Les analystes financiers sont de plus en plus nombreux à exprimer leurs doutes concernant l’efficacité de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE). Ils l’accusent d’avoir pour effet d’affaiblir le secteur bancaire, de remettre en cause la rentabilité des investissements, et d’avoir créé une bulle spéculative. Le CEO de la Deutsche Bank, John Cryan, vient de les rejoindre. En marge d’une conférence consacré aux banques qui se tiendra à Francfort la semaine prochaine, il a écrit ce qui suit :
“La politique monétaire va maintenant à l’encontre des objectifs de revitalisation de l’économie et d’un système bancaire européen plus sûr”
Des taux d’intérêt au plus bas
Depuis qu’elle s’est lancée dans cette politique d’assouplissement monétaire en mars 2015, la BCE a acquis plus de 1000 milliards d’euros d’actifs, elle a baissé son taux directeur à 0 %, et introduit un taux d’intérêt négatif (-0,4 %) sur les placements de liquidités des banques commerciales. Mais jusqu’à présent, elle n’est pas parvenue à son objectif de 2 % d’inflation ; en juillet, le niveau des prix n’a pas augmenté de plus de 0,2 %. Selon Cryan, cette politique a eu pour effet de réduire les marges des banques européennes pourtant en situation difficile, elle complique la recherche d’investissements rentables des assureurs, et elle fausse le cours des actifs sur les marchés financiers. D’un autre côté, ses bénéfices escomptés ne se sont pas encore concrétisés. “Compte tenu de cette incertitude constante, les entreprises rechignent à investir et elles ne cherchent plus à obtenir de crédit”, écrit-il. Il rappelle que la Deutsche Bank traverse une phase de restructuration douloureuse, et que, de ce fait, elle est très affectée par les effets négatifs de cette politique monétaire. En particulier, le revenu net d’intérêt, traditionnellement la plus grande source de recettes des banques de la zone euro, a chuté de 7 % depuis 2009, en raison de la baisse des taux d’intérêt.
« La plus grande bulle de l’histoire »
Il n’est pas le seul à sonner l’alarme. Martin Lück, stratège chez Blackrock, affirme que la baisse des taux d’intérêt a eu l’effet contraire de celui qui était recherché ; au lieu d’inciter les ménages à dépenser, il lesa poussé à économiser davantage pour s’assurer de meilleures pensions. D’autres notent que les investisseurs prennent plus de risques pour obtenir une meilleure rentabilité de leurs placements. Beaucoup s’inquiètent des effets de ces politiques monétaires sur le cours des actifs financiers ; le célèbre gérant de fond américain Paul Singer les a accusées de créer “la plus grande bulle de l’histoire”.