Comment la guerre en Ukraine transforme le bitcoin en or numérique

Il ne s’agit pas d’alchimie mais, avec la tragédie internationale dont l’Ukraine est actuellement le théâtre, notre perception du monde financier évolue au pas de charge. La radicalisation des contrôles de capitaux amène de plus en plus de personnes à percevoir la cryptomonnaie comme une valeur refuge.

De l’or digital. « Cette vision est déjà fort présente au sein de la communauté Bitcoin, mais le grand public n’a pas encore compris à quel point cette proposition de valeur est puissante. Cela va changer dans les mois à venir, alors que les contrôles des capitaux continuent de s’intensifier à l’échelle mondiale, incitant les gens à chercher des refuges pour leurs actifs », pressent Jaran Mellerud, analyste pour la firme de recherche crypto Arcane.

Dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de Vladimir Poutine, les Occidentaux et la Russie ont introduit les contrôles de capitaux les plus stricts depuis des décennies. Entreprises, banques et oligarques russes ont été frappés par les sanctions de l’Europe et des États-Unis, interdisant singulièrement les échanges commerciaux et financiers.

Saignées chirurgicales ?

Les frappes géopolitiques se veulent ciblées, se concentrant sur les principaux acteurs économiques russes et épargnant jusqu’ici la large majorité de la population qui n’a rien à voir avec cette guerre. Mais « il est naïf de croire que les sanctions extrêmes imposées à la Russie n’affecteront pas l’accès des citoyens russes ordinaires aux services bancaires », soulève l’analyste d’Arcane.

Le gouvernement russe a imposé des mesures strictes à ses citoyens pour empêcher les capitaux de fuir le pays. Alors que les banques russes sont sur le point de s’effondrer et que le rouble a perdu près de 30% de sa valeur depuis l’invasion, Moscou tente de prévenir toute hémorragie financière.

En réaction, une tendance s’observe très nettement sur les marchés : les « Russes ordinaires », pour préserver leur richesse en cette période d’incertitudes, achètent des cryptos comme jamais auparavant.

Des roubles et des bitcoins

Depuis que l’armée russe a pénétré les régions séparatistes de l’Ukraine, les volumes de bitcoins libellés en roubles se sont envolés. Certains commentateurs ont tout de suite accusé la cryptomonnaie de servir d’outil d’évasion aux oligarques et autres grandes fortunes russes, se soustrayant aux sanctions internationales.

Cela étant dit, les statistiques de la blockchain plaident en faveur d’un mouvement plus populaire. Des centaines de milliers de nouvelles adresses Bitcoin renfermant plus d’1$ sont apparues.

« Ces augmentations de volumes pourraient indiquer que les Russes recherchent une exposition au bitcoin avant d’éventuels contrôles de capitaux », épingle l’analyste d’Arcane.

À l’instar de leurs homologues russes, les Ukrainiens achètent d’ailleurs assez massivement des cryptos, les volumes de transactions en hryvnia, la monnaie nationale ukrainienne, enregistrent des hausses significatives.

La peur de l’effondrement bancaire

« De nombreux Ukrainiens craignent que le système bancaire du pays ne s’effondre et recherchent le bitcoin pour protéger leurs économies », poursuit-il.

La banque centrale ukrainienne a bloqué les transferts électroniques d’argent et les distributeurs automatiques de billets. En convertissant leurs avoirs contre du bitcoin, des familles ukrainiennes ont pu fuir les bombardements, comme le décrivent certains témoignages de réfugiés.

« De plus en plus de personnes se rendent compte que l’argent sur leurs comptes bancaires n’est pas leur propriété privée, car les banques peuvent geler des comptes ou, d’une autre manière, empêcher les gens d’effectuer des transactions en un clic », insiste-t-on chez Arcane.

Contrairement à un compte bancaire, l’adresse bitcoin dont le propriétaire gère seul la clé privée et ne la partage pas avec un tiers (une plateforme d’échanges dépositaire) est impossible à censurer. Une spécificité qui, en temps de guerre, vaut naturellement son pesant d’or…

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