Avec l’invasion de la Russie en Ukraine et la hausse des prix du gaz, l’Europe s’est tournée vers un vieil ami hautement polluant : le charbon. Mais elle l’a elle-même délaissé depuis la chute des prix, laissant des cargos entiers de charbon à la disposition d’autres pays demandeurs.
Le contexte : « Je t’aime, moi non plus » : telle pourrait être définie la relation tumultueuse de l’Europe avec le charbon.
- Après l’invasion russe en Ukraine en février 2022, Vladimir Poutine a coupé progressivement les robinets de gaz russe à l’Union européenne, faisant exploser les prix de l’énergie.
- Embourbée dans une crise énergétique sans précédent, l’Europe s’est donc tournée vers le charbon pour assurer son approvisionnement énergétique.
- En témoignent les données du courtier maritime BRS Group citées par Bloomberg, selon lesquelles les clients européens ont augmenté leurs importations de charbon colombien l’année dernière de 23%, soit environ 30 millions de tonnes.
- Au bout du compte, de plus en plus de centrales électriques reviennent donc au gaz et délaissent le charbon qu’elles avaient commandé.
- Autre argument en défaveur du charbon : il est le combustible le plus polluant et la première cause du réchauffement climatique.
- Sauf que, depuis août, les prix du gaz naturel ont réalisé une chute vertigineuse de plus de 90%.
- Début mai, l’indice de référence européen a chuté à son niveau le plus bas depuis juillet 2021, passant d’un sommet de 340 euros par mégawattheure sur les contrats TTF à un mois le 26 août dernier, à une moyenne de 25 euros au cours des derniers jours.
- Cette baisse est due notamment à une hausse des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), et aux températures au-dessus de la normale saisonnière, qui ont fait chuter la demande.
Les conséquences : Si l’Europe ne brûle pas son charbon, les deux plus grands consommateurs mondiaux s’en chargeront pour elle.
- La Chine et l’Inde, qui consomment 65% de la production mondiale en charbon, se frottent les mains de ce charbon indésiré par les Européens.
- Des cargaisons d’environ 7 millions de tonnes de charbon colombien seront exportées vers des pays asiatiques au cours du prochain trimestre, plutôt que vers des ports européens, selon James Marshall, directeur général de Berge Bulk.
- En particulier la Chine, premier consommateur mondial, qui voit ces arrivées de charbon augmenter les stocks déjà en expansion dans les ports côtiers.
- Le charbon est la principale source d’énergie de la Chine et est largement utilisé pour le chauffage, la production d’électricité et la fabrication d’acier.
- Le pays a ainsi augmenté ses importations tout en stimulant sa production intérieure pour soutenir la relance de son économie. Autant jouer sur les deux tableaux.
- Avec une ombre toutefois : la demande n’a pas suivi, la reprise économique en Chine n’ayant pas pris autant qu’espéré.
- Mais le vent pourrait tourner avec une meilleure performance économique attendue au cours du second semestre, selon des déclarations de Johann Tan, analyste au sein de l’unité BMI de Fitch Solutions. « Un été plus chaud incite également à augmenter les approvisionnements en charbon pour se prémunir contre les pénuries d’énergie », explique-t-il à Bloomberg.
- La Chine et l’Inde peuvent par ailleurs également compter sur du charbon en provenance d’Afrique du Sud, selon des déclarations de Carl Tyler, responsable de l’affrètement chez Noble Resources Group.
Conclusion : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Si la Chine semble suivre scrupuleusement la loi de Lavoisier sur la conservation de l’énergie, c’est une très mauvaise nouvelle pour le climat, le charbon constituant l’une des principales sources d’émissions de carbone du pays. En attendant, elle permet aux Européens de se laver des mains de cette énergie fossile qui fait tache dans les rapports sur le climat.