s’intéresse depuis longtemps à la création d’un lien énergétique entre la Sibérie et l’Asie de l’Est, et à se montrer présente dans la péninsule coréenne pour des raisons économiques et de sécurité. En particulier, le pays ambitionne de construiure un gazoduc qui traversait toute la péninsule, pour aboutir en Corée du Sud. De même, la Russie partage une frontière avec la Corée du Nord, et les dirigeants russes veulent donc s’impliquer dans les questions de sécurité qui concernent l’Asie du Nord-Est.
Mais selon certains diplomates, l’initiative russe pourrait aussi être motivée par le désir de mettre fin aux sanctions internationales qui frappent la Russie suite à son annexion de l’Ukraine. Le pays pourrait ainsi plaider une levée des sanctions en soulignant son rôle bénéfique au plan international.
Les États-Unis se sont toujours opposés à ce que la Russie joue un rôle important dans le processus de dénucléarisation par le passé. De même, la Chine s’y oppose également, et refuse l’idée d’une présence russe dans la péninsule coréenne. De ce fait, une intervention russe dans le dossier nord-coréen pourrait donc permettre à Trump de marquer un point contre l’Empire du Milieu dans un contexte de contentieux commercial entre les deux puissances.