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Les péchés climatiques de la Banque mondiale : des milliards ont été dirigés vers des projets pétroliers et gaziers l’an dernier

Les péchés climatiques de la Banque mondiale : des milliards ont été dirigés vers des projets pétroliers et gaziers l’an dernier
David Malpass, directeur de la Banque mondiale jusqu’en juin 2023 – MANDEL NGAN/AFP via Getty Images

D’après une enquête de l’organisation allemande Urgewald, une ONG qui se penche sur le financement des entreprises productrices d’énergies fossiles, il apparaît que la Banque mondiale a utilisé des fonds considérables en 2022 pour financer des projets pétroliers et gaziers.

Pourquoi est-ce important ?

La Banque mondiale est l'institution de coopération au développement la plus importante au monde. Étant donné que le climat joue un rôle de plus en plus important, la banque avait annoncé en 2017 qu'elle cesserait de soutenir les investissements dans les énergies fossiles à partir de 2019, sauf dans les pays les plus pauvres. Mais en 2019, l'ancien président américain, Donald Trump, a nommé David Malpass, un climatosceptique, à la tête de la Banque mondiale, reléguant ainsi le climat au second plan pour l'institution.

Dans l’actu : Malgré les engagements climatiques de la Banque mondiale, l’enquête d’Urgewald révèle que près de 3,7 milliards de dollars ont été alloués à des projets pétroliers et gaziers en 2022.

  • La quantité exacte est cependant difficile à déterminer, car des instruments de financement commercial ont été utilisés. Il s’agit d’un terme générique désignant des produits financiers qui facilitent les transactions commerciales tout en les rendant plus difficiles à tracer. Le financement commercial est un instrument utile pour la Banque mondiale, car il permet de financer des projets dans les pays en développement sans que ces pays aient à supporter des taux d’intérêt très élevés sur le marché privé.
  • Selon Heike Mainhardt, auteure de l’enquête d’Urgewald, la Banque mondiale utilise de plus en plus cet instrument pour financer des projets. À présent, le financement commercial représente plus de 60 % des engagements annuels de la Société financière internationale (SFI), la branche de financement privé de la Banque mondiale. Au cours des trois dernières années seulement, la SFI a accordé plus de 40 milliards de dollars en financement commercial.
  • Mainhardt estime que pas moins de 70 % de ces fonds sont distribués en secret, dont une partie incontestablement dirigée vers des projets pétroliers et gaziers. « Les entreprises productrices d’énergies fossiles voient qu’elles peuvent ainsi accéder à des fonds publics sans attirer l’attention sur elles, et elles sont très astucieuses, donc elles le feront », a-t-elle déclaré à The Guardian.

Appel à plus de transparence

Les chiffres : Mainhardt a calculé le montant de 3,7 milliards de dollars à partir de données historiques de la SFI.

  • Il est important de noter que bien que la Banque mondiale ait déjà promis de mettre fin au financement direct des projets pétroliers et gaziers, le financement commercial n’est pas inclus dans cette catégorie. Cet instrument est toujours considéré comme un financement indirect, ce qui permet à la SFI de continuer à acheminer de l’argent vers les entreprises pétrolières et gazières.
  • La SFI a par ailleurs une liste des secteurs qu’elle refuse de financer, telles que l’industrie de l’armement et la production de matériaux radioactifs. La production de charbon, de pétrole et de gaz n’est pas sur cette liste.
  • Mainhardt appelle maintenant, comme de nombreux autres, à ce que la Banque mondiale et la SFI soient plus transparentes concernant leurs flux financiers. Elle souhaite également que la SFI ajoute le charbon, le pétrole et le gaz à la liste mentionnée ci-dessus.
  • Un porte-parole de la SFI a réagi à l’enquête dans The Guardian. Selon la SFI, le rapport n’est pas précis, et le financement du charbon est de toute façon exclu du financement commercial. De plus, la production de pétrole et de gaz n’est pas financée. La distribution des carburants est seulement encouragée dans des cas limités, selon le porte-parole, uniquement dans les pays où la sécurité énergétique est très précaire et où il est donc essentiel que les gens aient accès à des carburants.

La Banque mondiale et le climat dans l’histoire récente

Un retour en arrière : Comme mentionné au début de cet article, le climatosceptique David Malpass a été élu à la tête de la Banque mondiale en 2019. Les États-Unis ont le droit de choisir le directeur comme ils sont le plus grand actionnaire de la banque.

  • La nomination de Malpass a eu pour conséquence que la nouvelle orientation climatique promise n’a pas été mise en œuvre, suscitant ainsi de vives critiques.
  • Cependant, ce n’est qu’en septembre 2022, après que l’ancien vice-président américain Al Gore l’ait qualifié de climatosceptique, que Malpass s’est retrouvé dans une position difficile. On lui a demandé à trois reprises s’il était prêt à reconnaître que les énergies fossiles étaient responsables du changement climatique. Malpass a refusé de le confirmer. Il a finalement simplement déclaré : « Je ne suis pas un scientifique. »
  • Cette réponse a mis Malpass sous une forte pression. Le département américain des Finances, entre autres, a publié une déclaration dans laquelle il a fait savoir qu’il attendait que la direction de la Banque mondiale joue un rôle de premier plan dans les questions climatiques. Malpass a été contraint d’annoncer publiquement qu’il n’était pas climatosceptique et que les émissions de gaz à effet de serre avaient bel et bien un effet sur le climat.
  • Finalement, quelques mois plus tard, en février de cette année, il a présenté sa démission. Cela s’est produit quelques semaines après l’annonce de la Banque mondiale selon laquelle elle allait débloquer davantage de ressources pour lutter contre le changement climatique. Le successeur de Malpass, Ajay Banga, a été choisi par Joe Biden et adoptera la même politique environnementale que le président.

(SR)

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