C’est la Chine, et non la bourse, qui devrait vous inquiéter

Récemment, le monde s’est beaucoup inquiété de la chute des cours à Wall Street, mais personne ne s’est soucié de la Chine. Or, l’indice boursier chinois le plus important a enregistré la pire performance du monde en 2018, dévissant de 25 %.

Bien sûr, la guerre commerciale initiée avec les Etats-Unis a joué un rôle dans cette bérézina, mais ce n’est pas la raison principale. C’est plutôt la décision du gouvernement chinois d’intervenir pour mettre fin à la formation de bulles qui a été déterminante, explique le Washington Post.

Des emprunts excessifs, contractés auprès de banques fantômes, et dissimulés en grande partie

En effet, pendant la crise financière, Pékin a déployé un énorme programme de relance, représentant pas moins de 19 % du PIB chinois, selon des estimations d’Adam Tooze, un historien de l’Université de Comulbia. Par comparaison, les mesures d’incitations décidées par le gouvernement américain de l’ancien président Barack Obama ne se montaient qu’à 5 ou 6 % du PIB américain.

Mais plutôt que d’emprunter de l’argent pour financer des projets d’infrastructure, le gouvernement central chinois a préféré inciter des entreprises publiques et des autorités locales à le faire elles-mêmes. Ce choix a eu pour conséquence de compliquer l’assainissement de cet endettement, parce que ces autorités ont souvent fait appel à des banques fantômes auprès desquelles elles ont contracté des emprunts dissimulés, dépassant allègrement les quotas annuels approuvés par le gouvernelent central. Bien souvent, ces emprunts ont été accordés par des moyens alternatifs, n’ont pas fait l’objet d’émission d’obligations, et ne figurent pas au bilan des provinces. Ainsi, les gouvernements des provinces chinoises ont accumulé près de 40 000 milliards de yuan (environ 5 000 milliards d’euros) de dettes en sus des niveaux d’endettement qui leur avaient été accordés par ce dernier. 

Le gouvernement chinois tente donc désormais d’éponger cet endettement sans briser l’élan de la reprise économique. Ce n’est pas une première pour lui. Le Parti communiste chinois a toujours eu recours à cette stratégie depuis qu’il a choisi un modèle de prospérité croissante, et il s’y est montré extrêmement efficace. La Chine a ainsi pu éviter la récession pendant 25 ans, notamment grâce à une politique de crédit prescrivant aux banques les montants qu’elles sont autorisées à prêter et les limites qu’elles ne doivent pas franchir. 

Une baisse de la rentabilité des incitations

Mais ce qui est nouveau, dans la situation actuelle, c’est que cette stratégie ne fonctionne plus aussi bien. Le Fonds monétaire international affirme que la Chine pourrait avoir atteint le point où le rendement des incitations est de plus en plus faible. En effet, une grande partie de ces nouvelles dettes sont consacrées au remboursement de dettes plus anciennes, ou à des projets douteux. En conséquence, il lui faut s’endetter 3 fois plus qu’avant pour obtenir le même niveau de croissance. En 2008, un total d’emprunts de 6500 milliards de yuans permettait de générer une hausse du PIB de 5000 milliards de yuans par an. Désormais, pour obtenir la même croissance, il faut emprunter 20 000 milliards de yuans.

Cela explique pourquoi la Chine a dû recourir à des incitations à l’ancienne, telles que des réductions d’impôts et des dépenses d’infrastructure, afin d’obtenir une croissance suffisante pour empêcher l’apparition de mouvements de protestation. 

Maintenant, c’est la Chine qui peut enrhumer le monde entier

Mais c’est aussi une nécessité pour le reste du monde. Apple a récemment admis avoir révu à la baisse ses perspectives de ventes en raison de la faiblesse des ventes en Chine. Et les marchés financiers semblent croire que ce constat est aussi valable pour les autres entreprises cotées américaines. 

La production d’acier illustre elle aussi la nouvelle importance de l’Empire du Milieu dans l’économie mondiale. Entre 1978 et 2000, la part de la production chinoise d’acier dans la production mondiale est passée de 4,4 % à 15,1 %. Et aujourd’hui, elle en représente quasiment la moitié (49,2 % exactement). Alors qu’au début de ce siècle, l’Europe et l’Amérique du Nord produisaient ensemble deux fois et demie plus d’acier que la Chine, cette dernière en a produit 3 fois plus en 2017.

« Pendant longtemps, on disait que lorsque l’Amérique éternuait, c’était le monde qui s’enrhumait. Cela fait longtemps que la Chine n’a pas éternué, mais avec la baisse de ses bénéfices industriels et le recul de ses ventes de voitures pour la première fois en bientôt 30 ans, nous pourrions bientôt découvrir à quel point elle peut rendre tous les autres malades », conclut le journal américain.

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