Les actes d’accusation des autorités américaines à l’encontre de Binance brossent un tableau déconcertant des mécanismes de contrôle de la plateforme de cryptomonnaie, qui a plaidé coupable et a dû débourser pas moins de 4,3 milliards de dollars dans le cadre d’un accord à l’amiable. Du Hamas à Al-Qaïda, en passant par les trafiquants de drogue, les réseaux pédophiles et les places de marché russes louches, tous ont utilisé Binance pour des transactions de cryptomonnaies interdites.
Révélation : Binance a facilité des transactions de cryptomonnaies non autorisées d’une valeur de plusieurs milliards de dollars, selon le procureur général des États-Unis Merrick Garland, qui, à ce titre, est également le procureur général du pays.
- États voyous : Binance a permis près de 900 millions de dollars de transactions entre des utilisateurs américains et iraniens. La plateforme a facilité des millions de dollars de transactions entre des utilisateurs américains et des utilisateurs en Syrie et dans les régions ukrainiennes de Crimée, Donetsk et Luhansk occupées par la Russie. Les autorités ont aussi découvert des transactions interdites vers la Corée du Nord.
- Groupes terroristes : la plateforme cryptographique a également servi de canal de blanchiment d’argent et de financement pour de nombreux groupes terroristes, dont le Hamas, le Jihad islamique, Al-Qaïda et l’Etat islamique.
- Criminels : des vendeurs de drogue, des cybercriminels et des réseaux pédophiles ont également acheminé des bitcoins et d’autres cryptomonnaies par l’intermédiaire de Binance.
- Mais aussi : Binance a créé des astuces permettant aux clients VIP américains de négocier sur la plateforme par l’intermédiaire d’entités offshore.
Résumé : « Binance a fermé les yeux sur ses obligations légales dans sa quête de profits. Ce manquement délibéré a permis à des terroristes, des cybercriminels et des abuseurs d’enfants d’accéder à la plateforme », a expliqué Janet Yellen, secrétaire d’État au Trésor américain.
- En d’autres termes : Selon les autorités américaines, les équipes de Binance savaient très bien, en interne, qu’elles enfreignaient les règles relatives aux transactions financières des commerçants malhonnêtes, des groupes terroristes et des criminels.
- Un exemple cité par Garland : dans une discussion par chat de février 2019, un responsable de la conformité a écrit qu’ils avaient besoin d’une bannière qui disait : « Le blanchiment d’argent de la drogue est-il trop compliqué de nos jours ? Venez chez Binance. Nous avons du gâteau pour vous. »
- Garland : « En partie à cause des crimes qu’elle a commis, Binance est devenue la plus grande bourse de cryptomonnaies au monde. Aujourd’hui, Binance paie l’une des plus grosses amendes de l’histoire des États-Unis. »
Règlement et amende
Concrètement : Binance va payer 4,3 milliards de dollars pour se débarrasser des accusations – blanchiment d’argent, transactions financières interdites et violation des sanctions américaines. L’accord implique le département de la justice (Garland), le département du Trésor (Yellen) et l’organisme de surveillance Commodity Futures Trading Commission.
Zoom sur : Le fondateur Changpeng Zhao, CZ en abrégé, a plaidé coupable et doit payer une amende de 50 millions de dollars. Il a annoncé qu’il quittait son poste de CEO et qu’il n’avait plus l’ambition de diriger d’autres start-ups. Les autorités lui interdisent d’occuper des postes opérationnels chez Binance pendant au moins trois ans. Le fondateur déchu de Binance risque personnellement jusqu’à 10 ans de prison, mais ne devrait pas écoper de plus de 18 mois grâce à l’accord conclu.
Mais aussi : l’autre héros déchu de la cryptomonnaie, SBF, va sans doute retrouver un peu le sourire. Autour de la chute de la plateforme cryptographique FTX de SBF, CZ et SBF s’étaient engagés dans une lutte de mots acharnée. Un CZ moralisateur présentait alors Binance comme l’alternative mature à FTX.
(JM)