Ça passe ou ça casse pour Magnette: convaincra-t-il Rutten, et surtout De Croo?

La paix retrouvée à l’Open VLD n’est que de façade. Le dilemme est toujours sur la table, et il est difficile à résoudre: les libéraux doivent-ils prendre part au projet de coalition arc-en-ciel?

Que se passe-t-il exactement? Paul Magnette (PS) est à un moment crucial de sa mission d’informateur: parviendra-t-il à rassembler plus de 75 sièges autour d’une coalition arc-en-ciel? Bien qu’il ait officiellement jusqu’au 9 décembre, il est clair pour tous les négociateurs impliqués que désormais, ça passe ou ça casse.

La construction

Plusieurs de ces négociateurs nous confirment tous le même scénario:

Le Seize est pour Gwendolyn Rutten. ‘Une femme, Première ministre, ne serait-ce pas un signal fort?’, dit-on franchement du côté socialiste. Il y a également quelques remarques sur les ambitions démesurées de la présidente des libéraux…

Notons que la presse (francophone) parle depuis plusieurs jours de ‘l’attitude constructive de Rutten’, par opposition au ‘néo-libéral et rigide Alexander De Croo’. La vérité est sans doute au milieu des deux oppositions. Ça fait même partie d’une sorte de contrat. Chacun tient son rôle.

L’informateur Paul Magnette (PS) n’entre pas en ligne de compte pour le Seize. Il restera bourgmestre de Charleroi et président du PS. Il l’a annoncé publiquement par le passé et il ne semble pas vouloir changer d’avis. L’ombre socialiste plane déjà suffisamment sur l’éventuelle coalition arc-en-ciel: avec 20 sièges, le PS serait de loin le parti le plus dominant.

Le PS fait les yeux doux au CD&V: les socialistes aimeraient bien attirer les démocrates-chrétiens. Cela permettrait de former une coalition plus forte et constituerait un avantage stratégique important pour le PS: avec 88 sièges, toute une série de petites formations ne seraient mathématiquement plus indispensables. Sp.a, Groen, CD & V, Open VLD et même Ecolo pourraient à tout moment recevoir le message suivant: ‘Si vous n’êtes pas d’accord, pas de problème, on ne vous retient pas.’

L’étape suivante

Désormais, il faut vraiment que les acteurs clés obtiennent le ‘feu vert’ pour commencer à négocier un véritable projet de formation. Jusqu’à nouvel ordre, les notes de Paul Magnette ne suffisent pas. Dans les heures et les jours à venir, des contacts cruciaux sont prévus entre l’informateur et les joueurs clés côté flamand.

C’est l’Open Vld qui devra décider si le feu passe au ‘vert-violet’ (paars-groen, comme la coalition est nommée en Flandre) et s’il embarque avec Paul Magnette, ou non. Les libéraux flamands sont clairement divisés. La réunion du groupe fédéral et les consultations libérales qui ont eu lieu ont cependant été très utiles.

Un groupe (assez nombreux) se positionne en faveur du raisonnement de la présidente, favorable à la coalition arc-en-ciel: Patrick Dewael, entre autres, y voit un rôle à jouer, tandis que Bart Somers a clairement conclu une alliance avec sa cheffe de file.

D’autres, comme Maggie De Block, sont plus neutres.

Un noyau dur continue cependant à résister: Vincent Van Quickenborne et Egbert Lachaert chef de groupe à la Chambre, en font partie.

Le compromis

Il était frappant de constater que Lachaert le répète à l’envie: nous faisons confiance aux ‘négociateurs’, au pluriel. En envoyant De Croo dans un rôle de chien de garde auprès de la présidente, ce n’est pas seulement avec Rutten que Magnette devra passer un marché. Mais aussi avec l’ancien président de l’Open VLD.

En termes de contenu, Lachaert n’a pas fermé la porte à la coalition arc-en-ciel, et c’est assez surprenant: ‘Les notes dévoilées commencent à dater’, a-t-il justifié. Son espoir est qu’il y aura une tonalité beaucoup plus bleue dans le texte de compromis de Paul Magnette, après moult négociations. Mais le président du PS se rend bien compte que le petit groupe réuni autour de Lachaert, Van Quickenborne et De Croo est soumis à une énorme pression.

La grande question?

Est-ce que la coalition arc-en-ciel touche au but? Est-ce que le reste de l’Open Vld fait assez confiance à Rutten pour l’envoyer vers Magnette? Car une fois le train parti, elle aura toutes les clés en main: ce sont les présidents qui font les transactions finales, et personne d’autre. Tant en termes de contenu que de distribution des rôles.

Pourquoi cela se produit? La pression est grande au niveau timing. Rutten est présidente du parti jusqu’en mars. En janvier, la campagne interne de l’Open Vld commencera donc, en principe. Un Egbert Lachaert, par exemple, pourrait devenir un adversaire redoutable pour Rutten.

Dans les couloirs: au PS aussi, on sent bien que l’on entre dans le money time: libéraux flamands et CD&V doivent décider s’ils veulent ou non se lancer. La mission de Magnette arrive en bout de course. Désormais, ça passe ou ça casse. ‘La prochaine conférence de presse se tiendra pour annoncer un succès ou échec’, nous a-t-on résumé.

Quid du CD&V?

La pression est peut-être un peu moins forte sur les démocrates-chrétiens, mais il y a malgré tout un certain nombre d’entre eux qui s’inquiètent de rater le train gouvernemental. L’opposition n’est pas une position naturelle pour le CD&V.

Mais la probabilité qu’ils osent se lancer dans une coalition arc-en-ciel est à ce stade très faible. Les socialistes et les libéraux estiment que le CD&V ne va probablement pas accrocher son wagon maintenant, mais peut-être bien dans une seconde phase.

Mais que va faire la N-VA?

Saisissent-ils que le moment est venu pour eux de donner un certain nombre de signaux au CD&V, et même à Open Vld, afin de montrer qu’ils veulent vraiment gouverner? Ou bien préfèrent-ils rester tranquillement sur leur île, à regarder si la coalition arc-en-ciel parvient à décoller ou non? De manière informelle, des contacts ont eu lieu entre les différents groupes de la Chambre. Et Theo Francken (N-VA) s’est montré particulièrement modéré lors de son apparition à l’émission Villa Politica.

Mais cela suffira-t-il à ce stade? Pour le CD&V comme pour l’Open Vld, la question est claire: veulent-ils réellement de la N-VA? Et chez les nationalistes flamands, l’heure est à la division, ce n’est pas un secret. Les noms des pro- et des anti- sont plus ou moins connus. Mais que va décider Bart De Wever (N-VA)?

Tous les yeux sont rivés sur Paul Magnette qui doit convaincre l’Open Vld, puis lancer la machine vers la formation du nouveau gouvernement. Avec le possible appui du CD&V.

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