L’utilisation d’acier plus respectueux de l’environnement est devenue une nouvelle vitrine pour que les constructeurs automobiles puissent démontrer toutes leurs bonnes intentions climatiques. Une promesse un peu trop belle pour être vraie à l’heure actuelle.
Une nouvelle fraude à l’écologie ? Les constructeurs automobiles sont prêts à payer le prix fort pour de « l’acier vert »… produit à partir d’énergie fossile

Pourquoi est-ce important ?
La fabrication de l'acier génère plus de CO2 que toute autre industrie lourde, représentant environ 8% des émissions mondiales totales, selon un rapport du Forum économique mondial de 2022.Dans l’actu : Les partenariats se multiplient entre sidérurgistes et constructeurs automobiles pour « l’acier vert », produit en utilisant des sources d’énergie renouvelables et non fossiles.
- Dans l’arène sidérurgique allemande, Thyssenkrupp et Salzgitter attirent un beau cercle d’acheteurs, parmi lesquels Mercedes-Benz, Volkswagen, BMW et Ford. Salzgitter envisage de façonner 1,9 million de tonnes d’acier à faible empreinte carbone d’ici à 2026.
- Mercedes-Benz a aussi placé ses pions dans la jeune pousse H2 Green Steel tout en tissant des liens avec le suédois SSAB AB. Le but : prendre le chemin de l’acier façonné par l’hydrogène, plutôt que par le gaz ou le charbon.
- Quant à BMW, après avoir noué des accords avec des sidérurgistes attentifs à leur bilan carbone, elle incite résolument ses fournisseurs à troquer le charbon contre l’hydrogène.
- Ford prévoit que 10% de l’acier qu’elle achètera d’ici 2030 aura « quasiment zéro » émission carbone, sans en dévoiler le détail.
- Ils sont tous séduits par la promesse de l’acier vert et disposés à en payer le prix fort. Selon le président de Salzgitter, Gunnar Groebler, ses clients sont prêts à débourser une prime en centaines d’euros par tonne pour cet acier, en contraste avec celui d’un haut-fourneau classique.
- De son côté, ArcelorMittal, le deuxième plus grand fabricant d’acier au monde, veut produire 4 millions de tonnes d’acier sans émission pour 2026. Pour cela, il compte utiliser de l’hydrogène au lieu du charbon, et des fours qui fonctionnent à l’électricité.
Le paradoxe des énergies renouvelables
Objection : Sauf que cet acier vert n’a, pour le moment, rien de durable.
- Tout le principe de cet acier repose sur l’hydrogène vert, une source d’énergie qui relève actuellement plus de l’utopie que de la réalité. Elle est globalement trop largement sous-exploitée, a récemment dénoncé l’Agence internationale de l’énergie.
- Résultat des courses : cet acier est surtout produit à d’énergies fossiles, le charbon et le gaz en tête.
- Même le président de Salzgitter admet à Bloomberg qu’il est encore « trop tôt pour conclure des accords d’achat d’hydrogène, car la plupart des projets en sont encore à un stade préliminaire et l’infrastructure nécessaire n’est qu’à l’état de projet ».
Zoom arrière : Le secteur sidérurgique doit redoubler d’efforts et veut obtenir plus de subventions s’il veut vraiment fournir les constructeurs automobiles en « acier vert ».
- Salzgitter et Thyssenkrupp ont reçu 3 milliards d’euros de Berlin pour leurs investissements, et d’autres entreprises, comme ArcelorMittal et Saar Stahl, attendent aussi une aide. Le gouvernement allemand prévoit de donner 50 milliards d’euros l’année prochaine pour aider ces industries à réduire leurs émissions.
- À l’échelle européenne, le secteur sidérurgique, dans sa quête d’un avenir plus vert, devra s’abreuver d’hydrogène vert à hauteur de 2 millions de tonnes pour sa transition, selon les déclarations d’Axel Eggert, le directeur général d’Eurofer, la fédération européenne de l’acier, à Euractiv.
- Mais il lui faudra aussi accroître sa production de plus de 74 millions de tonnes d’acier pour soutenir les ambitions de l’UE en matière d’énergies nouvelles. Car ces sources d’énergies renouvelables, comme les éoliennes et les panneaux solaires, sont très gourmandes en acier. Le serpent qui se mord la queue, si rien n’est fait pour remplacer le charbon et le gaz dans le processus.
« L’acier produit à partir de gaz naturel n’est pas un acier climatiquement neutre, et c’est cela qui compte vraiment. »
Oliver Sartor, conseiller principal au think tank Agora Industry, qui milite pour la neutralité climatique dans l’industrie.
Conclusion : Les constructeurs automobiles ont en réalité bien conscience que l’acier et l’hydrogène verts, ce ne sera pas pour toute suite. Ils cherchent donc à faire bonne figure en multipliant les annonces publiques vers un changement écologique, qui reste pour l’instant de la poudre aux yeux des consommateurs.