Comme prévu, la BCE relève ses taux directeurs de manière agressive : ce que cela signifie

La Banque centrale européenne (BCE) relève ses trois taux d’intérêt directeurs de 75 points de base. Cela porte les taux de dépôt – la rémunération que les banques obtiennent sur le capital qu’elles déposent auprès des banques centrales nationales – à 1,5 %. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis 2009.

Pourquoi est-ce important ?

La BCE augmente les taux d'intérêt pour faire baisser l'inflation galopante. La vie dans la zone euro est devenue un peu moins de 10 % plus chère en glissement annuel en septembre (après révision).

En résumé, l’inflation ne perdant pas de sa vigueur, la BCE est contrainte de relever les trois taux d’intérêt directeurs de 75 points de base pour la deuxième fois consécutive. Au total, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, et son équipe ont déjà relevé les taux d’intérêt de 200 points de base. « Ces derniers mois, la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, les goulets d’étranglement de l’offre et la reprise de la demande après la pandémie ont entraîné un élargissement des pressions sur les prix et une hausse de l’inflation », a déclaré la BCE.

  • Le taux de dépôt passera à 1,5 % en raison de la hausse des taux. Cela signifie donc que la commission que les banques perçoivent sur l’argent qu’elles déposent auprès des banques centrales nationales double. Avant le début des vacances d’été, les banques devaient encore payer un taux d’intérêt punitif de 0,5 % sur ces dépôts.
  • Le taux de refinancement est maintenant de 2 %. C’est le taux que les institutions financières doivent payer pour l’argent qu’elles empruntent pour une période d’une semaine.
  • Le taux de la facilité marginale de prêt sera désormais de 2,25 %. C’est le taux d’intérêt que les banques paient lorsqu’elles empruntent de l’argent à l’institution monétaire pour une très courte période (un jour).

Très concrètement, ces taux directeurs, qui concernent la cuisine interne des banques, influenceront les taux auxquels les particuliers et les entreprises pourront emprunter. Le but reste de ralentir la demande pour calmer une économie en surchauffe. Le danger, c’est la récession longue et les dégâts sur le marché de l’emploi.

Dans une première réaction, Carsten Brzeski, responsable de la macroéconomie chez ING, parle d’un changement de mentalité à la BCE.

  • « Cette hausse des taux en est une nouvelle preuve. Il y a tout juste un an, Mme Lagarde a déclaré qu’un resserrement de la politique n’était pas encore à l’ordre du jour », a-t-il fait écho. « Maintenant, la BCE a mis en œuvre les hausses de taux d’intérêt les plus agressives de son histoire ».
  • Il ajoute que les décideurs politiques d’il y a quelques années auraient peut-être pris une décision différente. « La BCE actuelle a très tardivement pris conscience que même si l’inflation est due à des facteurs liés à l’offre, une inflation trop élevée pendant trop longtemps peut nuire à la crédibilité d’une banque centrale », précise-t-il.

Plus de hausses de taux d’intérêt

Dans un communiqué de presse, la BCE a annoncé que d’autres hausses de taux d’intérêt sont susceptibles de suivre. « Nous restons déterminés à ramener l’inflation à 2 % à moyen terme. Nous fonderons la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs sur l’évolution des perspectives en matière d’inflation et d’économie », peut-on lire.

Le gouverneur de la Banque nationale, Pierre Wunsch, a également déclaré récemment que la trajectoire ascendante n’était pas encore terminée. Il prévoit une nouvelle hausse des taux en décembre et au printemps 2023. M. Wunsch n’exclut pas que les taux d’intérêt puissent avoisiner la barre des 3 %.

Taux à long terme

La BCE doit aussi essayer de maîtriser les taux longs. Sans quoi on pourrait assister à une hémorragie sur les marchés d’actions et d’obligations. Rappelons que la BCE et les banques sont assises sur un stock de plus de 8.000 milliards d’euros d’obligations.

Mais la banque centrale attend encore un peu avant de désendetter son bilan. Cela signifie que le capital libéré par les obligations arrivées à échéance sera réinvesti. Ainsi, l’institution monétaire ne s’engagera pas encore dans un resserrement quantitatif (QT) comme son homologue américaine.

Conditions plus strictes pour les prêts TLTRO

La BCE révèle également qu’elle resserre les conditions des prêts dits TLTRO, ou opérations ciblées de refinancement à long terme. Grâce à ces prêts, la BCE accorde aux banques des prêts à long terme à des taux favorables. On ne connaît pas encore beaucoup de détails sur ce resserrement, mais on sait que les taux d’intérêt sur ces prêts seront relevés le 23 novembre. La banque centrale enverra un communiqué de presse supplémentaire à ce sujet cet après-midi. « Nous avons décidé d’offrir aux banques des dates supplémentaires de remboursement anticipé volontaire », nous dit déjà la BCE.

BL

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